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Les droits des femmes, troisième génération

Le Forum mondial des femmes francophones : la France innovatrice en matière d’égalité?

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Le 20 mars dernier, le gouvernement français tenait à Paris le premier Forum mondial des femmes francophones, en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie. Les 400 participantes venues de 77 pays y ont exprimé leur vécu et leurs propositions en matière de droits des femmes et d’égalité entre les sexes. Observations de Geneviève Baril, directrice du développement des compétences et de la mobilisation citoyenne à l’Institut du Nouveau Monde.

Grâce aux Offices jeunesse internationaux du Québec, j’ai fait partie de la délégation de 40 jeunes femmes qui a assisté à ce forum et qui a participé à une mission d’étude en marge de l’événement. De cette expérience, je retiens que la France fait preuve d’un certain pouvoir d’influence et d’innovation en matière d’égalité.

Photographie de Najat Vallaud Belkacem.
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, a mentionné lors du forum l’adoption d’un plan interministériel dont l’objectif est de transformer l’égalité de droit en une égalité réelle entre les sexes.

Le gouvernement français souhaite faire de l’égalité femmes-hommes une priorité, tant sur la scène nationale qu’internationale. « À l’échelle nationale, cette volonté a été consacrée par la constitution d’un gouvernement strictement paritaire — pour la toute première fois de l’histoire de la République française — et par le rétablissement d’un ministère des Droits des femmes de plein exercice qui avait disparu depuis 26 ans », a affirmé Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, à l’ouverture de ce premier Forum mondial des femmes francophones (FMFF).

Le grand pas de la France

En fait de parité, la France a une longueur d’avance au plan juridique. Soulignons la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle adoptée en janvier 2010 par l’Assemblée nationale. Pour s’y conformer, les entreprises cotées à la Bourse, et celles qui emploient plus de 500 personnes, avaient 18 mois pour atteindre le quota de 20 % de femmes dans les conseils et 5 ans pour atteindre celui de 40 %.

En coorganisant le FMFF, la France cherchait non seulement à mobiliser l’espace francophone à propos des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes, mais aussi à se positionner en vue des prochaines échéances internationales en la matière, dont la réactualisation des Objectifs du millénaire de l’ONU ainsi que le 20e anniversaire de la Commission population et développement, du Plan d’action du Caire et de la Plateforme d’action de Pékin.

Afin de montrer les avancées de son gouvernement, Mme Vallaud-Belkacem a mentionné l’adoption d’un plan interministériel pour la réalisation d’une « troisième génération des droits des femmes », après l’obtention des droits politiques (après la Seconde Guerre mondiale) et civils (dans les décennies 1960 et 1970). Son objectif : transformer l’égalité de droit en une égalité réelle entre les sexes. Le plan prévoit la mise sur pied d’un comité interministériel aux droits des femmes, la désignation d’un haut fonctionnaire à l’égalité dans chaque ministère, le recours systématique à l’analyse différenciée selon les sexes dans l’étude des projets de loi, la création du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) et un projet de loi-cadre pour les droits des femmes.

« Depuis 10 mois déjà, des réformes ont été mises en œuvre […] dans plusieurs domaines […] : la lutte contre les violences faites aux femmes, contre les stéréotypes de genre, pour l’apprentissage de l’égalité […], pour l’égalité au travail ou encore l’accès des femmes à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse », a précisé la ministre. Et il semblerait que d’autres réformes s’en viennent.

Dans un discours prononcé à l’occasion de la création du HCE, en janvier, Mme Vallaud-Belkacem avait insisté sur l’importance de passer à une parité politique réelle. Plutôt que les aides financières aux partis politiques ne concernent que la parité des candidatures, elles seront aussi attribuées en fonction du nombre de candidates élues. Ce nouveau mode de distribution fera partie du projet de loi-cadre pour les droits des femmes.

Dans ce même discours, la ministre a affirmé que la parité sera étendue à la fonction publique, aux organismes consultatifs de l’État ainsi qu’aux conseils d’administration des grandes entreprises. Celles-ci ont d’ailleurs jusqu’en 2017 pour se conformer au quota de 40 % de femmes au sein de leurs conseils d’administration. Ajoutons qu’à l’automne 2012, la France a accordé son soutien à un projet de directive similaire soumis par l’Union européenne.

À titre comparatif, dès 1978, le Conseil du statut de la femme du Québec réclamait que le gouvernement s’engage à assurer une représentation équitable des femmes et des hommes dans les divers emplois de la fonction publique et du secteur parapublic. Depuis 1982, le gouvernement québécois est tenu, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, d’implanter le Programme d’accès à l’égalité dans ses ministères et organismes. En décembre 2006, il s’est aussi formellement engagé, par la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État, à ce que tous les conseils d’administration des sociétés d’État visées soient constitués à parts égales de femmes et d’hommes.

Un centre à l’avenir prometteur

Pendant le forum, deux organismes français ont retenu mon attention. Le premier : le Centre Hubertine Auclert. Désireux de se doter d’une structure qui ferait le lien entre associations, institutions et experts en matière d’égalité femmes-hommes, le Conseil régional d’Île-de-France a créé ce centre en 2009. Composé de 78 membres (71 associations, 5 syndicats et 2 collectivités locales), ce dernier cherche à promouvoir une culture de l’égalité femmes-hommes, à produire de l’expertise et à accompagner tout porteur de projets liés à l’égalité entre les sexes.

Centre Hubertine Auclert
Grâce à la publication d’une étude sur les représentations sexuées dans les manuels scolaires de mathématiques, le Centre Hubertine Auclert est en voie de devenir une référence en matière de promotion d’une culture de l’égalité.

Cet organisme contribue au renforcement et à la cohérence des actions en matière d’égalité femmes-hommes. Et le fait que sa présidente, Djeneba Keita, soit aussi conseillère régionale d’Île-de-France rend possible ce travail en synergie entre institutions et associations. Grâce à la publication d’une étude sur les représentations sexuées dans les manuels scolaires de mathématiques et à sa volonté de passer au crible toutes les disciplines scolaires, le Centre Hubertine Auclert saura sans doute s’imposer comme une référence en matière de promotion d’une culture de l’égalité.

L’équivalent français du Conseil du statut de la femme

Reprenant les missions de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, de la Commission nationale contre les violences envers les femmes et de la Commission sur l’image des femmes dans les médias, le Haut Conseil à l’égalité relève du premier ministre français et de la ministre des Droits des femmes. Présidé par l’ancienne députée Danielle Bousquet, cet organisme est un lieu de réflexion, d’évaluation et de propositions sur la politique des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes. En ce sens, le HCE est l’équivalent du Conseil du statut de la femme du Québec.

Un élément les distingue pourtant : alors que le second se compose exclusivement de femmes, le premier est paritaire. Cela m’a rappelé les débats, en 2005, concernant le document Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les hommes et les femmes, produit par le Conseil du statut de la femme. Sans proposer la parité au sein du Conseil, certains intervenants suggéraient d’y intégrer des hommes, ce qui avait déclenché un tollé chez les groupes de femmes. J’ai demandé au secrétaire général du HCE, Romain Sabathier, quelle avait été la réaction des groupes de femmes français devant la parité au sein du HCE. Il m’a répondu qu’à sa connaissance, il n’y avait eu aucune protestation.

Dans un pays où la résistance au féminisme est parfois très forte, faut-il y comprendre qu’il est plus facilement admis de faire participer les hommes aux décisions qui concernent les femmes ou faut-il y voir une réelle avancée en matière d’égalité femmes-hommes? La question demeure entière. Comme il est aussi opportun de se demander si cette mixité, instaurée avant l’atteinte d’une égalité de fait pleine et entière entre les sexes, aura pour effet de favoriser la condition des Françaises. Car associer les hommes à la lutte pour l’égalité est certainement un autre grand pas à faire pour plusieurs féministes, d’ici et d’ailleurs!

Une chose est sûre, que l’on soit pour ou contre cette parité dans un organisme relevant du ministère des Droits des femmes, l’expérience française sera très certainement riche en enseignements.