Aller directement au contenu

L’égalité vue par Pauline Marois

Les préjugés à notre endroit font en sorte qu’on se demande toujours si on va être capables de relever tel défi, d’assumer telle tâche; ils sont le pire ennemi de l’égalité.

Date de publication :

De sa collaboration à la mise sur pied de l’Association coopérative d’économie familiale de l’Outaouais en 1970 à son rôle de première (et seule) femme première ministre du Québec de 2012 à 2014, le parcours de Pauline Marois impressionne. Sa trajectoire est jalonnée d’actions et de contributions au mouvement des Québécoises : plusieurs responsabilités à la Condition féminine, trésorière à la Fédération des femmes du Québec, plus d’une fois ministre de la Famille et de l’Enfance… Et les questions d’égalité ne manquent pas de la passionner encore aujourd’hui!

Logo de la Gazette des femmes

Dans l’actualité, qu’est-ce qui vous fait le plus grincer des dents ces temps-ci en matière d’inégalité femmes-hommes?

L’inégalité de revenus. Une publication de l’Institut de la statistique du Québec, parue il y a quelques mois, confirme qu’il continue d’y avoir une inégalité de revenus, et ce, peu importe le type de diplôme qu’on a : baccalauréat, diplôme d’études collégiales ou professionnelles… C’est assez désarmant et décourageant. Alors, pour moi, ça continue d’être ce qui me fait le plus grincer des dents.

Je vais ajouter une deuxième chose, si vous me le permettez. Je lisais récemment dans le journal un article sur le sommet de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord). Sur la photo présentant les dirigeants des 27 pays qui en sont membres, il n’y avait que trois ou quatre femmes. Les changements culturels sont longs à arriver!

Un moment-clé dans votre vie personnelle, dans votre carrière, où vous avez pris conscience que l’égalité n’était pas réellement atteinte?

C’est quand je me suis présentée à la chefferie de mon parti en 1985, et tout au long de ma carrière à partir de là. C’est le double standard, le regard différent que l’on pose sur une femme. On est prêt à accepter qu’elle soit notre collègue, mais qu’elle soit notre chef, notre boss comme on dit en bon québécois, c’est moins évident. Le regard que l’on porte sur les femmes est différent de celui que l’on pose sur les hommes. On nous regarde sous l’angle de notre allure, de notre coiffure, de ce que l’on met comme vêtements, etc. Ce double standard a été un choc pour moi et il continue d’en être un.

Comment voyez-vous le futur pour les femmes?

Je le vois quand même positivement. Vous savez, les changements culturels, ça prend du temps. On essaie parfois de les provoquer et on réussit dans certains cas. Je pense à la Loi sur l’équité salariale; c’est une loi qui a engendré des changements et ça a donné des résultats, même s’il y a encore des iniquités de revenus entre les hommes et les femmes.

Mais je reste confiante pour la suite. C’est long, c’est compliqué, on doit se battre contre les préjugés, mais je crois que nous sommes sur la bonne voie.

Un geste égalitaire que vous avez posé ou une parole antisexiste que vous avez dite et dont vous êtes fière?

Le geste égalitaire que j’ai posé qui a eu le plus d’impact sur la vie des femmes et sur l’égalité, c’est la création, avec Nicole Léger, de la politique familiale adoptée en 1997 par le gouvernement, alors que j’étais ministre de l’Éducation [NDLR : Mme Léger a été ministre déléguée à la Famille et à l’Enfance de 1998 à 2001]. Cette politique comportait plusieurs volets, mais à mon avis, il y en a deux qui ont changé la vie des jeunes couples, des parents. Le premier : un temps prévu pour les pères dans le congé parental. C’est assez formidable parce que de plus en plus de pères prennent ce congé. Le deuxième, c’est la création des centres de la petite enfance (CPE), qui donnait accès à des services de garde à prix réduit à toutes les familles, peu importe leur niveau de revenu. Ce qui a donné des résultats, puisque l’accès à ces services a fait reculer la pauvreté chez les femmes

Le pire ennemi de l’égalité, c’est…

Les préjugés et l’absence de connaissances objectives. On dit des femmes qu’elles sont plus faibles, alors qu’on est bien plus fortes que les gars à plus d’un égard. Les préjugés à notre endroit font en sorte qu’on se demande toujours si on va être capables de relever tel défi, d’assumer telle tâche; ils sont le pire ennemi de l’égalité. Je pense qu’il faudra continuer à se battre contre ces préjugés et certains dogmes religieux. Tout ça a un impact dévastateur sur l’égalité entre les hommes et les femmes.