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Ado et gaie : double défi

S’il n’est jamais facile de réaliser qu’on est gaie, imaginez lorsqu’on est, en plus, ado.

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S’il n’est jamais facile de réaliser qu’on est gaie, imaginez lorsqu’on est, en plus, ado. Bien qu’elle ait découvert son homosexualité à l’âge adulte, Isabelle Gagnon a écrit sur ce sujet délicat dans La fille qui rêvait d’embrasser Bonnie Parker. Un geste militant posé dans l’espoir d’aider les jeunes à être eux-mêmes, mais surtout, mieux dans leur peau.

Gazette des femmes : Pensez-vous qu’il est plus difficile d’accepter son homosexualité à l’adolescence qu’à l’âge adulte?

Isabelle Gagnon: Je crois que c’est difficile tout le temps, mais l’adolescence est une période complexe, alors ça en rajoute une couche. J’ai moi-même eu
une adolescence assez compliquée.Avec le recul, je pense que c’était en partie à cause de mon homosexualité. Je ne savais pas mettre les mots sur ce que je ressentais, mais j’étais déjà bien plus attirée par les filles.

En cette époque où les jeunes osent beaucoup sur le plan sexuel, l’homosexualité est-elle mieux acceptée et moins taboue?

Je me suis posé cette question, car la sexualité est effectivement une préoccupation très présente chez les jeunes. Cependant, je pense que l’homosexualité est toujours un peu compliquée parce que ce n’est pas simplement une question de sexualité, mais également de sentiments. Et ça, ça ne s’apprend pas sur Internet : ce sont des choses qu’il faut vivre, sentir. Oui, les ados parlent beaucoup plus de sexe et je crois que l’image de deux garçons ou de deux filles ensemble choque moins les jeunes qu’il y a 40 ans,
mais ça reste délicat.

Qu’est-ce qui est le plus difficile pour une ado confrontée à l’éventualité d’être lesbienne? Se l’avouer à soi-même, l’avouer aux autres, ou bien constater les conséquences sur son entourage?

C’est un peu tout ça, mais le plus dur, c’est vraiment de s’accepter soi-même. C’est aussi pour ça que j’ai écrit ce livre. Au début, il y a, je ne dirais pas de la honte, mais le sentiment qu’on est différente alors qu’on ne choisit pas de l’être.C’est dur à vivre.Après, quand on s’accepte soi-même, on peut affronter les autres, l’extérieur. Tant qu’on ne s’accepte pas, c’est difficile de s’assumer, d’être soi-même. Beaucoup de gens optent d’ailleurs pour une double vie.

C’est un peu le cas de votre héroïne, qui veut vérifier si elle est vraiment lesbienne en couchant avec un garçon. Mais peut-être le fait-elle aussi pour rester dans le rang?

Oui, il y a de ça et aussi parce que, comme tous les ados,mon héroïne veut être pareille aux autres. Dans notre société, on ne nous apprend pas très jeune qu’on peut être différent ou différente. Traditionnellement,on demande aux jeunes filles si elles ont un petit copain, aux garçons s’ils ont une copine… Alors, quand on croit qu’on est lesbienne, on se questionne : « Est-ce que je me trompe? Suis-je vraiment si différente que ça? » Avec ce livre, je souhaite démystifier l’homosexualité chez les jeunes. J’ai également beaucoup pensé aux parents en l’écrivant, car leur acceptation est très importante pour les ados.

Isabelle Gagnon, La fille qui rêvait d’embrasser Bonnie Parker, Les éditions du remue-ménage, 2010, 120 p.