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Tout sur l’auto… et sur celles qui les achètent, les conduisent, les vendent, les réparent et les annoncent

A force de l’entendre, elles se sont mises à la fredonner: «Si j’avais un char, ça changerait ma vie…».

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A force de l’entendre, elles se sont mises à la fredonner : « Si j’avais un char, ça changerait ma vie… ». Aujourd’hui, elles connaissent la chanson puisqu’elles sont désormais très nombreuses derrière le volant. Pour prendre la route du boulot, ou celle des vacances; mais assurément, pour aller droit devant. Et quelle que soit la destination, l’automobile aura pavé, pour bon nombre de femmes, la voie d’accès à l’autonomie. Au Québec, elles comptaient en 1993 pour un peu plus de 45% des titulaires de permis de conduire. Lasses d’êtres assignées à résidence, de se laisser conduire, ou plus que jamais pressées de se tailler une place sur le bitume? Quoi qu’il en soit, le moteur est bel et bien embrayé, en marche avant. L’augmentation annuelle moyenne du nombre de détentrices de permis de conduire depuis 1989 est de 2, 3% alors qu’elle est de 1, 3% chez les hommes. Et si, des générations ont été maintenues sur la voie d’évitement-les conductrices de 65 ans et plus ne représentent que 2, 8% des automobilistes-, les suivantes ont, elles, pris le départ. Les femmes de 25 à 44 ans comptent aujourd’hui pour près de la moitié des détenteurs de permis. « Depuis sept ou huit ans, il y a une nette augmentation de la clientèle féminine », constate Marguerite Clarke, chef d’équipe aux services conseils du Club automobile du Québec (CAA-Québec), à Montréal. « Et je crois que c’est une conséquence de l’évolution de la situation des femmes. Elles ont accès à des emplois mieux rémunérés, ce qui leur permet d’acheter une voiture », ajoute-t-elle. Parmi les quelque 650 000 membres que compte le Club automobile au Québec, 42% sont des femmes, inscrites à titre de membre principale ou associée. « Et elles s’informent beaucoup avant d’acheter », affirme la conseillère Marguerite Clarke, à l’emploi du CAA depuis maintenant seize ans. « La question économique demeure une de leurs principales préoccupations; elles recherchent un bon rapport qualité-prix; bref, elles en veulent pour leur argent ». Mais en 1995, les acheteuses pourraient bien devoir appliquer les freins. Selon le bilan annuel de l’Association pour la protection des automobilistes (APA), présenté en janvier, les manufacturiers ont imposé d’importantes hausses des prix, de telle sorte que les voitures de moins de 12 000 $ se font rares. Et il faut bien le dire, le pouvoir d’achat des femmes est encore limité; du coup, il influence leur choix. « Les femmes achètent davantage des petites voitures à la fois pratiques et à prix modique. Elles ont en général moins d’argent, et de plus, il s’agit souvent d’une deuxième voiture familiale », note George Iny, président de l’APA. « Les consommatrices sont beaucoup moins représentées dans l’achat de voitures de luxe ou de sport haut de gamme », ajoute-t-il. Mis à part les contraintes budgétaires, c’est le côté sécuritaire d’une voiture qui préoccupe davantage les acheteuses. « Pour un homme, la notion de sécurité signifie d’abord sortir vivant d’un impact, explique George Iny. Pour une femme, cette notion englobe plusieurs aspects. La protection qu’offre un véhicule en cas d’accident est bien sûr importante, mais sa fiabilité l’est tout autant; savoir, par exemple, que la voiture laissée toute la soirée dans un stationnement démarrera à deux heures du matin, ou qu’elle ne tombera pas en panne, sur le bord d’une route ». Sans pour autant sacrifier le style et l’esthétique, les conductrices s’en tiennent d’abord et avant tout à des considérations d’ordre pratico-pratique. L’automobile est un moyen de locomotion fort utile, pas un mode d’expression symbolique. Pourquoi s’embarrasser d’une grosse cylindrée aussi coûteuse qu’assoiffée, et aussi difficile à manier qu’à garer?

Une plus grande influence

Consommatrices averties, les acheteuses prennent le temps de bien évaluer leurs besoins avant d’arrêter leur choix, « et elles s’en tiennent généralement au budget qu’elles s’étaient fixé », remarque Marguerite Clarke. « Elles se laissent moins tenter par les options et les à-côtés proposés lors de la vente »ajoute Louis Arseneault, de la direction des communications du CAA. Elles consultent donc, visitent plus d’un concessionnaire, comparent, et fréquentent les salons! « Les femmes représentent désormais plus de 40% de la clientèle du Salon international de l’auto de Montréal », souligne Roxanne Longpré, vice-président exécutif de la Corporation des concessionnaires d’automobiles de Montréal inc., responsable de l’organisation de l’événement. Satisfaction de la clientèle oblige, on y offre même depuis deux ans, un service de garde. Les femmes viennent parfois seules, mais surtout avec leur conjoint ou des amies. Et dans un couple, la femme a une grande influence sur le choix d’un véhicule, la décision d’achat lui appartient à 80% . Les hommes regardent davantage la performance d’une voiture et imposent leurs préférences sur la puissance du moteur, sur des détails comme la couleur et le revêtement intérieur; chez les femmes, ce sont les critères de sécurité et les garanties qui priment, surtout si elles doivent conduire le véhicule », précise Roxanne Longpré. A l’image du Salon international de l’auto de Montréal, le vaste monde de l’industrie automobile s’est, à son avis, considérablement féminisé depuis quelques années. « Lorsque je suis arrivée à la Corporation, il y avait très peu de femmes dans le milieu. Aujourd’hui, elles sont de plus en plus présentes, tant chez les concessionnaires que chez les manufacturiers ». C’est d’ailleurs une équipe presque exclusivement féminine qui organise ce rendez-vous annuel qu’est le Salon international de l’auto de Montréal, le plus important du genre au pays. Et pour la première fois dans l’histoire de l’automobile, une femme est aujourd’hui à la tête de GM Canada; en juillet dernier, Maureen Kempston Darkes était en effet nommée présidente-directrice générale du géant de l’automobile. « C’est la clientèle qui fait qu’il y a maintenant plus de femmes dans ce milieu, affirme Roxanne Longpré. Les conductrices achètent plus de 40% des véhicules, neufs ou d’occasion, vendus chaque année. Les manufacturiers, les concessionnaires et les vendeurs n’ont pas le choix de s’adapter ». Il est en effet devenu difficile, pour les constructeurs, d’ignorer une clientèle qui occupe une si large part du marché. Ainsi, les conductrices peuvent dorénavant prendre le volant sans disparaître au fond de la banquette ou « perdre les pédales ». La disposition et l’accessibilité des commandes ont aussi été revues et corrigées pour offrir aux automobilistes de plus petite taille à la fois une meilleure visibilité et un plus grand confort. A l’usine Ford, de Détroit, on a même conçu une voiture que l’on voulait, à tous égards, conforme aux besoins des femmes. Le coffre arrière de la Probe 1993 est ultraléger, et les boutons de commandes n’abîment pas les ongles.

Pédale douce

« Encore une femme au volant », s’impatientent-ils. Depuis l’invention de l’automobile, ils ont accaparé la route pour en faire leur aire de jeu. Avant, bien sûr, que des joueuses viennent brouiller leurs pistes… de course. Pourtant, les conductrices sont apparemment aussi prudentes une fois assises derrière le volant que dans le choix d’une voiture. « Les femmes ont beaucoup plus conscience du danger, elles sont plus patientes et moins téméraires, alors que les hommes prennent beaucoup plus de risques », constate Yvon Lapointe, responsable de l’éducation routière au CAA. « Par exemple, dit-il, il est très rare qu’une automobiliste manifeste sa colère en faisant à son tour une manœuvre dangereuse ». Yvon Lapointe, qui anime les rencontres Alco-frein, imposées aux automobilistes condamnés pour conduite avec facultés affaiblies, souligne que les femmes prennent rarement le volant sous l’effet de l’alcool. « Pas plus de 10 femmes, sur 250 participants par année, viennent aux rencontres. Et contrairement à plusieurs qui rejettent la faute sur la société tout entière, elles assument la responsabilité de leur geste ». La pédale douce vaut son pesant d’or : chaque année, les conducteurs paient, en primes d’assurances, entre 100 $ et 300 $ de plus que les conductrices. Et l’écart est encore plus important chez les jeunes conducteurs. S’il est marié, un jeune homme entre 18 et 20 ans paiera annuellement 338 $ de plus qu’une jeune conductrice de moins de 20 ans. Et s’il est célibataire, c’est au-delà de 800 $ dollars de plus qu’il devra verser à son assureur. Chez les jeunes conductrices, le statut matrimonial ne change en rien le montant de la prime. « Et contrairement aux jeunes apprentis-conducteurs, les parents des conductrices en herbe ne paient pas de prime supplémentaire », ajoute Yvon Lapointe. Presque aussi nombreuses sur les routes que les hommes, les conductrices sont pourtant moins souvent impliquées dans des accidents. Et lorsqu’elles le sont, le bilan des pertes de vie et des dommages physiques ou matériels est moins lourd. Quelques chiffres pour l’année 1993 au Québec Pour sensibiliser les ingénieurs, la conceptrice du « modèle féminin » de Ford, la Canadienne Mimi Vandermolen leur avait demandé de porter des faux ongles! Mais rien n’indique que les nouveaux-modèles-compacts-faits-sur-mesure-pour-vous-mesdames attirent davantage une clientèle féminine. Chez General Motors, à tout le moins, on n’a jamais misé sur cette stratégie. « Quand on dessine une voiture, c’est pour tout le monde. Et si certains modèles ont plus de succès auprès des femmes, c’est surtout une question de style et de goût. Par contre, la sécurité se vend mieux chez les conductrices; lorsqu’on s’adresse à elles, on met alors en évidence les systèmes de sécurité comme les poutrelles dans les portières, les freins antiblocage, les coussins gonflables », explique Marc Osborne, adjoint aux relations publiques de GM. Cette constante préoccupation pour les questions de sécurité a par ailleurs inspiré un certain nombre d’actions destinées à outiller les conductrices. La chaîne de silencieux Speedy a produit, à leur intention, le dépliant Voyagez-vous seule? Approuvé par les services de police, ce dépliant fournit des conseils qui contribuent à diminuer les risques d’agressions auxquels peuvent être exposées les voyageuses solitaires. De plus, Speedy distribue une affiche plastifiée portant le message Téléphonez à la police. Placée contre une vitre, elle peut donner l’alerte, en cas de danger. De son côté, GM a mis au point un premier mannequin d’essai de chocs simulant une femme enceinte. Ce prototype sert aux recherches sur les systèmes de sécurité visant à réduire les risques de lésions corporelles en cas de collision.

Le haut du pavé

Mais si l’industrie multiplie les attentions pour rassurer, et attirer une clientèle féminine, elle hésite encore à lui ouvrir toutes grandes les portes de son arrière-boutique. « Il y a encore peu de femmes concessionnaires, parce que ça demande des investissements importants, explique Roxanne Longpré. Mais on les retrouve dans plusieurs postes administratifs, à titre de directrices des ventes ou commerciales, ou comme conseillères aux ventes; dans les concessions, plus de 30% du personnel est aujourd’hui féminin ». Dans la grande région de Montréal, on ne compte que deux femmes concessionnaires. En 1983, Suzanne Roy décidait, elle, de passer en deuxième vitesse. Après avoir travaillé pendant quinze ans aux côtés de son mari, lui-même concessionnaire, elle ouvrait à Lévis sa propre concession : « J’avais envie de mener ça à ma manière ». Depuis, l’entreprise maintient sa vitesse de croisière. « J’ai été la troisième femme, dans l’histoire de Ford, à acquérir une concession. J’ai eu de la chance qu’on m’accepte, en pleine crise de l’industrie automobile. Aujourd’hui, je ne crois pas que ce soit plus dur pour une femme de faire sa place dans ce milieu », dit-elle. Par contre, Mercury Suzanne Roy ne compte, parmi ses 30 employés, aucune vendeuse ni aucune femme dans un poste de responsabilité. « J’aurais bien voulu, mais elles n’étaient pas assez disponibles », souligne Mme Roy. Pour gagner sa croûte dans la vente automobile, il faut souvent y consacrer de longues heures. Julie Bérubé, aujourd’hui directrice des ventes chez Ford Mercury Levasseur, à Matane, en sait quelque chose : « Je suis dans le milieu depuis sept ans, et c’est très exigeant en termes d’heures ». Diplômée en marketing, elle a d’abord été conseillère aux ventes puis directrice commerciale avant d’accéder à son poste actuel. « Pour avoir de la crédibilité, il faut que tu connaisses ton produit. J’ai beaucoup étudié, et on a constamment de la formation. La clientèle voit que je sais de quoi je parle; d’ailleurs, aucun client ne s’est jamais montré réticent à mon égard », dit-elle. Sans compter que la clientèle féminine se sent souvent plus en confiance avec une conseillère. Certains concessionnaires, comme l’employeur de Julie Bérubé, l’ont compris. « Je n’ai pas de parti pris, mais je dois dire que les femmes sont en général plus méticuleuses, elles pensent à des détails auxquels les hommes ne pensent pas; pour le client, c’est souvent ce qui fait la différence. Et c’est bien sûr que la présence d’une femme a attiré chez nous une certaine clientèle », reconnaît Jean-Yves Levasseur. Tout ne baigne pas encore dans l’huile au « royaume de la carrosserie », mais si les préjugés et les mauvaises blagues ont longtemps tenu les femmes à l’écart du circuit, force est de constater que leur présence comporte certains avantages. « Les hommes croient tout savoir sur l’automobile, parce qu’ils ont assemblé un modèle réduit quand ils étaient jeunes; les femmes, elles, se sentent toujours moins compétentes. Du coup, elles sont beaucoup plus attentives et consciencieuses, qu’il s’agisse de l’achat, l’entretien ou la conduite », soutient George Iny. Carole Bilodeau, elle, est formatrice à la Ligue automobile de Montréal : « Les conducteurs, surtout les hommes de 45-50 ans qui doivent revenir prendre des cours de conduite, doutent souvent de ma crédibilité, et se demandent ce que moi, une femme de 30 ans, peut leur apprendre ». Du haut de son 1, 60m, Carole Bilodeau conduit aussi des véhicules lourds, et donne de la formation en entreprise. « Mes élèves ont alors entre dix et quinze ans d’expérience, et la première réaction en est souvent une d’incrédulité », ajoute-t-elle. « Mais je pense que beaucoup d’hommes se sentent plus en confiance lorsqu’ils font affaire avec une vendeuse, ou même avec une mécanicienne. Et ici, au CAA, plusieurs consommatrices disent préférer parler à une conseillère; ça les rassure », souligne pour sa part Marguerite Clarke. Saturn a même exploité ce filon dans sa stratégie publicitaire. Après avoir reçu un accueil plus ou moins intéressé chez plusieurs concessionnaires, Caroline Dupré est agréablement surprise par l’attitude des vendeurs chez Saturn, à Trois-Rivières. A un point tel qu’elle y achète non seulement une voiture, mais sollicite aussi un emploi. Qu’elle obtient d’ailleurs. « Dans les salles de montre, on me disait de revenir avec mon chum ou avec mon père. Plutôt que de répondre à mes questions, on me remettait un dépliant. Dans le secteur de l’automobile, les femmes ne sont toujours pas considérées comme des acheteuses sérieuses », souligne Caroline Dupré, aujourd’hui responsable des services à la clientèle chez Saturn Isuzu de Trois-Rivières. Cette campagne publicitaire, qui met en scène des femmes dans leur propre rôle, comme Caroline Dupré, a d’abord été développée aux États-Unis. Chez nous, comme chez nos voisins du sud, ces publicités ont eu un effet-choc. Tout en nommant les clichés persistants, elles ont, du même coup, présenté une image plus objective et réaliste des conductrices : des acheteuses informées, qui recherchent davantage qu’une belle carrosserie, et qui sont en mesure d’évaluer si un produit leur convient ou non. Et faisant ainsi appel à l’intelligence de la clientèle plutôt qu’à sa présumée ignorance, les manufacturiers pourraient détenir la clé d’une alliance prometteuse. « Bien des femmes se sont identifiées à cette publicité, dit Caroline Dupré, et ça amène de l’eau au moulin. Ca les rend aussi plus exigeantes ». Si certains constructeurs qualifient toujours les courbes de leurs voitures de « racées et sensuelles, au grand plaisir de tous vos sens », la plupart font désormais appel à des femmes de tous âges, dégourdies et sûres d’elles. Quand l’âge et la petite taille de Rose « la Poune » Ouellette viennent habilement mettre en valeur la durabilité et la robustesse d’une camionnette, ou quand Louise Marleau décrit élégamment la fiabilité de la Mercury Mystique ou que Guylaine Tremblay, sur le toit de sa Fireflight, se moque des clichés publicitaires des concurrents, on peut croire que nous sommes enfin engagées sur la bonne voie.

Sous le capot

Depuis peu, Céline Lavoie s’est jointe à l’équipe de Ford Mercury Levasseur, à Matane, où elle occupe le poste de relationniste : « Après un stage d’un mois, on m’a embauchée ». Ce stage pratique était la dernière étape d’une formation mise sur pied par Ficelles pour l’accès des femmes au travail qui, depuis 1985, offre aux femmes de Rimouski des services d’orientation et de formation professionnelle. Le cours Conseillère en vente automobile et gérante d’affaires, d’une durée de neuf mois, a été offert pour la première fois en janvier 1994. Le programme, unique au Canada, a été élaboré avec des concessionnaires. Un premier groupe de 11 femmes a complété la formation et chacune d’elles a obtenu une attestation d’études collégiales. « Nous avons pris cette direction après en être arrivées à la conclusion que les voies d’avenir pour les femmes se trouvaient du côté des métiers non traditionnels », explique Diane Vallière, directrice générale de l’organisme. « Ce cours m’a non seulement donné les outils de base nécessaires, mais également la chance de découvrir un autre domaine. Cette formation m’a prouvé qu’on pouvait sortir des sentiers battus », ajoute Céline Lavoie. De son côté, GM mettait sur pied, il y a quelques années, le programme GM 2000, précisément pour inciter les jeunes filles à poursuivre leurs études en mathématiques et en sciences. Le programme est sous la responsabilité du Comité d’égalité et d’équité de l’entreprise. A l’invitation des écoles secondaires, on présente aux étudiantes les différentes possibilités de carrière qui s’offrent à elles dans le secteur de l’automobile. A l’usine GM de Boisbriand, on compte à l’heure actuelle environ 170 femmes sur 3000 employés. « Très peu d’emplois ont été créés depuis une vingtaine d’années. Mais dès qu’il y aura des ouvertures, les femmes auront leur chance », affirme Marc Osborne. L’objectif du projet GM 2000 est donc de constituer un bassin de candidates, dans des techniques de pointe et des secteurs comme l’ingénierie, où les femmes sont toujours sous-représentées. Elles sont aussi très peu nombreuses à l’École des métiers de l’automobile, rue Saint-Denis, à Montréal. Bon an, mal an, de 7 à 10 étudiantes, sur quelque 350 inscriptions, y entreprennent une formation en mécanique. C’est là que Johanne Daly, auparavant secrétaire médicale, a appris à démonter un moteur. A 33 ans, et malgré le scepticisme de son entourage, elle décide de troquer ses dossiers contre une clé à molette. « Quand j’ai choisi d’aller suivre une formation professionnelle en mécanique, tout le monde me disait qu’aucun employeur ne voudrait de moi. Mais j’étais déterminée, et j’y suis arrivée. Au début, mes confrères de classe ne me parlaient pas, et m’étudiaient. Puis j’ai obtenu un très bon résultat lors d’un examen en électronique particulièrement difficile et les choses ont changé », confie-t-elle. Une fois la formation complétée, une autre course à obstacles l’attendait. « En deux mois, j’ai contacté près de 300 employeurs. On me disait que c’était très dur physiquement, et j’avais du mal à être reçue en entrevue. Mais je me présentais quand même ». Aujourd’hui, Johanne Daly travaille dans un garage de Boucherville qui « soigne » les véhicules spécialisés comme les ambulances et les voitures de police. « J’ai mis les bouchées doubles à l’entrevue. Je suis la seule femme parmi 17 gars. Ils me respectent, et nous avons développé une grande complicité ». Depuis trois ans, elle enseigne aussi la mécanique au YWCA de Montréal. Mis sur pied en collaboration avec l’APA, ce cours d’initiation s’adresse à toutes celles qui veulent connaître les dessous de leur voiture pour faire face aux pépins et aux « spécialistes de la bagnole ». Sur le carnet de route de Johanne Daly, un autre rêve est inscrit : avec deux amies mécaniciennes, elle souhaite ouvrir bientôt son propre garage. Et la résistance de la clientèle ne l’inquiète pas vraiment : « Certains hommes sont sceptiques au début, mais, en général, ils s’intéressent à ce que je fais ». Par simple plaisir ou par nécessité, les femmes roulent donc leur bosse sur quatre roues, motrices ou non. Et dorénavant, les superpilotes de la voie rapide doivent, non seulement partager la chaussée, mais aussi les plus intimes secrets de leur engin motorisé.