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Des femmes pour sauver la Terre

L’environnement avant Greta Thunberg : quatre femmes de tête qui prennent la parole!

Date de publication :

La Suédoise Greta Thunberg a récemment fait couler beaucoup d’encre à la suite de son passage à Montréal, à l’automne 2019. Plusieurs femmes d’ici défendent elles aussi corps et âme la cause environnementale, et ce, en passant parfois sous les radars médiatiques. Parmi elles, Aliénor Rougeot, Caroline Brouillette, Karine Péloffy et Alyssa Symons-Bélanger, quatre femmes de tête qui prennent la parole.

La plus jeune a 20 ans. Aliénor Rougeot a grandi en France et vit maintenant à Toronto. L’activiste est coordonnatrice torontoise du mouvement Fridays for Future, la grève étudiante récurrente pour le climat lancée par Greta Thunberg en août 2018.

Des droits de la personne aux changements climatiques, le besoin de s’impliquer socialement a toujours été essentiel pour elle. « Je m’entoure de gens qui vont me pousser à rester le plus longtemps possible dans cet activisme. À 35 ans, je ne serai peut-être plus en avant, à crier au mégaphone, mais dans une position où je pourrai amener des changements autrement. Les idéaux seront les mêmes, les objectifs aussi, je l’espère. Je souhaite surtout demeurer optimiste et ambitieuse. C’est peut-être pour ça que les jeunes sont si actif·ve·s dans le dossier des changements climatiques. Nous avons encore beaucoup d’ambition et d’espoir pour cette planète. »

Comme bien d’autres personnes de son âge, son engagement et la forme qu’il prendra évolueront. Pour l’instant, tout en terminant sa troisième année en économie et en politiques publiques à l’Université de Toronto, Aliénor Rougeot aimerait trouver du temps pour aider la jeunesse à s’impliquer davantage. « C’est important qu’à 15 ou 16 ans, on soit déjà capable de mobiliser son école, si on en ressent le besoin. J’aimerais voir s’établir un vrai réseau de jeunes militant·e·s. »

Compter sur la nouvelle génération

Caroline Brouillette

C’est avant tout l’avenir de la relève qui est menacé, celle qui se voit grandir dans un monde où les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes. Qu’ils sentent le besoin de prendre la parole est donc parfaitement compréhensible.

Malgré l’importance de leur rôle, Caroline Brouillette, chercheuse séniore chez Équiterre, croit qu’il ne faut pas mettre tout le poids de la lutte pour l’environnement sur les membres de cette génération montante. « Les jeunes se sont mobilisé·e·s comme jamais parce que les adultes n’ont pas fait leur travail. On doit être reconnaissant·e·s de leur détermination, mais une réflexion profonde s’impose de la part des élites politiques et économiques sur les raisons de la situation actuelle. »

Celle qui a représenté en 2018 la jeunesse canadienne au Y7, un sommet officiel mobilisant une délégation de jeunes des pays du G7, rappelle qu’il faut réfléchir à la place de la relève dans les instances dirigeantes. « Il y a beaucoup de chemin à faire de la part des gouvernements sur ce point », insiste-t-elle. Tout en saluant l’ouverture récente des décideurs par rapport à l’implication de la jeunesse, elle ajoute que le progrès doit être continu : « Je ne peux pas parler au nom de toute une génération, mais assurer un avenir viable, ça passe d’abord et avant tout par limiter les effets les plus catastrophiques de la crise climatique. »

Faire avancer le gouvernement, de l’intérieur

Des organismes comme Équiterre alimentent les réflexions des élu·e·s. À l’intérieur même de l’appareil gouvernemental, des gens travaillent aussi pour amener des changements de pratique. C’est le cas de l’avocate Karine Péloffy, aujourd’hui conseillère aux affaires parlementaires pour la sénatrice indépendante Rosa Galvez. Celle-ci présidait le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles lors de la dernière session parlementaire.

Karine Peloffy

« Nous partageons beaucoup d’objectifs, comme celui de stopper la vision en silo des enjeux environnementaux, économiques et sociaux pour avoir une approche intégrée de tout ça », précise Karine Péloffy, qui a été directrice du Centre québécois du droit de l’environnement de 2014 à 2018.

Militante dès l’adolescence, elle a obtenu un diplôme en droit avant d’effectuer une maîtrise en gestion des changements environnementaux. L’avocate a d’ailleurs produit plusieurs articles juridiques sur les liens entre les dommages climatiques, les États et les entreprises.

« Actuellement, le système juridique est fait pour protéger la propriété et le droit des corporations. Il n’est pas conçu pour assurer la survie de l’humanité dans les limites écosystémiques de la planète. Il y a beaucoup de choses qu’il faut fondamentalement repenser, notamment rééquilibrer les droits relatifs des compagnies, qui jouissent de la personnalité juridique, et ceux de la nature et des écosystèmes, qui, pour le moment, n’existent pas juridiquement. » Karine Péloffy souhaite ainsi voir le cadre légal évoluer pour que les enjeux environnementaux et sociaux s’inscrivent dans les décisions d’affaires, au même titre que la rentabilité financière.

Mobiliser la population

Pour réussir à changer les choses, des responsabilités sociétales des entreprises au cadre législatif, il faut pouvoir compter sur l’engagement citoyen. L’artiste militante Alyssa Symons-Bélanger, habituée à la mobilisation sur le terrain et aux actions directes, met à profit sa formation en théâtre sociopolitique pour toucher le plus de gens possible.

C’est d’ailleurs en participant à titre d’artiste à une marche contre les gaz de schiste, en 2011, qu’elle a été sensibilisée à la cause environnementale. « J’ai réalisé que ce que je faisais en théâtre pouvait devenir un outil de réflexion stratégique dans la lutte. »

Alyssa Symons-Bélanger

Ainsi, elle a utilisé le théâtre-forum pour militer contre le projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada. « La problématique était présentée et le public proposait des pistes de solution. Le cabaret Olé Oléoducs s’est tenu dans 13 des communautés qui se trouvaient sur le tracé de la future ligne 9. » La conclusion unanime du public suggérait de créer un rapport de force et de rallier les collectivités.

Aujourd’hui âgée de 31 ans, Alyssa Symons-Bélanger termine sa maîtrise en psychosociologie et s’intéresse aux dynamiques de groupe autour de la mobilisation et de la création de différents types d’actions, tant artistiques que militantes. Elle donne également des formations et aide des collectifs à élaborer leurs propres stratégies de concertation et de lutte efficaces. « J’encourage les gens à agir. Mais il est important qu’il y ait une réflexion dans la façon de déployer son énergie et son implication. On peut facilement s’épuiser… »

L’artiste, qui s’est elle-même rendue jusqu’à l’épuisement militant, aborde le sujet de front dans sa pièce Douce orageuse. « Je parle des effets des actions directes et de l’implication citoyenne dans un contexte intense de changements climatiques, des conséquences sur la santé mentale. Ce que l’on appelle aujourd’hui l’écoanxiété. »

S’investir dans la cause

L’impression que l’on a peut-être atteint le point de non-retour peut devenir une source d’angoisse, au risque de donner envie de baisser les bras. Parce que de l’impuissance peut naître l’inaction, Aliénor Rougeot, Caroline Brouillette, Karine Péloffy et Alyssa Symons-Bélanger, comme plusieurs autres, s’investissent sans compter pour que jamais ne meure la flamme qui nous pousse, collectivement, à demander un monde meilleur, plus juste et plus sécuritaire. Exemples à suivre, ces quatre femmes sont la preuve qu’il ne faut en aucun temps abandonner.