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Des aînées très sportives

Deux fois le Tour de l’île la même journée, quatre séances de natation par semaine, la Chine à bicyclette, médaille d’or en patinage artistique: mettez donc un âge sur ces performances!

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Deux fois le Tour de l’île la même journée, quatre séances de natation par semaine, la Chine à bicyclette, médaille d’or en patinage artistique : mettez donc un âge sur ces performances! A 74 ans, Rita Elsener marche chaque semaine pas moins de 50 km en ville ou en forêt. Dès que de longues randonnées à pied ou à vélo s’organisent, elle se précipite à la ligne de départ. Et, au rythme où elle avance, il vous faudra être en forme pour la dépasser. Les femmes âgées sont en général peu attirées par les sports. Certaines sont pourtant de véritables mordues. Depuis qu’elle a installé un odomètre sur son vélo, il y a dix mois, Lorna McFadden, 67 ans, a parcouru 1400 km. A 82 ans, en plus de sa passion pour la pêche et le canot, Simone Vachon chausse ses patins plusieurs fois par semaine, été comme hiver. Monique Carbonneau, 61 ans, a déjà fait deux fois le Tour de l’île… la même journée! Hélène Caty, 67 ans, se jette à l’eau au moins quatre soirs par semaine et, dès que le temps le permet, Gertrude Dufresne, 73 ans, s’élance en ski de fond. C’est autant par plaisir que par goût d’être en forme et de profiter de la nature que ces dames accordent tant de place au sport dans leur vie. « Après avoir patiné, je suis tellement heureuse, je me sens comme une enfant », raconte Simone Vachon. En ski de fond, Gertrude Dufresne éprouve un fort sentiment de liberté : « Ça me détend et me garde jeune ». « Ça me donne de l’énergie, assure Monique Carbonneau. Je n’ai absolument pas l’impression d’avoir mon âge ». Et le sport l’aide à traverser les épreuves, notamment la santé déficiente de son fils. Quand on côtoie la maladie, on réalise qu’il faut vivre sa vie intensément ». Lorna McFadden affectionne les promenades à vélo au bord de l’eau, « une véritable fête pour les yeux ». Elle a roulé l’an dernier les 700 km du Grand Tour du Québec organisé par Vélo-Québec, et elle a déjà parcouru la Chine et la France à bicyclette. Mais savoure tout aussi bien les randonnées sur les pistes cyclables voisines de l’Ile-des-Sœurs, où elle réside. La randonneuse Rita Elsener adore la nature, l’air pur et les beaux paysages. Elle aime la simplicité de la marche, qui, à part de bonnes chaussures, ne requiert pas d’équipement. Elle apprécie l’état de recueillement dans lequel la randonnée pédestre la plonge. Et elle a eu beau gravir des montagnes de Suisse et d’Autriche, grimper sur les plus hauts sommets de la Nouvelle-Angleterre et participer à une multitude de marches (Audax) qui exigent une vitesse minimale de 6 km l’heure, ce n’est pas le défi qui l’attire, mais « surtout le plaisir ». Même attrait pour le plaisir chez les compétitrices. Simone Vachon, qui fait du patinage artistique depuis une cinquantaine d’années, continue à passer les tests du programme de certification de l’Association canadienne de patinage artistique. Il y a un an et demi, elle a réussi la Fourteen, sa huitième épreuve en danse. Lorsque des compétitions se tiennent, elle s’inscrit « pour le fun ». Ce qui ne l’a pas empêchée de remporter, il y a cinq ans, la médaille d’or en solo et la médaille de bronze pour la danse en couple dans la catégorie des… 40 ans et plus! En plus de rouler en vélo et de marcher en montagne, Monique Carbonneau, de Boucherville, participe à une foule de compétitions en ski de fond et en jogging. Elle ne cherche cependant pas à épater : « La compétition, c’est d’abord un défi contre soi. Quand je termine, je suis satisfaite et j’en éprouve du plaisir. J’étais plus agressive autrefois. Maintenant, j’évite de m’épuiser. Après une épreuve, je veux être bien dans ma peau ». Elle a d’ailleurs abandonné les marathons : « Ça, j’ai haï ça! On passait notre temps à s’entraîner et ensuite on n’avait plus d’énergie ». Hélène Caty trouve une motivation dans la compétition : « Sans elle, je ne sais pas si je trouverais le courage de m’entraîner quatre soirs par semaine ». Gagner des tournois de tennis donne confiance à Louise Langston, 52 ans, de Dorval : « Plus j’en fais, plus je deviens forte mentalement ».

Vocations précoces

Ces passionnées de sport ont toutes eu la piqûre dès leur jeunesse. A 8 ans, Louise Langston accompagnait une voisine sur les courts. Lorna McFadden franchissait déjà à bicyclette les deux km qui séparaient sa demeure de son école primaire. Petite fille, Simone Vachon jouait au baseball et au hockey avec ses trois frères et d’autres gamins sur une patinoire de fortune qu’éclairaient des bougies plantées dans la neige. Venue à Québec pour y travailler, la jeune Simone remporte le championnat de patinage de vitesse. Éblouie par un spectacle de la championne mondiale de patinage artistique de l’époque Sonjia Henie, elle troque ses patins de vitesse pour des patins de fantaisie. Gertrude Dufresne a découvert le ski de fond il y a seulement une dizaine d’années, alors qu’un groupe de sa paroisse organisait des randonnées hebdomadaires. Ses frères l’avaient toutefois initiée aux sports lorsqu’elle était enfant : « On formait nos équipes de hockey ou de baseball. Nos parents nous encourageaient et ils ne faisaient pas de discrimination envers les filles ». La nageuse Hélène Caty se souvient que, pour son père, le sport, était primordial : « C’est lui qui m’a appris à nager et qui m’a acheté mon premier vélo ». Les parents de Monique Carbonneau étaient de la même trempe. « Ils nous ont équipés pour le ski. On partait de la maison et, quand on rencontrait des côtes, on les montait et on les descendait ». Dans son village de Saint-Romuald, il n’y avait alors ni pistes de ski entretenues, ni piscine, ni tennis public. « Dans notre temps, on n’avait rien, s’indigne Rita Elsener. Il fallait se trouver des façons de faire du sport ». Mais déjà elle patinait, roulait à bicyclette, jouait au tennis et au baseball. La maternité n’a pas ralenti ses ardeurs. Jeune mère, elle installait ses deux tout-petits dans un landau et passait ses après-midis à marcher. Elle en a usé des roues de caoutchouc! Dans Richelieu, on la surnommait « La dame au carrosse bleu ». Malgré ses huit enfants et un mari peu porté vers les sports, Gertrude Dufresne est également demeurée active : « Je m’organisais pour glisser, patiner ou nager avec les enfants. Ça me faisait sortir ». De son côté, Monique Carbonneau a déniché un mari sportif qu’elle a d’ailleurs connu en faisant du ski. Et le sport est devenu une affaire de famille. Son fils n’avait pas deux ans quand il a glissé sur ses premiers skis! D’autres se sont remises aux sports dès que leurs enfants eurent acquis un peu d’autonomie. En accompagnant ses deux jeunes qui s’entraînaient pour des compétitions de nage, Hélène Caty s’est inscrite à des cours de natation pour adultes à Ville Saint-Laurent où elle réside. Au bout de quelques mois, elle aussi faisait de la compétition.

Maître à bord

Leur âge donne à ces femmes le temps de faire enfin du sport autant qu’elles en ont envie. Divorcée depuis plusieurs années, Rita Elsener a travaillé tout en élevant ses deux enfants. Sa retraite la tient cependant encore plus occupée. « Mais je fais ce qui me plaît. Toutes les semaines, je vais nager. Je me lève à cinq heures tous les matins et je me couche tôt. Je regarde très peu la télé ». En 1985, elle est devenue membre de Randonnée Plein-Air. A la belle saison, elle est responsable des marches bihebdomadaires de ce club dans différents parcs de Montréal. Elle n’a pas d’automobile, mais la marche lui procure une grande autonomie. Elle parcourt toujours à pied le trajet du métro à son domicile de Longueuil, ce qui lui prend 45 minutes. Elle fait toutes ses courses à pied ou à vélo. Dans le même esprit, Gertrude Dufresne effectue la plupart de ses déplacements à pied. La profusion de côtes et d’escaliers de Québec, où elle habite, ne la gênent aucunement. L’été, elle campe et pêche avec ses enfants, tous des sportifs. L’hiver, elle passe deux à trois après-midis par semaine sur ses skis. Je ne dépends de personne. Quand j’ai envie de skier, j’y vais. J’aime la vie et je suis incapable de m’arrêter. « Il y a plein de gens seuls comme moi sur les Plaines d’Abraham, ajoute-t-elle. Comme on se croise souvent, on se parle et parfois on skie ensemble pendant un moment ». Denis Drouin, chercheur en éducation physique à l’Université Laval, a démontré qu’un des bienfaits de l’activité physique pour les personnes âgées réside justement dans les liens qu’elle leur permet de tisser. « Elles ne s’isolent pas et ont donc un meilleur moral, même quand elles s’exercent en solitaire ». Et que dire de celles qui font de la compétition! Pour participer à des épreuves de ski de fond et de jogging, Monique Carbonneau et son mari voyagent beaucoup, surtout au Québec et en Ontario. « On se sent chez nous partout! On rencontre plein de gens sympathiques. Et on n’entend pas un mot sur les maladies et les petits bobos dont tant de gens d’un certain âge se plaignent ». La pratique sportive n’est quand même pas un rempart à toute épreuve contre la maladie. Pendant des années, la patineuse Simone Vachon a souffert de maux de dos. La troisième fois qu’elle s’est fracturé une côte, on a découvert qu’elle était atteinte d’ostéoporose. « J’avais déjà perdu 35% de ma masse osseuse ». Elle est persuadée que sans le patinage, elle aurait le dos complètement voûté. Le Dr Alan Vernec, spécialisé en médecine sportive, confirme que l’exercice contribue à freiner le développement de l’ostéoporose : « Mais il entraîne surtout une augmentation de la force et de l’équilibre, ce qui diminue les risques de chute et de fracture ». Pendant toutes ces années, Simone Vachon s’est tout de même cassé huit côtes et a rapetissé de 19 cm. N’empêche qu’elle continue à patiner. « Pourquoi est-ce que je me priverais de mon sport préféré, alors que je pourrais tomber ailleurs? » Elle se limite cependant aux patinoires intérieures car, dehors, la glace est parsemée de trous et de craques. Les autres prennent-elles des précautions? « J’écoute beaucoup mon corps, répond Monique Carbonneau. Je commence toujours à courir lentement, même en compétition, et j’augmente graduellement ma vitesse. J’arrête si j’ai une douleur persistante ». Le secret de Louise Langston, c’est de s’échauffer avant une partie de tennis. « En vieillissant, nos muscles deviennent moins souples, il faut donc mieux les préparer ». Elle a d’ailleurs observé qu’après un effort intense ou une blessure, elle a besoin de plus de temps qu’avant pour récupérer. En ski de fond, Gertrude Dufresne évite les pentes raides ou glacées. Quand elles escaladent des rochers abrupts ou glissants, les randonneuses sont prudentes et y vont lentement.

Rester dans la course

La retraite sportive ne fait pas partie des projets de ces femmes alertes. « J’espère qu’il y aura des tournois pour les joueuses de tennis de 85 ans quand j’atteindrai cet âge », s’exclame Louise Langston. Lorna McFadden rêve de pédaler même quand elle aura 92 ans. « A nos âges, quand on devient inactives, on descend vite la pente », note Hélène Caty, qui veut éviter cela à tout prix. « Le sport, c’est mon secours. Ça m’aide à ne pas vieillir trop vite », affirme Simone Vachon. Le sport et l’exercice physique contribuent à ralentir le vieillissement. On a longtemps cherché la pilule miracle anti-âge. On l’a pourtant à portée de main, selon le Dr François Croteau, spécialisé en médecine sportive : « C’est l’exercice physique! Des études ont montré que, chez les gens physiquement actifs, la force musculaire, la capacité cardiovasculaire de même que les os et les articulations déclinent deux fois moins vite! » Et l’exercice entraîne de multiples bienfaits : diminution de la tension artérielle, amélioration du taux de cholestérol, meilleur contrôle du stress. Quant aux craintes qu’éveillait autrefois l’exercice à un certain âge, elles se sont évanouies. « Les personnes âgées peuvent s’adonner à n’importe quel sport, observe Janet Olsen, coordonnatrice du Centre de conditionnement physique et musculation du YWCA de Montréal. A condition de commencer en douceur et de s’exercer de manière sécuritaire. Même celles qui éprouvent des troubles de santé n’ont qu’à adapter leur pratique à leur état ». Le sport n’aurait-il que des vertus? Une chose est sûre, comme en témoigne Monique Carbonneau : « Ce n’est pas vrai que ça tue à notre âge. Au contraire, je me sens plus jeune et toujours prête à entreprendre plein de choses ». L’été dernier, elle s’est découvert un nouvel intérêt : le patin à roues alignées.