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Danser le risque

Quand elle danse, Louise Lecavalier, la « tornade blonde » de La La La Human Steps, est époustouflante. « Mais je me sens souvent fragile sur scène, avoue-t-elle, avec toutes mes peurs et dévorée par le trac ».

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Quand elle danse, Louise Lecavalier, la « tornade blonde » de La La La Human Steps, est époustouflante. « Mais je me sens souvent fragile sur scène, avoue-t-elle, avec toutes mes peurs et dévorée par le trac ». Elle s’élance sur le plateau, moulée dans un corsage et un cuissard noirs, enchaînant à une cadence accélérée les vrilles à l’horizontale, les chutes et les sauts avant d’attraper au vol un partenaire qui s’est précipité au dernier instant sous les projecteurs. « La plus grande difficulté en danse, commente-t-elle, c’est d’aller sur scène, de se donner au maximum et de faire quelque chose qu’on ne contrôle pas à cent pour cent, qu’on n’est pas certain de réussir. Mais ce ne serait probablement pas intéressant d’être parfait. Il n’y aurait plus de risque. » Sur son corps tout en muscles, les rondeurs ne semblent pas avoir de prise. Son agilité technique, son charisme et son association avec le chorégraphe montréalais Edouard Lock, dont elle interprète les œuvres depuis neuf ans, l’ont fait sortir de l’anonymat auquel sont condamnées trop de ses contemporaines. On l’a notamment vue danser auprès de Jim Corcoran au petit écran, dans un vidéoclip de Carole Laure et à l’occasion du spectacle Sound & Vision de David Bowie. Rencontrée à quelques jours de la première nord-américaine du spectacle Infante-Destroy et encore secouée par le ressac du décalage horaire, Louise Lecavalier est d’une gentillesse et d’une simplicité désarmantes. « J’aime que les danseuses et les danseurs, qui sont souvent présentés comme des êtres à part, aient l’air d’humains normaux soutient-elle. Bien sûr, la technique est difficile et demande une discipline de fer. Mais si tu vis dans ta bulle, entre ton miroir et tes pointes, complètement décrochée du reste de la planète, je ne vois pas ce que tu peux exprimer sur scène. Il faut rester en contact, ressentir, observer, réfléchir. C’est essentiel. » Elle a la réputation d’être un bourreau de travail. « Je suis perfectionniste, c’en est presque maladif », reconnaît-elle, tandis qu’un éclair rieur illumine ses petits yeux bleus cernés. « C’est une personne extrêmement fière, observe Édouard Lock. Elle ne veut pas avoir l’air de ne pas maîtriser son langage gestuel. Par contre, elle est la première à me demander de lui donner de nouveaux mouvements. Il y a, chez elle, une bataille continuelle entre son ambition d’interprète et sa fierté. Elle veut tellement. » Enfant, Louise Lecavalier avait abandonné le ballet après sa première leçon. Elle s’est tournée vers la danse contemporaine, à la fin de l’adolescence, et est montée rapidement sur scène, pour la troupe Pointépiénu et le groupe Nouvelle Aire. Elle partait s’entraîner à New York quand Édouard Lock l’a invitée à se joindre à La La La Human Steps. Elle a d’ailleurs longtemps partagé son temps entre la métropole américaine, où elle suivait des cours de danse moderne et classique, et Montréal, que les tournées internationales l’obligent à quitter régulièrement pour de longues périodes. En un peu plus de deux ans, New Demons, le précédent spectacle de La La La, a fait l’objet de 150 représentations données sur quatre continents. Infante-Destroy, qui est repris à la Place des Arts en janvier, mêle la danse, la musique en direct, le film et la vidéo projetés sur un rideau de tulle géant. Sept danseurs et deux musiciens se partagent la scène. « Les chorégraphies d’Édouard Lock sont réglées au quart de seconde et remplies de petits mouvements. Il est toujours possible de les réanalyser, de les retravailler, explique-t-elle. Pour moi, il y a plus de difficultés que de plaisirs sur scène. La danseuse, en spectacle, a des imperfections et des espoirs, tout comme l’auditoire sur son siège. C’est ce qui permet qu’un courant de sympathie passe entre les deux. » Le style de La La La ne tente pas de masquer l’effort et se garde bien de cantonner les danseurs dans des rôles typés. « En danse, on essaie, par exemple, de faire croire que les ballerines sont de petites choses blanches et légères que les garçons soulèvent, déplore Louise Lecavalier. Mais il suffit de les voir sur pointes dans une classe de ballet pour constater à quel point elles travaillent dur, même en se privant de nourriture pour rester minces. Tu peux être très forte même en ayant un corps délicat. C’est l’esprit qui danse. Le corps suit. »