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Sondage exclusif: que pensent les femmes des femmes?

Oh! miroir, joli miroir, dis-moi… comment les femmes se trouvent-elles?

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Auteur路e :  et 

Oh! miroir, joli miroir, dis-moi… comment les femmes se trouvent-elles?

Impitoyables serions-nous les unes pour les autres. Ou, au contraire, toutes sœurs unies au nom du féminisme, nous ferions preuve d’une indulgence absolue, du genre « On sait bien si c’est une femme! » … Quelle est la part du mythe? Où loge la réalité?

Pour éclairer nos lanternes, nous nous sommes adressées à la maison de sondage Léger et Léger où, incidemment, nous n’avons fait affaire qu’avec des femmes. Cette entreprise a réalisé pour nous un sondage inédit et exclusif auprès de 800 femmes de 18 ans et plus, francophones, anglophones et allophones, réparties dans toutes les régions du Québec. Avec une marge d’erreur de 3,5 %, les résultats sont scientifiquement valables. Sans aucune intention de remplacer les vieux stéréotypes par… de jolis clichés, nous vous convions, avec tout de même un grain de sel puisqu’un sondage, comme le nom l’indique, ne fournit qu’un « coup de sonde », à traverser le miroir pour découvrir, loin du tapage médiatique, Ce que les femmes pensent des femmes…

Et ce que Janette Bertrand, Marie Malavoy, Francine Harel-Giasson, Danielle Fournier et Marie-France Bazzo pensent des résultats du sondage!

1. Comment les femmes se voient-elles?

Quels traits de caractère les femmes se reconnaissent-elles? Lesquels attribuent-elles plutôt aux hommes? Nous avons tenté le diable en évoquant certaines caractéristiques qui auraient pu nous conduire tout droit aux gros stéréotypes…

D’abord, les femmes interrogées semblent avoir une image plutôt positive de leurs congénères : alors que les trois qualités-en l’occurrence le dévouement, l’autonomie et le sens de l’organisation-leur semblent coller davantage aux femmes qu’aux hommes, elles considèrent que deux défauts sur trois, soit la possessivité et la manipulation, relèvent plutôt des attributs masculins, seule la susceptibilité faisant exception…

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Retrouve-t-on les caractéristiques suivantes davantage chez la femme ou chez l’homme?

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Si, culture oblige, il était prévisible que les femmes s’attribuent majoritairement le dévouement (75 % en fait), il est intéressant qu’elles se reconnaissent presque aussi largement le sens de l’organisation (71,9 %). Soulignons au passage que ce sont les jeunes de 18-34 ans qui perçoivent davantage le sens de l’organisation comme un attribut féminin (78 %) : peut-être est-ce après avoir vu leurs mères jongler avec la double tâche avec un doigté d’équilibriste?

Côté autonomie, si les opinions sont plus partagées, les femmes trouvent qu’elles s’en tirent tout de même mieux que les hommes (40,4 % pour elles et 27,3 % pour eux). La propension à associer femme et autonomie est davantage notable chez les femmes de 55 ans et plus (44,7 %), chez celles dont le revenu familial est de moins de 20 000 $ (48,1 %) et chez les moins scolarisées (48,8 %). Réponse on ne peut plus rassérénante de la part de celles qui, de prime abord, pourraient être estimées vulnérables! D’ailleurs, elles auraient raison, du moins pour ce qui est de l’indépendance affective, si on en juge les résultats obtenus par Lyse Turgeon, psychologue et chercheuse, lors d’une enquête auprès de 132 couples1. Demandant aux conjoints de désigner qui est le plus dépendant, elle s’est fait répondre, autant par les hommes que par les femmes : l’homme. Elle l’explique du fait que, pour les messieurs, et contrairement aux femmes, l’investissement dans un réseau affectif est loin de constituer une priorité, ce qui les rend totalement dépendants de leur conjointe sur ce plan.

Du côté des défauts, les femmes s’avouent plus susceptibles (à 55 %), mais nettement moins manipulatrices et possessives que les hommes (respectivement 26,7 % contre 40,8 % et 28,4 % contre 40 %).

Quelques distinctions intéressantes à souligner : alors que les moins de 35 ans sont formelles-les hommes sont beaucoup plus possessifs (47 %) et manipulateurs (45 %)-, les 55 ans et plus ont davantage tendance à attribuer ces défauts également aux deux sexes. Est-ce qu’en vieillissant les femmes voient plus les ressemblances humaines que les différences sexuelles? Ou les hommes s’améliorent-ils avec l’âge?!

Par ailleurs, c’est majoritairement, donc dans une proportion plus marquée que les autres groupes, que les femmes célibataires et divorcées associent la manipulation à un comportement masculin : serait-ce là le fruit d’expériences amères?

Enfin, renversement de tendance chez les répondantes plus scolarisées et celles dont les revenus sont plus élevés : elles se montrent franchement plus critiques à l’égard des femmes. Ainsi, alors qu’elles attribuent dans une plus grande proportion la possessivité (45,7 %) et la manipulation (37,1 %) aux femmes, elles sont enclines à reconnaître l’autonomie comme un attribut masculin (36,4 %).

2. Mais que veulent les femmes?

Ouvrez grand les oreilles Herr Freud : nous avons appris ce qui compte pour les femmes dans la vie. Quand on leur demande d’énumérer les priorités qu’elles perçoivent chez les « femmes en général », l’amour déclasse la famille (28,9 % contre 26 %) : tiens, tiens! Mais lorsqu’on vérifie si, pour elles personnellement, le classement demeure le même… la famille retrouve ses droits (27,3 % contre 25,7 %), sauf chez les 18-34 ans et chez les femmes plus scolarisées.

Signe des temps, le contrôle de sa vie talonne de près ces deux valeurs, supplantant même l’amour dans les priorités personnelles des femmes de 55 ans et plus et des plus scolarisées.

En regard du statut matrimonial, ce sont les célibataires qui accordent le plus d’importance au contrôle de leur vie, alors que ce sont les femmes vivant en couple qui citent le moins cet élément (respectivement 35,9 % et 24,9 % par rapport à une moyenne de 29 %). Aussi les femmes qui n’ont pas d’enfant tiennent deux fois plus au contrôle de leur vie que les mères. Qu’est-ce qui est l’œuf, qu’est-ce qui est la poule?…

En position mitoyenne, et à bonne distance des valeurs du peloton de tête, vient l’appréciation (13 %). On note peu de différences suivant les catégories sociodémographiques. A peine y accorde-t-on un peu plus d’importance chez les femmes plus âgées, les retraitées, les célibataires et les divorcées : pourrait-on penser que c’est un « autre nom » pour l’amour?

Loin derrière se classe l’argent qui ne recueille que 6,4 % de l’intérêt. Cependant, plus les femmes avancent en âge, plus cet élément tend à devenir une préoccupation. Il est également plus cité par les femmes à faible revenu pour des raisons que l’on devine.

Et en bout de course, le plaisir et le pouvoir! S’ils arrivent presque nez à nez dans le classement de ce qui est important pour l’ensemble des femmes, avec chacun un peu plus de 2 %, lorsqu’il s’agit du choix personnel des répondantes, le plaisir connaît une remontée, mais qui ne nous rapproche guère de l’insoutenable légèreté (2,8 %)! Contrairement à l’argent, le plaisir perd de l’importance avec l’âge. Quant au pouvoir, il réussit à piquer un peu plus du nez, dépassant à peine 1 %.

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Parmi les éléments suivants, lequel est le plus important pour les femmes?

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3. « Le pouvoir, connais pas »… mais mieux vaut qu’il soit entre les mains des femmes

Lise Payette l’a écrit : les femmes et le pouvoir, ce n’est pas évident. Tout de même, excellente nouvelle pour les valeureuses qui se risquent en politique : les politiciennes s’attirent nettement plus la confiance des femmes que leurs vis-à-vis masculins : près d’une femme sur deux (44 %) fait davantage confiance aux femmes en politique. La moitié moins (22 %) font autant confiance aux politiciens de l’un ou l’autre sexe. Quant aux hommes, ils ne remportent la palme que chez 16 % des femmes, soit dans la même proportion que chez celles qui déclarent ne plus faire confiance aux politiciens tous sexes confondus.

Si on compare avec l’intérêt que les femmes démontrent pour l’amour, c’est à se demander si elles ne préfèrent pas les hommes au lit plutôt qu’aux commandes d’un gouvernement!

La confiance des femmes envers les politiciennes, confirmée dans tous les groupes d’âge, serait-elle liée aux qualités qu’on admire chez les femmes?

Contre toute attente, la détermination (18 %) et l’honnêteté (17 %) se classent aux premiers rangs. Et ce n’est pas tout : suivent le courage et l’autonomie, choisis par 9 % des répondantes. Il faut attendre le cinquième rang pour qu’apparaissent des vertus plus traditionnellement associées aux femmes, soit le dévouement et la générosité. Comme en fait foi la suite de la nomenclature-le respect d’autrui, l’humanisme, la compréhension, la douceur-, les femmes demeurent sensibles aux qualités « humaines », il fallait s’y attendre. Mais non au prix de l’affirmation et de la force de caractère.

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Pensez à une femme que vous admirez et dites-moi ce que vous admirez le plus chez elle

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4. Au travail, les femmes préfèrent les hommes

Dans une proportion de 41 %, les femmes recourraient sans distinction à un homme ou une femme si elles avaient besoin de services professionnels. Volontairement, pour camper notre question, nous avions demandé d’évoquer les domaines, encore très associés au « complet-cravate », du droit, de la comptabilité et des assurances. En outre, à choisir entre une femme et un homme, elles privilégieraient la professionnelle (31 % contre 25 %). Deux nuances cependant : les femmes plus faiblement scolarisées et les femmes plus âgées accordent, moins que les autres, leur confiance aux femmes. Mais alors que chez les femmes âgées, c’est au profit des hommes, chez les femmes moins scolarisées, c’est plutôt parce que, plus massivement que les autres, elles n’accordent pas d’importance au sexe des professionnels.

Toutefois, côté travail, on n’a guère décollé de la « case départ », du moins en apparence : comme de nombreuses enquêtes l’ont affirmé avant nous, la plupart des femmes préfèrent travailler avec des hommes, comme collègues (41 %) ou comme patron (45 %). Tout de même, autour du tiers des femmes déclarent ne pas faire de différence sur ce plan.

Mais ce qui étonne sans doute le plus, c’est que, parmi celles qui préfèrent travailler avec des femmes, un peu plus de répondantes apprécient les patronnes (23,2 %) que les collègues féminines (20,9 %). Et le plus troublant, c’est que cette tendance se manifeste davantage chez les jeunes femmes (28,4 % et 18,2 %). Si vous croyez que c’est qu’elles n’accordent pas d’importance au sexe de leurs collègues, détrompez-vous : presque la moitié d’entre elles préfèrent la compagnie de collègues masculins.

Par contre, le phénomène s’inverse avec l’âge, les femmes plus âgées préférant la compagnie de collègues féminines à la gestion d’une patronne. On apprécie mieux ce que l’on connaît, dit-on.

Dans ce sens, la différence des réponses selon l’âge des femmes serait-elle le reflet de l’évolution du marché du travail? Les patronnes sont dorénavant un peu plus nombreuses, donc plus visibles pour les jeunes, et la diversification des métiers qu’elles exercent aujourd’hui les met plus en contact avec des hommes. Ce serait du moins l’explication de Gloria Steinem. Lors de son passage à Montréal le printemps dernier2, la féministe américaine soulignait que, lorsqu’on demande aux personnes leur opinion sur un groupe qui fait l’objet de stéréotypes bien ancrés, les réponses tendent à se conformer aux idées reçues, à favoriser le statu quo. Par contre, si on peut lier une telle question à l’expérience réelle de la personne interrogée, les résultats, fondés sur la réalité, tendent à dépasser les clichés.

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Lorsque vous recourez aux services de professionnels, par exemple des avocats, des comptables ou des courtiers d’assurances, avez-vous tendance à retenir davantage les services d’un homme ou d’une femme?

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Une autre donnée du sondage pourrait renforcer l’importance de l’expérience dans la formation des opinions. En effet, nous avons cherché à savoir dans quel type d’environnement de travail évoluaient les répondantes afin d’évaluer si on peut établir un lien avec les préférences indiquées. De fait, il s’avère que les femmes qui travaillent dans un environnement majoritairement masculin sont plus enclines à préférer avoir des hommes comme collègues (69,1 %) ou comme patron (55,9 %). Inversement, les femmes qui travaillent dans un milieu de femmes expriment plus que la moyenne une préférence pour des collègues féminines (26,6 %). Cela ne les distingue guère cependant des autres femmes quant à leur réponse par rapport aux patronnes : mais les patronnes de quelque milieu que ce soit peuvent-elles se permettre des pratiques différentes? Ne sont-elles pas plutôt liées par les usages de leur fonction, établis par les hommes?

Tel serait le cas si on en croit les données recueillies par Germain Julien, professeur à l’ÉNAP3. Ainsi, relève-t-il, les cadres féminines, du moins celles de la Fonction publique, seraient plus orientées vers la « réalisation » (faire mieux que les autres, réussir, se dépasser) et le pouvoir que les cadres masculins. C’est que la Fonction publique, explique M. Julien, a tendance à sélectionner des femmes qui sont aptes à agir comme le font les hommes. « Ce monde d’hommes, déplore le chercheur, ne permet pas aux femmes cadres d’apporter quelque chose de différent à l’organisation, notamment l’humanisation des pratiques de gestion. » Regret peut-être partagé par les femmes qui ont répondu à notre sondage, puisque rien ne permet de croire que ce problème soit exclusif à la Fonction publique, et qui expliquerait les réserves, voire les déceptions des femmes à l’égard des patronnes… Vivement l’éclatement du plafond de verre pour que les patronnes puissent… relâcher leur cravate!

5. D’une génération à l’autre, le courant passe

Voilà un autre sujet où on en a entendu des vertes et des pas mûres. Les jeunes seraient mortes d’envie face aux baby boomers et même aux femmes âgées, bien assises sur leurs « privilèges » acquis au temps des vaches grasses. Quant aux aînées, elles seraient tantôt exaspérées par les exigences d’enfants gâtées des cohortes qui les précèdent, tantôt désespérées devant le malaise de ces générations X, Y ou Z de sacrifiées. Vraiment?

Pour prendre la mesure, nous avons demandé aux femmes de moins de 35 ans si elles estiment leur vie plus facile ou plus difficile que celles de la génération qui les a précédées. Les mêmes questions ont été adressées aux 35 ans et plus, mais par rapport à la génération qui les suit.

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En regard des éléments suivants, est-ce que la vie des jeunes femmes est plus facile, plus difficile ou est-ce la même chose que pour la génération qui les a précédées?

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Tenez-vous bien! En dépit de ce que nous serinent les médias, d’un côté comme de l’autre de la clôture des 35 ans, on s’entend… et on ne s’envie pas, loin de là. Embellissements pour cause de sondage? Nous ne serions pas les seules à avoir été dupées puisque des résultats semblables ont été obtenus lors d’une enquête menée en France à l’automne 19954.

Donc, plus des deux tiers des jeunes filles ne trouvent pas que leur mère a eu la vie plus facile à leur âge (69 %). La démarcation apparaît encore plus nette lorsque, histoire de vérifier les fondements de cette assertion, on les interroge sur l’accès à des domaines précis comme les études (76 %), le choix d’un métier (77 %) et la liberté sexuelle (77 %). Même en ce qui concerne l’accès à un emploi stable, contre toute attente, 53 % des moins de 35 ans trouvent que cela a été plus difficile pour celles qui les ont précédées. Sans doute les jeunes femmes ont-elles constaté que leurs mères, arrivées dans les années 70 sur le marché du travail, ont récolté plus souvent qu’à leur tour les emplois à temps partiel, précaires, etc.

Seul point où les jeunes estiment que, pour leurs aînées et elles, c’est kif-kif : l’accès aux soins de santé. Quarante-cinq pour cent d’entre elles ne voient pas de différence entre leur génération et la précédente. L’assurance-maladie est-elle si bien entrée dans les mœurs qu’on a l’impression qu’elle a toujours existé? Ou le virage ambulatoire fait-il déjà porter son ombre sur la disponibilité des services?

De leur côté, les plus de 35 ans déclarent à 71 % que la vie des jeunes filles est plus… difficile! Paradoxalement, elles reconnaissent, dans les mêmes pourcentages, que la vie des moins de 35 ans est plus simple sur le plan des études, de la liberté de choisir son métier, de l’accès aux soins de santé et de la liberté sexuelle. De fait, seule la question de l’accès à l’emploi suffit à teinter de gris leur perception globale. Beaucoup plus pessimistes que les jeunes, elles estiment à 80 % que l’accès à l’emploi s’est rétréci comparé à ce qu’elles ont connu au même âge.

Tout compte fait, d’un côté comme de l’autre de la barre des 35 ans, on admet que la situation des jeunes femmes quant aux études, au choix de carrière, à l’accès aux soins de santé et à la liberté sexuelle est meilleure que celle de la génération précédente. Une belle occasion de saluer les luttes féministes et l’engagement des femmes sans lesquels de tels changements auraient été impossibles.

6. La juste valeur des femmes

On aura toutes compris qu’il ne s’agit pas de chiffrer la valeur des femmes en dollars, d’autant plus que l’argent compte peu pour elles. Attention, tout de même : les femmes qui n’occupent pas d’emploi sur le marché du travail ont démontré plus de difficulté à répondre à cette question : serait-il délicat d’estimer la valeur d’une personne en l’absence d’un chèque de paie?

Cette question nous a par ailleurs réservé une surprise de taille : les trois quarts des répondantes croient que les femmes en général ne sont pas considérées à leur juste valeur, alors que dans leur propre vie, deux sur trois (62 %) se sentent pleinement reconnues!

C’est encore plus vrai dans le cas des professionnelles (à près de 70 %), des femmes retraitées (76,2 %) et de celles âgées de 55 ans et plus (73 %). Comme quoi, parfois, la valeur, ou du moins sa reconnaissance, attend le nombre des années!

Par contre, les femmes qui expriment le plus de mécontentement quant à leur situation personnelle sont les femmes divorcées (59,9 %) et séparées (47,6 %), les cols blancs (48,3 %) et les femmes âgées de 35 à 54 ans (45,2 %).

Il existe un lien non équivoque entre l’insatisfaction à l’égard de sa propre situation et la perception négative de celle de l’ensemble des femmes. Les femmes qui ne se sentent pas appréciées à leur juste valeur considèrent massivement (92,6 %) que l’ensemble des femmes ne bénéficient pas d’une meilleure considération qu’elles-mêmes.

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Si vous pensez à l’ensemble des femmes au Québec, diriez-vous qu’elles sont considérées à leur juste valeur? Vous personnellement, pensez-vous que l’on vous considère à votre juste valeur?

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  1. Enquête citée dans La Presse du dimanche 12 mai 1996. Lyse Turgeon, Le rôle du pouvoir conjugal comme valeur prédictive du retrait des hommes lors de situations conflictuelles avec leurs conjointes, thèse présentée àl’École des gradués, Université Laval, juillet 1995.
  2. The Gazette, Monday, April 15 1996, « A Conversation with Gloria Steinem » p. E1 et E2
  3. Cité dans La Presse du jeudi 16 mai 1996. Germain Julien, L’identification aux valeurs masculines chez les femmes cadres de la fonction publique québecoise, Recherches sociologiques, XXXVII, 1, janvier-avril 1996.
  4. Sondage exclusif CSA/Elle, présenté dans Elle, novembre 1995, « Vous désirez », par Michèle Fitoussi.

Étonnants, ces résultats

  • Côté valeurs, l’amour et la famille demeurent au cœur de la vie des femmes. Mais attention : le contrôle de sa vie ressort comme une valeur montante.
  • Haro surles clichés : les femmes ne sont pas les ennemies jurées que l’on a prétendu : comparées aux hommes, elles estiment leurs congénères plus organisées, autonomes et… dévouées. Encore un peu nous sombrions dans la supériorité morale : ouf! Nous y échappons, de peu il faut l’admettre, en reconnaissant être plus susceptibles que les hommes.
  • Pas bitch, les femmes apprécient toutefois celles qui ont du chien : ce sont la détermination, l’honnêteté, le courage et l’autonomie qu’elles admirent plus que tout chez les autres femmes. Très largement, elles appuient les politiciennes et font confiance aux professionnelles, fussent-elles dans des secteurs peu traditionnels.
  • Mais question travail, il y a de l’eau dans le gaz… et du pain sur la planche. C’est résolument notre talon d’Achille, qui marque la rupture de l’harmonie. D’abord, au boulot, nous n’aimons guère la compagnie des femmes… même si elles gagnent quelques maigres points lorsque notre environnement nous amène plus à les fréquenter. En outre, pour les plus de 35 ans, le travail a une telle influence sur le « confort social » qu’on ne reconnaît pas d’amélioration du sort des jeunes femmes par rapport aux générations précédentes, essentiellement parce qu’on juge plus difficile leur accès à un emploi stable. Finalement, il est très troublant que les femmes qui n’occupent pas un emploi aient de la difficulté à estimer si elles sont appréciées à leur juste valeur…

« C’est frappant! Les 35-54 ans font une lecture de la réalité nettement plus négative-ou plus juste? -que leurs aînées et leurs cadettes. Elles se sentent moins appréciées à leur juste valeur et, indice révélateur, elle accordent moins d’importance au plaisir : presque trois fois moins que les autres! » Marie-France Bazzo y voit une explication. « Cette génération regroupe le noyau dur des femmes qui ont mené les luttes féministes. Ces femmes se sont battues, leur vie a été bouleversée. Elles ont ensuite connu le ressac de ces batailles, et la désillusion. Bref, elles l’“ont eue” plus dure que les autres, et ça transpire dans leur choix de réponse. »

Le flagrant paradoxe sur la juste valeur des femmes l’a par ailleurs sérieusement mystifiée. « Bizarre… On obtient peut-être une piste de réponse en scrutant les résultats de façon transversale. A l’évidence, les répondantes valorisent beaucoup des valeurs très individualistes comme l’autonomie et le contrôle sur sa vie. Les valeurs collectives sont reléguées en arrière-plan. On touche là quelque chose. Les femmes semblent envoyer le message suivant : globalement, les luttes féministes n’ont pas livré la marchandise (équité, partage des tâches…) mais moi, personnellement, je m’en sors. Je détecte aussi un réflexe d’autodéfense. Je ne serais pas surprise du tout que les femmes aient répondu ainsi pour éviter de sombrer dans la déprime totale. »

« J’applique le même raisonnement aux réponses fournies par les 35 ans et moins quant à l’accès à un emploi stable, enchaîne la “franche-tireuse” radiophonique : si ces filles déclarent ne pas se sentir plus défavorisées que l’autre génération, c’est, selon moi, par refus d’admettre l’insécurité, la pige, tout le reste. Je les connais bien, c’est ma génération. Répondre oui? Autant raccrocher au nez de l’interviewer et se mettre à brailler. C’est une question qui touche un point très sensible. Les questions ont déclenché un réflexe de défense animal, instinctif. »

Marie-France Bazzo revendique tout de même un peu de temps et de recul pour mûrir sa réflexion. Soit. Pour l’heure, la sociologue de formation juge que « le questionnaire, sans être “militant” était, admettons-le, “orienté” : on ne pouvait y répondre sans évoquer en toile de fond Lise Payette, Du pain et des roses, etc. Un typique sondage Léger-Léger. Le cadre étant bien logique, cerné, les réponses ont été conséquentes. » A sondage sage, réponses sages? « Voilà ».

Marie-Malavoy, députée

« La confiance des femmes envers les politiciennes me fait du bien. C’est réconfortant de constater que les répondantes nous estiment moins “moulées” par la tradition politique et donc mieux à même de défendre nos dossiers sans trop de compromis. »

Angélisme? « Je vous réponds non. La plupart des femmes entrent en politique par conviction, parce qu’elles ont quelque chose à défendre, et les gens le sentent. Évidemment, le danger d’être “assimilée” guette toujours. Mais par nature, nous sommes moins tentées de nous perdre dans ces jeux de coulisse et ces stratégies tactiques qui fascinent tant d’hommes. » Marie Malavoy n’hésite pas à relier la bonne note obtenue par les politiciennes avec la question des qualités les plus admirées. « La détermination et l’honnêteté dominent. En politique, de la détermination, il en faut à revendre. Et de l’honnêteté… la politique a un blason à redorer; on compte à l’évidence sur les femmes pour remonter la côte. En passant, glisse la députée, ce choix de qualité campe une image de femmes qui se tiennent debout. J’aime ça. C’est bon. »

Si les répondantes n’ont pas péché par naïveté, Marie Malavoy les jugerait par contre idéalistes de penser que seul le genre fera la différence; sans le nombre, rien n’est possible, certifie-t-elle. « Nous devons absolument constituer une masse critique, le tiers des sièges au moins. Or, dans le monde, la proportion de femmes parlementaires régresse. Nous étions 14 % environ il y a 15 ans, nous sommes actuellement 11 %. On est loin du compte. » De voir les femme si méfiantes devant le pouvoir fait Marie Malavoy se sentir seule, oui. Mais surtout, ce « blocage » la désole. Et l’inquiète. « Les femmes doivent accepter d’entrer dans le cercle du pouvoir. Agir de l’extérieur, entourer l’Assemblée nationale pour revendiquer, c’est bien, mais il faut aussi se faire entendre à l’intérieur. » Cela dit, elle comprend. « Les institutions ont été créées par des hommes et nous correspondent peu. Je le sais; je m’y bats. On n’a pas le choix. Il faut se dire qu’on pénètre en territoire étranger et qu’on accepte de parler une langue étrangère. »

Francine Harel-Giasson, professeure à l’École des hautes études commerciales

« Les sondages le répètent tous, les uns après les autres : les femmes patronnes “scorent mal.” Mais tous, sans exception, démontrent aussi ceci : les gens qui ont déjà travaillé sous les ordres d’une femme ont tendance à mieux évaluer les patronnes que les autres. » Et d’année en année, notre cote monterait. Lentement, mais régulièrement.

Francine Harel-Giasson, en optimiste avouée, juge par ailleurs capital de prendre acte d’un virage important : « Si l’on additionne les taux de réponse aux énoncés “préfère une femme comme patron”et “n’y voit pas de différence”, on arrive à 53 %. Pas mal! Reportez-vous il y a 30 ans : le seul fait de poser qu’une femme pourrait valoir un homme comme patron aurait fait sursauter! Loin de moi l’idée de minimiser la faiblesse des pourcentages, mais je pense qu’on doit les mettre en perspective. »

On peut préférer un patron pour deux raisons, soutient Francine Harel-Giasson. « Ou bien on juge qu’une femme aura moins d’influence dans une structure et qu’on sera donc desservie comme employée, ce qui ma foi peut être réaliste. Ou encore, on fait moins confiance à la compétence des femmes. Je ne crois pas que cette dernière hypothèse soit la bonne. Il suffit de superposer les résultats aux traits de caractère qu’on attribue surtout aux femmes, sens de l’organisation et dévouement, deux atouts majeurs en gestion. J’en déduis, objectivement, que les femmes reconnaissent à leurs semblables les bases requises pour être bonnes patronnes. »

Sans doute. On n’est toutefois pas à la veille de voir débarquer des nuées de gestionnaires en jupes dans les tours à bureaux. Le sondage ne dit-il pas noir sur blanc que les femmes n’ont que faire du pouvoir? « Faux, coupe court la spécialiste. Méfions-nous des conclusions hâtives. On a demandé aux femmes de cocher trois priorités parmi sept éléments-clés de l’existence. Mais ces trois éléments sont-ils beaucoup plus importants que les autres? Là-dessus le sondage reste muet. J’ajouterais ceci. Mon travail me met en contact avec des gars d’argent, de pouvoir. Savez-vous quoi? Je vous jure qu’aucun d’eux ne placerait l’argent et le pouvoir dans le peloton de tête. Ces valeurs ne sont pas socialement désirables. » Francine Harel-Giasson en profite d’ailleurs ici pour saluer les femmes de 55 ans et plus, « le groupe d’âge où l’argent sort le plus fort. On ne s’attendait pas à cela de cette génération. Elles ont osé. Chapeau! » Elle applaudit également la lucidité de la jeune génération qui n’a pas cédé au cliché « les baby boomers ont tout pris ». « Les filles semblent avoir décelé que les célèbres baby boomers tant décriés, ce sont surtout des gars. Les femmes n’ont pas profité autant des largesses de cette ère de prospérité. Devant tant de perspicacité, je m’incline. »

Danielle Fournier, présidente de Relais-femmes

« Honnêtement, ça m’a agacée de voir les femmes cocher amour et famille plutôt que argent, pouvoir et plaisir. Quel chemin a-t-on vraiment parcouru depuis 25 ans? C’est un peu dramatique. »

Mais il y a peut-être une consolation, un legs féministe, dans le fait que les répondantes admirent chez les autres femmes, non pas patience, douceur et compagnie, mais des qualités de battantes comme la détermination, l’honnêteté et le courage. « Gare au charriage, stoppe Danielle Fournier. Je ne discerne pas d’héritage féministe là-dedans. Les femmes savent que ces qualités sont féminines depuis toujours, qu’elles ont permis à leur mère et à leur grand-mère de prendre leur place, particulièrement dans la sphère privée. Le seul crédit que j’attribuerais au mouvement féministe des années 60, c’est peut-être d’avoir rendu plus visible cette force des femmes. »

Les femmes ne sont pas appréciées à leur juste valeur, décrètent les trois quarts des répondantes… mais moi je le suis, estiment-elles a contrario, à 62 %. Danielle Fournier a sa petite théorie sur cet intrigant décalage : « Elles ont peut-être tout simplement changé de registre en changeant de question. Pour la première, elles ont pensé “appréciation sociale” alors que, pour la seconde, elles se sont transportées en terrain privé : conjoint, famille, voisinage… Si on leur avait demandé : “Vous, vous sentez-vous appréciée à votre juste valeur par la société?” , les réponses auraient sûrement été autres. »

Danielle Fournier n’est par ailleurs pas mécontente que le sondage assène un coup de trique au mythe voulant que les femmes préfèrent travailler entre elles. « Admettons-le, ce n’est pas parce qu’on est entre femmes que tout est parfait. On éprouve parfois de la difficulté à ne pas “tricoter serré”le professionnel et l’affectif. Par conséquent, on n’ose plus parler franchement des problèmes par crainte de blesser. Je dirais que c’est l’un de nos maillons faibles. » Aussi, quand les répondantes disent que les hommes sont davantage manipulateurs, Danielle Fournier tique : « La tare est, je crois, partagée assez équitablement merci. »

L’analyse comparative que les plus jeunes et les plus âgées font de leur situation de vie réciproque n’a rien d’une charge agressive. Peut-on extrapoler, voir, par exemple, dans ce jugement posé des jeunes femmes une « relève féministe » en puissance? « Je ne sais pas, hésite Danielle Fournier. Une chose est cependant indéniable : avec de tels résultats, on a en main des éléments précis sur lesquels tabler pour construire une solidarité. Ce n’est pas rien. »

Janette Bertrand, animatrice et auteure

Janette est sceptique, tout court. « Vous savez ce que je pense? Les femmes ont répondu ce qu’il “était bien de répondre”, en filles conditionnées par l’éducation et la société. Elles n’ont pas exprimé le fond de leur pensée », soutient celle qui, depuis le temps, nous regarde jusqu’au tréfonds de l’âme. Un sondage sur le droit fil du « bien-pensé » aux résultats terriblement prévisibles. « Le classement des trois éléments prioritaires par exemple. Typique! Les femmes ont placé quoi en premier? L’amour et la famille, bien sûr, et le contrôle de sa vie pas trop loin. Je n’y crois pas. Le pouvoir aurait dû être là : la vie entière est une “game” de pouvoir. » Clichés aussi les réponses sur le travail, la confiance aux politiciens : « Mieux vaut un patron qu’une patronne mais, par ailleurs, on peut moins faire confiance aux politiciens qu’aux politiciennes. Très prévisible, tout ça… » Bref, le sondage ne serait qu’un reflet édulcoré de la vérité. « Donnez-moi deux heures avec ces femmes à creuser les questions, et refaites ensuite le test : les résultats seront très différents. »

Les femmes ont joué les parfaites, soit. Toutefois, Janette ne leur jette pas le blâme au complet. La formulation même du sondage n’avait rien, selon elle, pour les aider à mettre cartes sur table. « Le questionnaire était truffé d’énoncés vastes comme le monde, des “mots-valises”qui laissaient largement place à l’interprétation. Dévouement, autonomie, amour… On entendait quoi exactement par Amour? Passion? Sécurité? Longue durée? Ces termes sont complexes, chargés de mille sens. Il aurait fallu préciser. »

Des surprises agréables, Janette Bertrand en a tout de même eues. Le fait que les générations semblent avoir les idées claires sur leurs expériences de vie réciproques, par exemple. Reste qu’elle n’est pas de celles qui détectent, à prime abord, une cassure entre les jeunes femmes et les plus âgées. « Au-delà de l’affrontement normal mère-fille, je ne sens pas un fossé intergénérationnel au féminin. » De là à conclure que les deux groupes sont prêts à revendiquer bras dessus, bras dessous, faut voir.

Janette reconnaît au sondage le mérite de brasser la cage au préjugé coriace qui veut que les femmes soient d’horribles bitches pour leur semblables. « Nous sommes peut-être plus insidieuses entre nous que les hommes, mais pas plus impitoyables. Quand deux gars décrètent qu’un troisième est un “con fini!” , le jugement est tout aussi dévastateur et définitif. Malgré ses défauts, le sondage réussit à ébranler cette image perfide qu’on nous renvoie depuis toujours. Bonne affaire. »

Dire vrai ou penser faux? (et vice versa)

Sondage. Son d’âge? Quand j’entends ce mot, je pense toujours que quelqu’un est gravement malade. On le sonde, on lui pose une sonde, il est branché jusqu’aux cils, peut-être même sur Internet. Après le génocide en direct, je vois le dossier médical en direct. On n’arrête pas le progrès. Pardonnez-moi. Les mots me rendent folle parfois. Karma d’écrivaine. Mais quand je sors de mon délire, ce n’est guère mieux : quand je vois un sondage, je tombe immédiatement dans la méfiance.

On dit qu’il y a trois sortes de mensonges : les petits mensonges, les gros mensonges… et les statistiques. Quels mensonges nous racontent ces statistiques encore chaudes? Mon hypothèse est la suivante : des hommes ont infiltré massivement ce sondage, tels des agents doubles de la GRC. Il contient trop de réponses qui font leur affaire. En effet, comment expliquer autrement que l’intelligence se soit retrouvée pratiquement à la queue, quand on pose la question : qu’est-ce que les femmes admirent le plus chez les femmes?

Comment expliquer autrement que l’argent, le plaisir et le pouvoir se soient retrouvés bons derniers dans les sept éléments les plus importants pour les femmes? Nous, les femmes, savons parfaitement que nous sommes obsédées par l’argent, et que, avec le plaisir et le pouvoir, ce sont les trois choses les plus importantes dans notre vie. Encore là, il n’y a que des hommes pour penser que l’argent n’est pas un élément important dans la vie des femmes. Sinon, ils ne joueraient pas ainsi avec l’équité salariale, tels des lanceurs de disques olympiques qui visent à envoyer le plus loin possible, dans le gouffre de l’oubli, un texte de loi qui est un acte de haute civilisation.

De même, si le plaisir était quelque chose d’important pour les femmes, jusqu’où seraient-elles capables d’aller pour en avoir? Peut-être jusqu’à mettre en péril l’institution sacrée du mariage (moins souvent consacré!), encore si pratique pour la vie quotidienne de tout homme bon teint qui n’a pas viré rose au lavage (de cerveau, disent-ils)? En plus, si les femmes accordaient de l’importance au pouvoir, elles seraient trop nombreuses au gouvernement, la justice sociale serait sans arrêt à l’ordre du jour, et peut-être même que la loi sur l’équité salariale serait déjà en application? Un vent d’horreur balaye les hommes qui s’empressent d’infiltrer le sondage pour ramener l’ordre établi, sévèrement menacé. Leur devise : contrôlons la rumeur publique!

Je vous le dis : des hommes ont pris le contrôle de ce sondage. Ils ont répondu en fonction de ce qu’ils souhaitaient, accrochés aux quelques privilèges qui leur restent comme des alcooliques à leur bière.

Ils ont affirmé que 41 % des femmes préféraient travailler avec des hommes, et 45 % aimaient mieux un homme comme patron. Complètement passéiste. Les femmes n’ont plus depuis longtemps ces préjugés antédiluviens sur les femmes patronnes qui, soi-disant, descendraient toutes en ligne directe d’« Ilsa la louve des SS », ou sur les femmes en équipe qui se mangent cru entre elles et passent leur temps à se crêper le chignon. C’est révolu. Se manger cru est interdit par Santé et Bien-être Canada pour cause de microbes, et le crêpage de chignon est dépassé, même dans les salons de coiffure.

Tout à coup, le grand frisson du doute m’étreint. Et si je me trompais? Si c’était vraiment uniquement des femmes qui avaient répondu à ce sondage? Le doute s’empare de moi surtout quand je lis que l’amour et la famille obtiennent une majorité écrasante sur les autres priorités des femmes. Sur ce point, il n’y a que des femmes pour être aussi espérantes et persévérantes dans les relations amoureuses. Quand on rencontre une femme, on sait si elle a des enfants dans la première demi-heure de la rencontre, si ce n’est dans les cinq premières minutes, photos à l’appui. Mais on peut être des années à côtoyer un homme sans savoir qu’il a un ou des enfants quelque part dans la nature. (C’est à peine si on réussit à savoir au bout d’un mois qu’il a une femme, alors…)

Mon doute grossit quand je lis que les femmes perçoivent leurs priorités personnelles comme étant celles de l’ensemble des femmes. Il n’y a que des femmes pour penser comme ça. Ma mère était une fervente adepte de cette pratique contorsionniste qu’elle avait élevée au rang de religion. Ses priorités devenaient des dogmes auxquels il fallait que je crois sans poser de questions, sous peine de damnation. C’est une tendance encore très féminine. Les femmes sont tellement habituées à l’altruisme, à se mettre dans la peau des autres, si facilement « transexuelles », qu’elles sont les autres. Elles viennent peut-être de faire la même chose dans ce sondage, répondant à des questions qui les concernent comme si elles étaient des hommes?