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Cible mouvante: visez large mais juste!

Supposez qu’en cette époque où les repères nous filent entre les doigts comme du sable, on ait mis la main sur L’OUTIL qui permette de vous orienter vers les 25 carrières les plus prometteuses pour les femmes…

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Rien ne sert de prédire, nous disent les expertes en main-d’œuvre, il faut se former à point! Supposez qu’en cette époque où les repères nous filent entre les doigts comme du sable, on ait mis la main sur L’OUTIL qui permette de vous orienter vers les 25 carrières les plus prometteuses pour les femmes… C’est ce que le magazine américain Working Women proposait à ses lectrices il y a quelques mois. Pour ne pas être en reste, La Gazette des femmes s’empressait de soumettre le palmarès à des expertes québécoises, histoire de l’évaluer et, pourquoi pas, de l’adapter. Pour une douche froide, c’en fut toute une : à l’unanimité, les spécialistes consultées nous ont mises en garde contre de tels documents aussi fiables que… la météo! Pas mal pour prédire ce qui se passera demain, mais au-delà de cette limite… « De tels palmarès suscitent de faux espoirs, prévient Thérèse Sainte-Marie, directrice générale du Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail. Les données sont vite périmées. Les pénuries ne sont parfois que temporaires. Ils ont une utilité uniquement dans la mesure où ils ouvrent de nouveaux horizons susceptibles d’amener les femmes à diversifier leur présence sur le marché du travail ». « Entre le moment où l’enquête sort et la fin de la formation, le marché du travail a eu le temps de changer », renchérit Marie-Claude Gagnon, conseillère en orientation au Service de placement de l’Université Laval. Même la présidente de la Société québécoise de développement de la main-d’œuvre, qui vient de publier les perspectives pour 1997 des professions au Québec, incite à la prudence dans l’utilisation de ces données. D’entrée de jeu, Diane Bellemare reconnaît qu’il est très difficile d’effectuer des prévisions de main-d’œuvre. Tout au plus doit-on les considérer comme des tendances et les utiliser en relation avec d’autres informations comme les caractéristiques personnelles et les compétences recherchées par les employeurs, mais aussi les choix politiques et économiques susceptibles d’influencer le développement de l’emploi. Donc, que croire, et surtout, que dire aux jeunes filles et aux femmes qui cherchent leur voie? Surtout ne pas leur donner de recettes toutes faites, répondent en chœur les spécialistes consultées. Il n’y ni credo, ni prêt-à-servir en ce domaine. Mais plutôt quelques grands principes qui assurent d’avoir la « tête bien faite » et non seulement bien pleine.

Partir de ce que l’on est

A sa façon, Armelle Spain, psychologue et chercheuse au Centre de recherche sur le développement de carrière de l’Université Laval, reprend le vieux conseil de Socrate : connais-toi toi-même. « Il faut partir de ce que l’on est et de ce que l’on aime, regarder ses compétences, ses priorités, ses valeurs, ses rêves », recommande-t-elle. En effet, c’est long se lever tous les matins pour aller faire quelque chose qui ne nous convient pas. Et sûrement encore plus dur dans un contexte de rareté d’emplois, où il faut foncer, s’accrocher, voire inventer son emploi : où trouve-t-on toute cette énergie et cette créativité quand on n’est pas « à sa place » dans son domaine? Un peu de passion ne peut donc qu’aider. D’autant plus, ajoute Armelle Spain, que « nos recherches nous révèlent que les femmes n’ont pas une perspective purement carriériste (comme celle qui sous-tend le palmarès de Working Woman) qui assimile la réussite à un bon salaire et à une progression verticale par les promotions. La carrière des femmes est marquée par des alternances de retrait et d’avancement. Elle n’évolue pas de façon rectiligne mais cyclique. Elle s’imbrique dans l’ensemble de leur vie. La carrière n’est pas nécessairement la locomotive à laquelle tout le reste s’accroche. Ce sont les liens que les femmes ont avec d’autres personnes dans des contextes particuliers qui colorent l’organisation de leur vie. Enfin, les femmes voient la réussite davantage en termes de satisfaction, de qualité de vie au travail, de relations interpersonnelles gratifiantes et d’équilibre entre toutes les sphères de leur vie ».

Se donner des compétences larges

Plus que tel ou tel emploi, ce sont des compétences de base, des aptitudes et des attitudes qui départagent les « gagnantes » sur le marché de l’emploi. Puisque dans le contexte économique actuel il faut s’attendre à devoir changer de cap au cours de sa vie active, jusqu’à trois fois prédisent certaines études, il ne suffit plus d’acquérir des connaissances : de nos jours, celles-ci deviennent vite désuètes. Il faut aussi avoir développé des habiletés et des attitudes « rentables ». En 1992, le Conference Board demandait à des dirigeants d’entreprises quelles compétences ils estimaient d’une importance cruciale sur le marché du travail pour les prochaines années. Leurs réponses convergent vers la maîtrise de trois savoirs : savoir communiquer, savoir apprendre et savoir penser. On doit lire entre les lignes qu’ils incluent la capacité de recourir de façon efficace à la technologie, aux instruments, aux outils et aux systèmes d’information actuels. Mais ce n’est pas tout : ils ont aussi pointé des qualités personnelles auxquelles ils sont très attachés : démontrer des attitudes et des comportements positifs, être responsable, être capable d’adaptation au changement et de créativité, avoir l’esprit d’équipe et la capacité de travailler avec les autres… « Des employeurs ont des attentes à certains égards paradoxales », remarque pour sa part Diane Bellemare. Ils veulent une personne qui a une formation de base solide et, en même temps, une spécialité particulière : une sorte de généraliste pointue quoi! » Marie-Claude Gagnon recommande donc aux filles et aux femmes « d’éviter de faire des choix de départ trop étroits : il y a là un risque de perdre une partie de la polyvalence que les employeurs recherchent ». Elle les incite en outre à s’assurer de bien maîtriser leur langue, à en apprendre au moins une autre et, inévitablement, à connaître la micro-informatique. Enfin, faut-il le rappeler, plus le niveau de compétences est élevé, meilleures sont les perspectives professionnelles. Voilà une invitation claire à se donner une formation de base solide, la plus large possible, et à la maintenir à jour par la suite. –Les carrières du collégial, Centre de développement de l’information scolaire et professionnelle (par François Cartier et Marcel Sanscartier), éditions Ma Carrière, 1994. -Également du même éditeur, la collection Guides universitaires sur les carrières de l’administration, de la comptabilité, du droit, de l’ingénierie, de la médecine, des sciences et technologies. Les pronostics sur les secteurs d’emploi ont une portée limitée, soit! Tout de même, il ne faudrait pas en déduire qu’on doive complètement leur tourner le dos : viser tous azimuts n’est sûrement pas plus sage que de s’engager dans un corridor trop étroit… « C’est pourquoi, souligne Diane Bellemare, il faut plutôt enrichir les prévisions sur les métiers en pénurie de connaissances « qualitatives »sur le marché du travail ». Ce qui veut dire, nous l’avons mentionné plus haut, consulter des spécialistes pour mettre ces renseignements en perspective avec l’évolution du contexte économique et politique. Mais ce qui signifie aussi s’informer de la nature exacte du travail auquel conduit un choix professionnel. Cette information, qui apparaît comme une condition de base pour évaluer si un métier nous « colle à la peau », serait néanmoins l’objet d’une importante lacune, si on se fie à François Cartier et Marcel Sanscartier, fondateurs de la maison d’édition Ma carrière. Selon eux, si les étudiantes et les étudiants peuvent recevoir beaucoup de renseignements sur les cours offerts dans chaque champ d’étude, ils sont par contre très peu informés du travail qu’ils effectueront dans la « vraie vie » une fois leurs études terminées. Pas étonnant, dans ces conditions, que des métiers fassent l’objet de pénuries de main-d’œuvre, alors que des finissants restent sur le carreau en raison de surplus de personnel dans leur domaine ou faute de motivation pour un emploi qui ne correspond pas à ce qu’ils avaient envisagé. On doit certes viser large en se donnant une formation à l’avenant, mais cibler juste en ayant bien en vue le domaine dans lequel on compte la faire servir.