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Laisser parler la lumière

Lorsqu’on observe les fines particules de poussière qui y voyagent, on a l’impression que la lumière est vivante.

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Marie-Andrée Cossette parle de la lumière comme d’une vieille amie. Pionnière québécoise de l’holographie, fondatrice de l’Institut holographique et médiatique de Québec, l’artiste recevait, il y a quelques mois, le prix Livernois décerné par la compagnie Kodak pour l’ensemble de son œuvre. « Lorsqu’on observe les fines particules de poussière qui y voyagent, on a l’impression que la lumière est vivante. Quand on travaille en sa présence, il faut la laisser nous parler. » Marie-Andrée Cossette enseignait les arts visuels à l’Université Laval et pratiquait la photographie lorsque, à la fin des années 70, un ami physicien lui fait découvrir l’holographie. Cette discipline relativement neuve apparentée à la photographie permet de restituer le relief des objets et des formes grâce à l’utilisation de faisceaux lasers. « Mon collègue se disait que je pourrais faire des applications artistiques à partir d’objets de recherche scientifique, raconte-t-elle. » « Je n’étais pas à la recherche de nouvelles techniques. J’ai simplement poursuivi ma démarche artistique en utilisant un nouvel outil. A l’époque la photographie me satisfaisait encore, mais, déjà, j’essayais de révéler davantage la troisième dimension, les illusions et la transparence. » S’engager dans une discipline d’avant-garde demande une bonne dose de détermination. En 1983, l’artiste obtient une maîtrise en arts plastiques spécialisée en holographie et en photographie de l’UQAM, une première. Il lui aura fallu, pour cela, faire la navette entre l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal, cette première institution ne disposant pas de tout l’équipement et le savoir-faire nécessaires. Par la suite, elle sera invitée en résidence au Media Lab du prestigieux Massachusetts Institute of Technology de Cambridge, aux États-Unis, puis au Lund Institute of Technology, en Suède. Des bourses et des prix viendront reconnaître l’intérêt de sa démarche. Des expositions de ses œuvres voyageront aussi, au Québec surtout, mais également au Canada et à l’étranger. La partie n’était pas gagnée pour autant. Les jurys qui décernent les bourses aux artistes comme ceux qui décident de l’acquisition des œuvres par les musées et les institutions, ont trop souvent une mauvaise connaissance de la discipline. « Leur perception de l’holographie s’est souvent arrêtée à la reproduction du réel, qui constituait les premiers balbutiements de cette technique. Or, certaines réalisations actuelles sont très avancées fait valoir l’artiste. Des holographistes ont dépassé l’étape de la découverte technologique pour élaborer un univers, une imagerie personnelle qui peut communiquer une émotion à un large public au même titre que des peintures, des sculptures ou des photographies. » Marie-Andrée Cossette a vite constaté que pour pouvoir évoluer et développer une esthétique, il fallait produire de façon continue. « On ne peut constamment aller à l’étranger une fois par année ou par deux ans pour pouvoir créer. C’est essoufflant. Il était urgent d’implanter au Québec un lieu qui permette aux artistes d’avoir accès aux équipements nécessaires. » L’Institut holographique et médiatique a donc été mis sur pied à Québec il y a deux ans, sans aide financière gouvernementale ou institutionnelle. « Bâtir un laboratoire, raconte-t-elle avec le recul, c’est toute une aventure. On y va à tâtons. La table de granit sur laquelle je fais mes enregistrements pèse deux tonnes. Le matériel n’est disponible qu’aux États-Unis. Un laser que j’avais commandé est arrivé brisé. Il m’a fallu engager un avocat, subir quatre mois de démarches pour finalement retourner en chercher un avec camion et chauffeur. » La fondatrice compte faire de l’Institut un carrefour international-comme il en existe déjà en Allemagne et en Grande-Bretagne-, un lieu de formation, de recherche et d’échanges. « L’holographie est une des rares disciplines dans lesquelles des artistes et des techniciens collaborent. Les artistes se sont approprié les techniques mises au point par les scientifiques pour les transformer en outils d’expression. C’est un domaine qui nous permet de faire des découvertes constantes. »