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Cancer du sein : la face cachée du dépistage précoce

Si les professionnels de la santé cherchent à contrôler la croissance de la tumeur cancéreuse et à prolonger la vie de leurs patientes…

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Après une journée de vélo, Sharon Batt est dans sa douche. En vacances dans le sud de la France, elle pense à la bonne bouffe qui l’attend. Mais voilà qu’elle sent une petite bosse sur le sein gauche. « J’ai tout de suite pensé au cancer… Mais en même temps, je me disais que ce n’était pas possible : j’étais en pleine forme! », raconte-t-elle.

De retour au pays, rendez-vous chez le médecin. A sa grande surprise, la mammographie ne révèle rien. « Ça a été mon premier choc! Je croyais que ça allait me dire, en clair, si j’avais ou non un cancer! » Le chirurgien la rassure — « probablement rien » — mais lui fait passer un nouveau test. Le résultat n’est pas définitif… Une biopsie le confirmera : c’est le cancer du sein. Sharon Batt a 43 ans.

Commence alors pour elle la quête d’information sur la maladie. Mais plutôt que de répondre à ses questions, la recherche soulève de nouvelles interrogations. Beaucoup d’études scientifiques se contredisent. Au fil des lectures, elle découvre la face cachée de ce mal pernicieux. « Avec les campagnes de sensibilisation, on avait donné à la maladie une image très positive. C’était presque un cadeau d’avoir le cancer du sein! Jamais on ne parlait des morts. Et pourtant… » laisse-t-elle tomber, l’air grave. En 1996, 5 300 Canadiennes, dont 1 450 Québécoises, ont succombé des suites du cancer du sein.

Contre le statu quo

Sharon Batt, elle, a survécu. A coup de séances de radiothérapie et de chimiothérapie. Neuf ans après le diagnostic, elle poursuit sa lutte contre le cancer du sein : mais cette fois-ci, en bonne journaliste qu’elle est, sur le front de l’information. Son but : remettre en question les vieux diktats du dépistage précoce et des traitements préventifs. Et obtenir plutôt qu’on développe la recherche sur les causes du cancer et les moyens de le prévenir.

« Moi aussi, j’ai cru que le dépistage précoce était la solution, que les traitements étaient très efficaces. Mais les discussions avec mon médecin m’apportaient un autre éclairage. On n’a jamais de garantie! »

En fait, le dépistage précoce n’est pas aussi précoce que l’on serait tenté de le croire! Une tumeur peut évoluer pendant huit ans avant d’apparaître à la mammographie et dix ans avant d’être palpable. « Certaines femmes croient que c’est une bonne chose d’avoir régulièrement une mammographie. Mais c’est vraiment inutile pour des femmes âgées de 30 ou 35 ans qui ne chercheraient qu’à se rassurer… Il ne faut pas oublier que les rayons X augmentent le risque de cancer du sein chez les plus jeunes. » La mammographie n’est pas un examen qu’on doit prendre à la légère. D’autant plus que les erreurs de diagnostic sont fréquentes chez les moins de 40 ans; à la radiographie, les tissus du sein des femmes préménopausées sont denses et glandulaires et peuvent masquer un cancer.

D’ailleurs, bon nombre d’associations médicales ne sont pas en faveur des programmes de dépistage chez les femmes préménopausées de moins de 50 ans, sauf pour celles qui présentent un risque élevé. C’est cette approche qu’a retenue le gouvernement du Québec qui mettra en place son propre programme au cours de l’année 1997.

Sharon Batt le rappelle inlassablement : le dépistage précoce n’est pas une fin en soi. Surtout, cet outil peut être un couteau à double tranchant. En fait, la mammographie détecte des « cancers au stade 0 » chez plusieurs femmes. Elles sont alors traitées comme des patientes atteintes de cancer même si les médecins ignorent si ces tumeurs vont éventuellement dégénérer en cancer. Sharon Batt cite à ce propos la réputée spécialiste américaine Susan Love qui estime que 70 % des « cancers au stade 0 » n’évolueraient pas.

La santé des femmes à grands traits

  • Les Québécoises vivent de plus en plus longtemps : leur espérance de vie à la naissance est l’une des plus élevées au monde, soit 81,1 ans.
  • La mortalité par maladies de l’appareil circulatoire constitue la première cause de décès chez les femmes (comme chez les hommes). La mortalité par cancer du poumon a considérablement augmenté chez les femmes depuis 1970, dépassant même, depuis 1993, la mortalité par cancer du sein qui est en diminution.
  • Les femmes se voient prescrire deux fois plus de tranquillisants que les hommes. Par ailleurs, les femmes en période de ménopause prennent trois fois plus de tranquillisants que les autres.
  • Les femmes en traitement pour alcoolisme ou toxicomanie présentent des profils sociosanitaires plus détériorés que les hommes.
  • Moins d’une femme sur quatre pratique des activités physiques de loisirs de façon active (trois fois par semaine), le taux le plus faible revenant aux femmes de 25-44 ans (17,8 %). Pendant ce temps, la proportion atteint 43 % chez les jeunes hommes (15-24 ans) et 38 % chez les hommes de 65 ans et plus.
  • 40 % des femmes âgées vivent seules : et la plupart s’en déclarent satisfaites!

Les traitements préventifs sur la sellette

Les traitements contre le cancer du sein, on le sait, sont très agressifs : radiothérapie, chimiothérapie, médication, ablation du sein. Et non sans répercussions physiques et psychologiques importantes.

Ce qu’on sait peut-être moins, et Sharon Batt en fait une affaire personnelle, c’est que des femmes s’y soumettent même si le cancer n’est pas encore déclaré. C’est le cas notamment des porteuses du gène BRCA1 qui ont une probabilité de 77 % de développer un cancer du sein avant 60 ans (alors que le pourcentage moyen est de 4 %).

On consacre d’ailleurs beaucoup d’efforts à améliorer les traitements préventifs. Ainsi, trois hôpitaux montréalais participent à une vaste enquête de l’Institut du cancer des États-Unis. On cherche à mesurer l’effet du tamoxifène-le médicament le plus prescrit au monde contre le cancer du sein-chez des femmes en santé mais qui présentent de trois à cinq fois plus de risques de contracter la maladie (en raison de leur âge, de la présence d’un cancer chez leur mère et leur sœur ou encore de l’absence de grossesse avant l’âge de 30 ans). Les premiers résultats seront connus en l’an 2000.

Sceptique face à cette recherche, Mme Batt y voit une manœuvre de marketing pharmaceutique. « Comme drogue de traitement, le tamoxifène a une certaine efficacité, mais ce n’est pas extraordinaire… Alors comme médicament préventif, j’ai des doutes. Et puis, ce n’est pas une drogue sans risque. » Ce médicament fort cher peut notamment accroître les risques de cancer de l’endomètre. « Mais, en même temps, je comprends les femmes porteuses du gène de vouloir faire quelque chose. »

La recherche lorgne aussi du côté de la génétique. Des tests, d’une précision encore relative, ont été mis au point dans l’espoir de déboucher sur un traitement préventif. Dès lors, il devient possible de reconnaître les personnes à risque. Mais que faire avec un tel résultat si on ne sait pas encore comment prévenir le cancer du sein? demande Sharon Batt. Et elle s’inquiète des dérapages possibles : un résultat positif à un tel test

pourrait limiter l’accès à certains droits et privilèges tels que l’assurance, l’emploi et l’immigration, sans compter l’angoisse qu’il soulève.

Non plus patientes, mais partenaires

En dépit de la panoplie de tests et de nouveaux traitements, le taux de mortalité lié au cancer du sein a peu changé au cours des 50 dernières années; à peine commence-t-il à s’atténuer. Et le mal continue de se propager. Au pays, dans les années 60, une femme sur vingt était touchée par le cancer du sein; aujourd’hui, une femme sur neuf risque de contracter la maladie à un moment ou un autre de sa vie.

Malgré l’urgence de la situation, les intérêts économiques et professionnels semblent prendre le pas sur les besoins des patientes elles-mêmes. C’est ce qui a poussé Sharon Batt à revendiquer une meilleure information sur les bénéfices et les risques réels, à court et à long terme, de toute intervention. Plus question de se faire imposer un traitement… « On veut être en partenariat avec les professionnels de la santé, mais il faut dire que leurs intérêts ne vont pas toujours de pair avec les nôtres. C’est très difficile pour beaucoup de médecins. La tradition veut que ça soit eux les experts. Il est vrai aussi que les femmes ont été longtemps passives », explique Mme Batt.

Le lobby politique commence à se manifester : diverses associations, dont le Réseau canadien d’échange sur le cancer du sein, défendent les intérêts des femmes touchées par la maladie. Mais rien encore comparé aux États-Unis où les femmes ont déjà mobilisé l’opinion publique; ainsi, une énorme campagne de lettres a permis l’augmentation substantielle des fonds consacrés à la recherche sur le cancer du sein, incluant 210 millions de dollars provenant du budget de la Défense.

Le mouvement féministe, ici comme ailleurs, force l’exploration de nouvelles pistes en prévention et en recherche. Pour les activistes, dont Sharon Batt, la recherche doit être réorientée vers les causes du cancer du sein. Après tout, on en connaît si peu sur cette maladie. Comment expliquer les taux élevés en Amérique du Nord comparativement à ceux d’Asie, très bas, et des pays méditerranéens, plutôt modérés? « Il faut aller de ce côté, mais il manque de pressions économiques pour qu’on s’engage dans ce genre d’enquêtes », déplore Mme Batt.

Pourtant, si on disposait de telles connaissances, le travail de prévention pourrait se faire, avec plus d’efficacité, bien avant le dépistage précoce. « On pense ici à l’amélioration de l’alimentation, à la promotion de l’exercice physique, à un usage limité des médicaments hormonaux et des radiographies, à l’élimination des substances suspectes dans les milieux de travail et dans l’environnement en général et même à la création de structures économiques pour faire en sorte que moins de femmes se sentent obligées de retarder la maternité », explique-t-elle dans la brochure Nouveau regard sur le cancer du sein.

Si les professionnels de la santé cherchent à contrôler la croissance de la tumeur cancéreuse et à prolonger la vie de leurs patientes-ce qui n’est pas une mince tâche, on en conviendra-, les survivantes comme Sharon Batt, elles, bataillent ferme pour que les femmes atteintes par le cancer du sein, et du même coup toutes les autres, puissent conserver la maîtrise de leur vie et de leur corps.

La jeunesse, c’est la santé?!

  • Après une baisse prometteuse, le tabagisme marque une récente remontée chez les adolescentes (15-17 ans). La proportion des fumeuses régulières chez les jeunes femmes des milieux pauvres est le double de celle des filles de milieux favorisés (40 % contre 20 %).
  • La consommation régulière d’alcool a légèrement augmenté chez les adolescentes depuis 1987. Comparées aux autres femmes, les jeunes (15-24 ans) boivent significativement plus, au-delà du quart d’entre elles ayant une consommation à risque (plus de cinq consommations en une seule fois).
  • Le tiers des 20-24 ans et le cinquième des 15-19 ans ont un poids insuffisant. Malgré ce fait, 40 % des 20-24 ans et 25 % des adolescentes affichant un poids sous la normale veulent maigrir.
  • Les jeunes font une importante consommation d’anovulants (plus de la moitié des 18-19 ans et le tiers des 15-17 ans), même si le recours à cette méthode contraceptive a diminué chez les autres femmes. Plus d’une jeune sur dix qui prend des anovulants n’a jamais passé de test Pap. Parmi les adolescentes qui prennent des anovulants, le tiers sont des fumeuses.
  • Malgré ces données, on note une augmentation des grossesses et des interruptions volontaires de grossesse chez les adolescentes entre 1980 et 1993.
  • 18 % des jeunes femmes auraient des comportements sexuels à risque pour la santé; d’ailleurs, 11 % des jeunes femmes auraient déjà contracté au moins une MTS.
  • Plus les femmes sont jeunes, plus elles sont nombreuses à déclarer avoir déjà subi de la violence de leur conjoint au cours des douze derniers mois.
  • Une adolescente sur deux présente un haut niveau de détresse psychologique.
Source : Ibid.