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L’année féministe en revue

Beaucoup de hauts, presque autant de bas : le féminisme a fait tout un tour de montagnes russes en 2016. Regard dans le rétroviseur, pour le meilleur et pour le pire.

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Beaucoup de hauts, presque autant de bas : le féminisme a fait tout un tour de montagnes russes en 2016. Regard dans le rétroviseur, pour le meilleur et pour le pire.

Illustration de Cathon.

Funérailles nationales méritées

Le 2 avril, Claire Kirkland-Casgrain (1924-2016), pionnière du Québec moderne, a été la première Québécoise à recevoir des funérailles nationales. Il faut dire qu’elle avait l’habitude des premières : première femme députée, première femme ministre, première femme juge au Québec… Un léger baume au cœur quand on songe aux personnalités féminines d’envergure (comme Anne Hébert) qui n’ont pas eu droit à cette reconnaissance.

Avortement possible à l’Î.-P.-É.

Les résidentes de l’Île-du-Prince-Édouard souhaitant subir un avortement n’auront plus à se rendre au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse : leur gouvernement a enfin reconnu qu’il devait fournir un service sécuritaire d’interruption volontaire de grossesse. L’Î.-P.-É. était la seule province canadienne où l’avortement n’était pas offert.

Congés parentaux pour les élus municipaux

Bonne nouvelle pour les femmes (et les hommes) souhaitant s’impliquer en politique municipale : les élus de ce palier de gouvernement auront enfin droit à des congés parentaux (d’un maximum de 18 semaines). C’est la conseillère municipale gatinoise Myriam Nadeau qu’il faut remercier pour cet amendement à la loi.

Médaillées canadiennes à Rio

Les athlètes féminines ont remporté 16 des 22 médailles canadiennes (donc 73 %) aux Jeux olympiques de Rio, une récolte totale qualifiée d’historique pour le pays. Nos hommages à la nageuse de 16 ans Penny Oleksiak qui, à elle seule, en a rapporté quatre. Notons qu’il a fallu quelques jours à plusieurs commentateurs et journalistes avant qu’ils s’intéressent à l’apport considérable des femmes, preuve que le sport demeure un bastion masculin.

Commission d’enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées

Stephen Harper l’a longtemps refusée, mais voilà que Justin Trudeau l’a mise sur les rails, cette commission d’enquête fortement réclamée. Les cinq commissaires, parmi lesquels on trouve un homme et deux femmes autochtones ainsi qu’une Métisse, ont été nommés en août, et les audiences commenceront cet hiver. L’enquête, qui se penchera entre autres sur les pratiques policières, la pauvreté endémique et le rôle du colonialisme et des pensionnats, se poursuivra jusqu’en décembre 2018. Le gouvernement provincial a emboîté le pas au fédéral en créant – juste avant les fêtes de fin d’année – une commission d’enquête publique sur les relations entre les communautés autochtones et certains organismes publics, dont les forces policières.

Une première autochtone à la tête du CSF

En septembre, l’ancienne grande chef du Conseil de la nation attikamek, Eva Ottawa, a été nommée présidente du Conseil du statut de la femme. Celle qui était commissaire à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse devient ainsi la première femme autochtone de l’histoire du Québec à diriger un tel organisme.

Étudiants et consentement

Avec les nombreux scandales de harcèlement sexuel ou d’agressions (voir nos Maux de cœur), la culture du viol et la notion de consentement ont trôné au cœur des discussions en 2016. Dans la foulée, les universités québécoises ont lancé la campagne de sensibilisation « Sans oui, c’est non! ». Est également né le mouvement Québec contre les violences sexuelles, qui réclame entre autres la « création de standards provinciaux concernant la réponse des institutions postsecondaires en lien avec les plaintes de violence sexuelle », lit-on sur son site. À revoir aussi, cette vidéo devenue virale qui compare le consentement à l’envie de boire du thé, traduite en français : Vidéo.

En grève et en marche

Octobre a été le mois des grandes mobilisations : des travailleuses islandaises se sont mises en grève pour protester contre les inégalités salariales, des Polonaises (et des Polonais) ont manifesté contre un projet de loi visant à interdire l’avortement, et des milliers de Québécoises et de Québécois ont déferlé dans les rues de quelques villes pour dénoncer la culture du viol. Féministes, debout!

La parité au cinéma

Les cinéastes féminines seront plus nombreuses à voir leurs films financés et réalisés dès 2017. L’ONF a annoncé en mars que la moitié de ses budgets de réalisation iraient aux femmes, alors que Téléfilm Canada a révélé en novembre une mesure visant à atteindre la parité femmes-hommes dans le financement des films. On vous aime, les Trogi, Villeneuve et Dolan, mais on a soif de diversité!

Viola Desmond sur les 10 $

Cadeau de Noël en avance : le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, a annoncé en décembre que Viola Desmond (1915-1965) allait remplacer John A. Macdonald sur les billets de 10 $, devenant la première Canadienne à apparaître au recto d’un billet de banque. Celle qu’on surnomme la « Rosa Parks canadienne » est surtout connue pour avoir refusé de s’asseoir au balcon réservé aux personnes noires dans un cinéma de Nouvelle-Écosse, acte pour lequel elle a été emprisonnée puis mise à l’amende. Elle a aussi milité pour les droits civils.

Féminisme à la page

Les superbes; Abécédaire du féminisme; Sous la ceinture. Unis pour vaincre la culture du viol; Je suis féministe. Le livre; La bataille de l’avortement; Les possibles du féminisme. Agir sans « nous »; et ceux qu’on oublie : les bouquins féministes ont occupé une place de choix sur les rayons des libraires en 2016. On en veut plus encore en 2017!

Anniversaires d’organismes

De nombreux organismes ayant la condition des femmes tatouée sur le cœur ont célébré d’importants anniversaires en 2016. Parmi ceux qui ont soufflé une pléthore de bougies : Les éditions du remue-ménage (40 ans), la Fédération des femmes du Québec (50 ans), l’Afeas (50 ans) et Relais-femmes (35 ans). La Loi sur l’équité salariale, elle, a fêté ses 20 ans. Longue vie!

Illustration de Cathon.

Le Comité olympique s’excuse

Après qu’une employée du Comité olympique canadien (COC) eut porté plainte pour harcèlement sexuel contre Marcel Aubut à l’automne 2015, il s’est vite avéré qu’il ne s’agissait pas d’un geste isolé. Sous la pression, M. Aubut a démissionné de son poste de président. Quant au COC, il a admis, en janvier, qu’il avait fait preuve de laxisme et « laissé tomber ses employés », promettant que les façons de faire au sein de l’organisme changeraient.

Dur, dur d’être une ministre féministe

Lise Thériault a beau être la ministre responsable de la Condition féminine, elle a refusé, fin février, de se dire féministe. Elle a affirmé être plutôt « égalitaire ». Sa prédécesseure, l’actuelle ministre de la Justice Stéphanie Vallée, a elle aussi joué avec les mots en déclarant préférer l’étiquette d’« humaniste ». Un dictionnaire pour Noël, peut-être?

Pubs douteuses d’Éduc’alcool

Si Éduc’alcool a souvent visé dans le mille avec ses pubs pour prévenir l’abus d’alcool, sa campagne 2016 s’est attiré de virulentes critiques. Sur l’une des images, on voyait une blonde dans la fin cinquantaine, visiblement éméchée et enlaçant un jeune homme de dos; le texte disait : « As-tu vu à qui t’as donné ton numéro? » On a taxé (avec raison) cette publicité d’âgisme et de sexisme, alors qu’une autre de la série était carrément insultante envers les transgenres. Meilleure chance en 2017.

Toujours peu de femmes en culture

En juin, la nouvelle Coalition pour l’égalité homme-femme en culture a sonné l’alarme : les femmes sont toujours sous-représentées dans le domaine. Oui, on les trouve en grand nombre dans les écoles, mais une fois sur le marché du travail, elles occupent peu de postes clés, signalait une étude de ce regroupement de 12 associations, lancé à l’initiative de Réalisatrices équitables. Un exemple : entre 2008 et 2015, 77 % des scénarios des films produits au Québec ont été écrits par des hommes, contre 16 % par des femmes.

Horreurs sur les campus

Différents campus ont fait la manchette, et pas pour les résultats scolaires époustouflants de leurs étudiants. Plutôt pour des rites d’initiation hypersexualisés et dégradants qui entretiennent la culture du viol… Une enquête menée à l’hiver sur six campus québécois a aussi révélé qu’une personne sur trois (le plus souvent des femmes) a subi des violences sexuelles depuis son arrivée à l’université. Une occasion de s’interroger sur ce qui se passe derrière les portes de ces hauts lieux du savoir.

La menace Trump

Accusé d’attouchements sexuels, manifestement misogyne (ses commentaires et comportements dégradants envers les femmes ont été répertoriés sur de nombreux sites), ouvertement opposé à l’avortement… Donald Trump fait trembler beaucoup d’Américaines depuis son élection le 8 novembre. Avec raison. Quant à celles qui espéraient voir une première femme à la tête des États-Unis, elles pansent encore leurs plaies.

Agressions dans une résidence

Dans la nuit du 14 au 15 octobre, des étudiantes se sont fait agresser dans leur chambre d’une résidence de l’Université Laval. Au-delà des gestes eux-mêmes, la très lente réaction du recteur, Denis Brière, et son absence de soutien ont laissé un goût amer aux victimes tout comme à l’ensemble des étudiantes et étudiants. Autre source d’irritation : le service de sécurité et prévention de l’université a retiré une bannière dénonçant la culture du viol, accrochée dans un pavillon par le Comité femmes ULaval. Le motif : le risque d’incendie. Disons que pour mettre le feu aux poudres, leur intervention était efficace.

Violer une femme = voler une auto?

Faire porter le blâme d’une agression à la femme est un réflexe encore bien ancré. Dans la foulée des agressions à l’UL, l’animateur de radio au FM 93 Éric Duhaime a affirmé que les étudiantes n’avaient qu’à verrouiller leur porte, posant le viol sur un même pied d’égalité qu’un vol de voiture. Dans la même semaine, plusieurs mettaient en doute la crédibilité de la jeune femme qui avait porté plainte contre le député libéral Gerry Sklavounos pour agression sexuelle; Alice Paquet aurait déjà été escorte, donc son témoignage était douteux, selon eux. Vous dire combien on avait hâte qu’octobre finisse…

Policiers blanchis à Val-d’Or

Triste nouvelle pour clore l’année, alors qu’on apprenait qu’aucune accusation ne sera portée contre les six policiers du poste de la SQ de Val-d’Or mis sur la sellette dans un reportage d’Enquête diffusé en octobre 2015. Des femmes autochtones y racontaient les sévices, physiques et sexuels, que certains policiers leur avaient fait subir. Pire : 41 policiers poursuivent Radio-Canada et la journaliste qui signait le reportage en diffamation, pour 2,3 millions de dollars. Pas de quoi encourager les victimes à dénoncer leurs agresseurs.

Le spectre de Polytechnique ressurgit

Le drame de Polytechnique a tristement réapparu dans l’actualité l’automne dernier. D’abord lors de la publication de l’ouvrage Les superbes de Marie Hélène Poitras et Léa Clermont-Dion, alors qu’un internaute nommé Vincent Olivier a tweeté : « Wow malade! De l’au-delà, Marc Lépine a mis à jour sa fameuse liste #lol ». Une remarque qui lui a valu d’être interrogé par la SQ. Puis, une attaque inspirée par la tuerie a été évitée le 6 décembre à Toronto, date anniversaire du massacre. Un jeune de 17 ans voulait rendre hommage à Marc Lépine en tuant des jeunes filles dans une école secondaire. L’ado avait annoncé ses intentions sur son blogue, ce qui a mené à son arrestation.

Le message à retenir de cette rétrospective? Concentrons-nous sur le positif, faisons preuve d’ouverture d’esprit et cultivons notre persévérance. 2017 risque d’exiger encore quelques efforts…