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Quand le sein n’est pas sain

Plus nécessaire de mutiler pour traiter, mais toujours aussi difficile de trouver pour enrayer.

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Plus nécessaire de mutiler pour traiter, mais toujours aussi difficile de trouver pour enrayer.

La vérité est cruelle : une Québécoise sur dix souffrira du cancer du sein au cours de sa vie et parmi elles, une sur quatre en mourra. Pour 1991, cela se traduit par 3350 nouveaux cas et 1350 décès. De plus, l’incidence de cette maladie, liée au style de vie, continue à augmenter. Le stress, une alimentation riche en graisses, une première grossesse tardive et le fait d’avoir peu ou pas d’enfants contribuent à en augmenter les risques.

L’automne dernier, le congrès commun de l’Association des médecins de langue française du Canada et le Congrès français de médecine faisait le point sur les derniers développements en matière de diagnostic et de traitement du cancer du sein. Alors qu’au cours des trente à quarante dernières années, le premier réflexe médical consistait à enlever le sein malade, on assiste actuellement à un net recul de la chirurgie au profit d’autres formes de traitement. « On délaisse la vision localisée de la maladie : le cancer du sein ce n’est pas seulement une bosse, mais une maladie qui s’attaque à tout l’organisme » , affirme Sandra Legault, chirurgienne-oncologue à l’hôpital Saint-Luc.

Le plus grand danger de cette maladie, ce sont les cellules malignes qui essaiment vers le foie, les os, les poumons ou ailleurs dans le corps. Ce risque est aggravé lorsque les ganglions sont également touchés par le cancer. C’est pourquoi on utilise de plus en plus la chimiothérapie en première ligne de traitement pour détruire ces micrométastases.

Traiter en chimiothérapie avant d’opérer offre un deuxième avantage : en faisant diminuer le volume de la tumeur de façon sensible et parfois même spectaculaire, l’opération devient plus facile, sinon inutile. Par ailleurs, selon le docteur Roger Poisson, chef du service d’oncologie de l’hôpital Saint-Luc, les femmes soumises à ce traitement constatent que leur état s’améliore et cela les aide à en supporter les effets pénibles.

Les docteurs David Khayat et Francois Baillet, de l’hôpital La Salpêtrière de Paris, ont présenté à ce congrès les résultats de recherches portant sur 412 patientes qu’ils ont traitées initialement à la chimiothérapie et à la radiothérapie : ils ont obtenu un meilleur taux de survie et ont eu recours à l’ablation du sein dans quatre cas seulement.

Comment savoir

Aucun test de dépistage n’est infaillible En cas de doute il ne faut pas se fier à une seule méthode et faire réévaluer une lésion bénigne quelques mois plus tard si nécessaire.

Biopsie : cet examen consiste à prélever un fragment de tissus pour en faire l’analyse. Le prélèvement des cellules est fait à l’aide d’une aiguille fine. La biopsie chirurgicale est devenue beaucoup plus rare.

Mammographie : de nouveaux appareils spécialement conçus pour la radiographie des seins permettent de détecter de très petites lésions (3, 4 ou 5 mm). Cette méthode est moins efficace chez les femmes jeunes dont la texture des seins est plus denses.

Mammographie plus précise

Dans ce contexte, le dépistage précoce est un outil majeur pour améliorer les chances de succès du traitement. Une meilleure qualité des mammographies permettant de repérer les petites lésions couplée à une biopsie permet d’identifier de très petites tumeurs. « Alors qu’il y a cinq ans, 15% des tumeurs détectées avaient moins de 5 cm, explique Sandra Legault, aujourd’hui, près d’une patiente sur deux que nous traitons ne présente que des petites tumeurs non palpables. »

Des méthodes améliorées d’analyse des cellules permettent de déterminer si le développement du cancer du sein est lié à la présence de certaines hormones. Le cas échéant, on utilise des médicaments pour neutraliser cet effet. Souvent prescrits aux femmes ménopausées, ces médicaments peu toxiques doivent être pris durant plusieurs années.

Malgré tous les efforts et l’argent investi, les progrès sont mitigés. On ne parvient toujours pas à identifier de cause précise à ce cancer, la mortalité ne baisse pas et la maladie touche des femmes de plus en plus jeunes.

Traitement et prévention

Certaines femmes, peu nombreuses il est vrai, refusent les traitements conventionnels pour chercher la guérison dans les pratiques alternatives. Selon Marie-Josée Saine, médecin homéopathe, cela est dû à de mauvaises informations et à des préjugés contre la médecine. « Moi je recommande le traitement médical, ajoute-t-elle, et je conseille à ces patientes d’unir leurs efforts à la chimiothérapie. »

Rosemonde Mandeville, chercheuse bien connue dans la lutte contre le cancer, abonde dans le même sens. « Si on me donnait 50% des chances de guérir par la médecine, je ne choisirais pas une pratique alternative, affirme-t-elle. On a rarement vu la seule approche holistique guérir quelqu’un. »

Mais malgré sa notoriété, Rosemonde Mandeville se fait refuser depuis trois ans par les organismes subventionnaires les fonds nécessaires à une recherche sur les effets du stress dans l’évolution du cancer du sein. « Il est difficile de convaincre les scientifiques de l’importance de facteurs tels que la nutrition, le soutien social et même le divertissement pour prévenir la maladie, » explique-t-elle.

On assiste néanmoins à certaines ouvertures : à l’Hôtel-Dieu de Montréal, on mène actuellement une étude épidémiologique sur l’impact des facteurs environnementaux dans l’apparition de ce cancer, alors qu’aux États-Unis, on étudie de façon scientifique l’influence d’une alimentation contrôlée combinée à la chimiothérapie.

Après s’être fait enlever une tumeur au sein il y a quatre ans, Micheline a entrepris sa propre démarche. Elle a adopté un régime végétarien, fait du yoga, de la méditation et a changé beaucoup de choses dans sa vie. Certaines se tournent vers la visualisation, l’homéopathie ou l’acupuncture pour guérir. « On prend ce qu’on pense être le meilleur » dit Marie-Josée Saine, mais en fait, personne n’a le meilleur contre cette maladie. » Entre temps, Micheline est à l’affût, et va passer ses tests à l’hôpital régulièrement.

Comment traiter

Le cancer du sein a deux composantes : une visible qui se loge au sein et qu’on combat avec la chirurgie et la radiothérapie et une invisible qui frappe on ne sait où et on ne sait quand. Les armes contre cette dangereuse maladie invisible sont la chimiothérapie et l’hormonothérapie.

Chimiothérapie : administré sous forme d’injection, ce traitement attaque les micrométastases disséminées dans l’organisme. Malgré qu’il comporte des effets secondaires importants (perte de cheveux, nausées, dépression du système immunitaire), il s’impose de plus en plus : comme le premier traitement contre le cancer du sein.

Hormonothérapie : ce traitement s’adresse plus particulièrement aux femmes dont la tumeur est hormonodépendante, c’est-à-dire qu’elle est stimulée par la présence de certaines hormones. Le médicament le plus courant, le tamoxifène, est un anti-œstrogène.

Radiothérapie : au Québec, on administre ce traitement aux rayons X après la chirurgie, dès que la plaie est guérie. Il occasionne toutefois de la fatigue, des nausées et des brûlures à la peau.

Chirurgie : de nos jours, on enlève rarement le sein atteint, car on sait maintenant que ce n’est pas essentiel pour prolonger la survie; toutefois, on peut y avoir recours si la tumeur est trop grosse, trop profonde ou s’il y a plusieurs nodules. La plupart du temps, on retire la tumeur avec une marge de tissus sain et on fait une incision à l’aisselle pour enlever des ganglions.