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L’histoire des femmes en première ligne

Ligne du temps de l’histoire des femmes : créer une mémoire.

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Deux organismes, une seule mission : combler le vide sidéral qui concerne l’histoire des femmes au Québec. Résultat : la Ligne du temps de l’histoire des femmes, un outil pédagogique et interactif réalisé par le Réseau québécois en études féministes et le Conseil du statut de la femme.

Si nous célébrons ce mois-ci l’obtention du droit de vote des femmes au Québec, c’est beaucoup grâce aux historiennes, souvent féministes, qui ont documenté les efforts des Québécoises pour gagner ce droit essentiel. Sans ce travail de mémoire, on ne soulignerait peut-être cette avancée pour la démocratie que par un bref message gouvernemental.

Et sans le travail de pionnières comme celles du collectif Clio *, qui ont publié en 1982 L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, on ne saurait pas non plus le travail des institutrices qui ont contribué à éduquer le Québec, ni celui des politiciennes, des femmes syndicalistes, dramaturges ou journalistes. Un savoir peu répandu, il va sans dire. Car si l’histoire est une matière peu populaire en classe, imaginez celle des femmes!

Un vide à combler

Photographie de Francine Descarries.

« Grâce à sa configuration, c’est un outil qui, je pense, attirera un plus large public, notamment du cégep et du secondaire. Tout le monde pourra s’y retrouver. »

Francine Descarries, professeure au Département de sociologie de L’UQÀM et directrice scientifique du RéQEF

C’est ce que souhaitent corriger Francine Descarries, professeure au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) et directrice scientifique du Réseau québécois en études féministes (RéQEF), ainsi que le Conseil du statut de la femme. Ces deux institutions ont uni leurs efforts pour produire la Ligne du temps de l’histoire des femmes au Québec, un outil pédagogique et interactif. « Son origine remonte à 1990, se remémore Francine Descarries, alors que se déroulait une célébration à l’UQÀM, Femmes en tête, pour marquer le 50e anniversaire du droit de vote des femmes. Mes étudiantes et moi avons commencé à colliger des dates significatives de l’histoire des femmes, et d’autres chercheuses l’ont fait aussi. »

Puis, ces femmes engagées ont obtenu une subvention pour créer le RéQEF. « On a alors inscrit le projet de “créer” une mémoire, avec des dates, la présentation de courants de pensée, etc. Dès 2012, nous avons mandaté des étudiantes pour qu’elles revoient la chronologie et la bonifient, car le numérique permet d’ajouter beaucoup de choses comme des références, des explications, des biographies ainsi qu’un grand nombre de liens. »

L’union fait la force

De leur côté, les chercheuses du Conseil publiaient tous les deux ans le document La constante progression des femmes, qu’elles mettaient à jour à chaque édition. Quand l’organisme a décidé de transférer le tout sur support numérique, Hélène Charron, historienne et membre du Conseil et du RéQEF, a proposé que les deux groupes s’unissent. « Nous avons décidé de fusionner les deux projets, raconte Julie Champagne, conseillère en communication au Conseil. Pour notre part, nous nous sommes chargées de la promotion et des communications, et avons cherché des photos et des images d’archives pour illustrer la Ligne du temps conçue par le RéQEF. » Un travail d’envergure, car il fallait demander les droits pour chaque document visuel. De plus, le Conseil a produit des capsules vidéo réalisées par la cinéaste Sophie Bissonnette (voir encadré). De son côté, l’UQÀM a offert les ressources de son Service de l’audiovisuel.

Photographie de Sophie Bissonnette.

« L’histoire officielle n’a pas inclus le point de vue des femmes tout comme elle a choisi d’omettre certains aspects de leur vie. »

Sophie Bissonnette, réalisatrice

Julie Champagne est très enthousiaste : « C’est la première fois qu’est rassemblé autant de matériel historique sur les Québécoises! » Francine Descarries se réjouit aussi de l’ampleur du projet. « Grâce à sa configuration, c’est un outil qui, je pense, attirera un plus large public, notamment du cégep et du secondaire. Tout le monde pourra s’y retrouver. » Pour cela, rien de plus simple : bien sûr, on suit la ligne du temps, mais il est aussi facile de faire des recherches par catégories. « Par exemple, explique-t-elle, si on souhaite savoir ce que les femmes ont fait en éducation, on aura accès à leurs productions et réalisations en la matière. On peut également chercher par mots clés. » Un usage familier, donc, pour un vaste public.

Francine Descarries estime que l’association avec le Conseil a eu un effet sur le contenu et sur sa visibilité. « Le RéQEF garde les commandes de la conception et de la planification de la Ligne du temps, mais la part du Conseil est énorme, car il a amélioré l’aspect graphique, ce en quoi il a une expertise remarquable. Cette collaboration donne au projet une plus grande portée. »

Vive l’éducation populaire!

Le Conseil souhaite diversifier ses publics et toucher les « non-convertis », comme l’explique avec humour Julie Champagne. « D’habitude, le Conseil produit des avis, mais rarement des projets différents. Cette Ligne du temps peut rejoindre des gens qui pourraient s’intéresser aux femmes et à l’histoire, mais de façon conviviale, dans des formats ludiques et plus interactifs. Ce projet Web donne le goût d’en faire d’autres! »

Photographie de Julie Champagne.

« C’est la première fois qu’est rassemblé autant de matériel historique sur les femmes québécoises! »

Julie Champagne, conseillère en communication au Conseil du statut de la femme

Mille chroniques, autant sinon plus de liens Internet, de courtes biographies (courtoisie des Éditions du remue-ménage) : tout a été mis en œuvre pour unir la Toile féministe québécoise. « Comme le RéQEF est assuré de vivre encore cinq ans, c’est un outil qu’on veut travailler progressivement, relate Francine Descarries. On invite aussi les gens à nous proposer des additions, car nous aurons la possibilité d’ajouter chaque année des éléments marquants. Si quelqu’un nous donne un très bon argument pour qu’une personnalité figure dans cette Ligne du temps, on sera très ouvertes! »

Illustration du Logo de la Ligne du temps.

*Ce collectif était composé de Marie Lavigne, Micheline Dumont, Michèle Jean et Jennifer Stoddart.

Les défis de Sophie

La réalisatrice Sophie Bissonnette a reçu l’invitation des conceptrices de la Ligne du temps avec bonheur, et s’est donné un défi de taille : llustrer cette histoire à travers la voix même des femmes. Ses six courts métrages racontent en images et en mots des événements qui marquent chaque partie de la chronologie. « Illustrer la Nouvelle-France a été très difficile, dit-elle, car il n’y a pas de témoignages des Filles du Roy. Mais j’ai réussi à trouver un tout petit texte que l’une d’elles a écrit avant de partir en Nouvelle-France. J’ai aussi intégré un témoignage de Marguerite Bourgeoys, qui a accueilli ces femmes. » On pourrait croire que les années 1970, fertiles en événements politiques et en mouvements sociaux, et marquées par la prise de parole des femmes, lui ont donné moins de fil à retordre. « À peine, admet la réalisatrice. Cette période n’est pas aussi riche qu’on le croit en sources documentaires féminines. » Il y a finalement très peu de temps que les femmes produisent leurs propres discours de façon importante. « L’histoire officielle n’a pas inclus le point de vue des femmes, affirme Sophie Bissonnette, tout comme elle a choisi d’omettre certains aspects de leur vie. Par exemple, pour illustrer la vie des filles-mères, on ne trouve pas grand-chose, car l’Église ne souhaitait surtout pas les montrer! »

La cinéaste a reçu l’appui de l’Aide au cinéma indépendant de l’ONF pour avoir accès aux archives, précieuses pour un tel projet. Au bout de ce travail, Sophie Bissonnette les a trouvées, ses voix féminines pour raconter l’Histoire!