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À vol d’oiseau

Depuis vingt ans, La Gazette des femmes est un témoin privilégié des mutations de la condition féminine.

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Depuis vingt ans, La Gazette des femmes est un témoin privilégié des mutations de la condition féminine. Témoin des espoirs et des désespoirs, des évolutions et des régressions, des victoires et des défaites. En feuilletant les différents numéros, du plus ancien au plus récent, c’est un peu le portrait d’une époque qui défile sous nos yeux. Avec les extraits qui suivent, nous vous en offrons, en quelque sorte, la palette des couleurs.

Crise d’identité

Une féministe, selon des cégépiennes et cégépiens :

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« C’est un gars ou une fille qui est délicat(e) dans ses mouvements, quelqu’un de doux(ce), une fille qui est habillée très chic, quelque peu maquillée, une personne qui peut aussi être mal habillée, mais qui est sévèrement timide. »

« Elle ne se rase pas les aisselles ni les jambes. Elle refuse l’aide d’un homme si celui-ci l’aide à cause de son sexe. »

« À mon avis, une féministe c’est une petite bornée, une femme qui veut se faire valoir sans qu’elle en soit une. »

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  • « C’est un gars ou une fille qui est délicat(e) dans ses mouvements, quelqu’un de doux(ce), une fille qui est habillée très chic, quelque peu maquillée, une personne qui peut aussi être mal habillée, mais qui est sévèrement timide. »

  • « Elle ne se rase pas les aisselles ni les jambes. Elle refuse l’aide d’un homme si celui-ci l’aide à cause de son sexe. »

  • « À mon avis, une féministe c’est une petite bornée, une femme qui veut se faire valoir sans qu’elle en soit une. »

Chronique de Marie-Andrée Gaboury, (volume 1, numéro 1, septembre 1979)

« Avez-vous remarqué que très souvent, quand on demande à une femme en vue si elle est féministe, elle prendra un soin infini à préciser que si par féminisme on entend telle ou telle chose, alors, elle n’en est pas une, mais que si on entend telle ou telle autre chose, alors là, elle n’a pas honte de l’avouer, oui, elle est féministe. »

Chronique de Jocelyne Lepage (Septembre 1979)

« Si on donne au mot “féministe” sa vraie définition, je suis féministe. Je défends les droits des femmes et j’ai l’intention de le faire avec toutes mes énergies. Mais je me considère comme une modérée. Je crois qu’il y a moyen de faire avancer les choses en y allant d’une façon énergique mais pondérée. »

Monique Gagnon-Tremblay, ministre déléguée à la Condition féminine (Juillet-août 1986)

« Mais d’abord, qui veut être l’égale de l’homme? Vouloir l’égalité des droits est une chose, vouloir singer l’homme — surtout dans ce qu’il a de plus odieux — en est une autre bien différente. »

Monique Bosco, écrivaine, professeure au Département d’études françaises de l’Université de Montréal. (Juillet-août 1980)

« Mais qui, exactement, représente le féminisme? Est-ce que ce sont celles qui écrivent? Les femmes au foyer? Les militantes? Je vous le demande. »

Annie Leclerc, auteure de Parole de femmes et Hommes et femmes (Septembre-octobre 1985)

« Le mouvement féministe est encore trop un club de femmes et je doute qu’il puisse réaliser ses idéaux sans la complicité des hommes. Je rêve de groupes mixtes; je rêve de groupes d’hommes qui discuteraient de leur mère, de viol, d’homosexualité, de leur orgueil de mâle, de leur droit à la paternité et à la vulnérabilité. Je rêve d’une académie féministe qui formerait des Mâles Modèles, d’une année de l’homme où les femmes prendraient la relève dans la gestion de l’État. Je rêve pour eux d’une jupe, c’est si frais l’été! Je rêve… je rêve que les femmes ne sont plus les seules à rêver en couleurs. »

Chronique de Nicole Morisset (Avril 1980)

« Il nous faut dénoncer ces concepts “d’après-féminisme”, de “féminisme d’il y a quinze ans” qui subtilement veulent nous faire croire que le féminisme est fini. On veut associer le féminisme à d’autres mouvements sociaux comme la vague hippie, par exemple. […] Nous devons prendre conscience que toutes ces nouvelles idées à la mode — venues surtout de France — sont une stratégie pour briser la solidarité des femmes. »

Micheline Dumont, professeure en histoire des femmes (Mai-juin 1987)

« Un homme peut-il appuyer les revendications féministes, y en a-t-il qui le font et le font-ils vraiment? […] il ne faut pas se leurrer, les hommes qui appuient les revendications féministes sont rares. La majorité d’entre eux cherchent dans un premier temps à améliorer leur propre sort. C’est-à-dire : se débarrasser du rôle contraignant du mâle tout-puissant, exprimer ses émotions et se rapprocher des enfants. »

Pauline Cyr, journaliste (Juillet-août 1984)

« C’est difficile d’émouvoir les gens, de les rassembler quand il n’y a plus de presse féministe, de magazines féministes. Les magazines féminins sont redevenus ce qu’ils étaient à la pire époque : les trois seuls sujets qu’on y traite sont la séduction, l’obésité, la sexualité. Il n’y a plus de débat d’idées. »

Benoîte Groult, auteure (Juillet-août 1986)

La relève? Quelle relève?

« Je ne vous apprendrai rien en soulignant que nous faisons encore peur à nombre de personnes — hommes et femmes — insécures, inconfortables dans une identité mal définie, qui manquent d’assurance et de pouvoir, réel ou imaginaire. Même si cela a toujours été, il y a, à cet égard, des changements facilement perceptibles chez les hommes et les femmes de plus de 30 ans. Je m’interroge davantage à propos de la relève féministe; est-elle vraiment en place, prête à mûrir? Je me demande parfois si les jeunes, en général plus conservateurs qu’ils en ont l’air, vont reprendre le flambeau. »

Laurette Champigny-Robillard, présidente de l’Office des personnes handicapées du Québec (Mars 1981)

« On n’a pas les moyens de se payer un generation gap et de se retrouver sans relève. Tous les acquis, tous les efforts consentis et qui sont le résultat du militantisme des femmes nécessitent une continuité historique. Le projet féministe est un projet humaniste; il ne peut se permettre de connaître une brisure, il se doit d’être significatif pour les jeunes. »

Francine McKenzie, présidente du CSF (Janvier-février 1985)

« Les femmes réagissent un peu comme dans la période qui a suivi l’obtention du droit de vote. Elles “digèrent”; elles avancent, mais chacune pour soi. Historiquement, on a appelé cette période “le féminisme caché”.Je crois que c’est ce qui arrive en ce moment : on est entré dans une période de féminisme caché! »

Marie Lavigne, historienne et ex-présidente du CSF (Mai-juin 1987)

« Au fond, La Vie en rose a vécu le temps d’une génération, celle des militantes féministes qui ont aujourd’hui 35-40 ans. Que nous réserve la prochaine génération? »

Martine D’Amours, journaliste, ancienne membre du comité de rédaction de La Vie en rose (Septembre-octobre 1988)

Plus ça change …

« [Selon la présidente du CSF, Claire Bonenfant] l’argument de la crise économique et des “inévitables contraintes budgétaires” sert encore trop souvent d’alibi et de voie d’échappement à nos élus politiques, et ne fait pas le poids contre les multiples effets de la discrimination qui pénalisent les femmes. »

Claire Bonenfant, présidente du CSF (Octobre 1982)

« Vont-ils finir par l’inventer? En vaporisateur, en pilule, en gelée ou en onguent, existera-t-il un jour un contraceptif masculin efficace et disponible dans toutes les pharmacies? »

Hélène de Billy, journaliste (Mars-avril 1984)

« Jamais les féministes n’ont dit qu’elles détestaient les enfants et n’en voulaient plus. Elles ne cessent de réclamer des conditions meilleures qui leur permettent d’assumer leurs fonctions de reproduction. »

Michèle Jean, historienne (Mai 1981)

Hors catégorie

« Je suis née morte et il me faut mourir en pleine vie. Il fallait m’incliner, le scan avait parlé. Je n’allais quand même pas vivre ma mort par distraction. […] Il n’y a pas de masque : la médecine a déclaré forfait et je me suis rendue. La volonté acharnée de guérir ferait virer la sérénité de l’abandon en un rictus amer. Mieux vaut la reddition et la paix plutôt que l’agitation belliqueuse et la course frénétique au Steinberg des médecines douces. […]

Plutôt entrer dans ma salle de cinéma privée et me préparer pour le grand “nowhere” muet qui risque de durer beaucoup plus longtemps que la petite vie terrestre. »

Le journal de Francine McKenzie, présidente du CSF, écrit peu avant son décès le 10 juin 1988 (Juillet-août 1988)

« Jeune fille, j’ai pensé que si je n’avais pas le droit de vote, c’était uniquement parce que je n’avais pas 21 ans. Quand mon père m’a dit que je ne pourrais pas voter une fois majeure, je me suis sentie humiliée. D’apprendre que ma mère, une femme si intelligente et cultivée, ne pouvait voter m’a bouleversée. Mon féminisme date de ce jour-là. »

Simonne Monet-Chartrand (Mars-avril 1990)

« Je me présente : Lise B., parente mono. Ça fait cinq ans que j’ai quitté mon stéréo. Il a gardé les meubles et moi, j’ai gardé les enfants. Il devait penser que je pouvais m’asseoir dessus. »

(Mars-avril 1992)

« On dirait que les hommes veulent absolument guérir les femmes d’être clitoridiennes. On leur demande des choses irréalistes : beaucoup de femmes ont un clitoris si éloigné du vagin qu’il est impossible qu’il soit stimulé par simple pénétration. C’est comme si on demandait aux hommes d’avoir un orgasme avec leurs testicules. »

Nicole Saint-Jean (Juin 1981)

« En fait, on ne sait pas grand chose de la sexualité féminine, parce que la femme n’a jamais pu la vivre, parce que ni le rythme ni la manière ne sont les siens. »

Andrée Matteau, psychologue (Juin 1981)

Résultat d’un sondage exclusif sur ce que pensent les hommes après 25 ans de féminisme : 87 % sont d’accord avec l’idée que leur conjointe travaille pour permettre un partage équilibré du budget familial… alors que 41 % de ceux-ci considèrent que les femmes limitent le nombre d’emplois qui leur est disponible (!). « Il est possible que des gars ressentent une grande angoisse à voir le monde changer en faveur des femmes, mais on n’éprouve pas beaucoup de sympathie envers la douleur d’un dominant qui perd ses privilèges. La précarité économique des mères monoparentales est à mon sens un scandale permanent qui mérite plus notre attention que les états d’âme de ces hommes. »

Hervé Anctil, professionnel du ministère de la Santé et des services sociaux. (Septembre-octobre 1998)

« À l’hopital, c’est plein de monde qui ne sont plus garantis. Ça m’encourage. L’urgence est en réparation, comme nous. On est cinquante dans un local qui était anciennement une garde-robe. On me donne un lit, une jaquette et un cruchon pour le test d’urine. (Avoir su que je passerais un test, j’aurais étudié. Mais là, j’ai peur de couler!) J’angoisse, je gèle, j’attends. »

Hélène Pedneault, Chronique Humour (Mars-avril 1997)

Prophéties

« Pour participer à la prise de décision dans l’Église, les femmes doivent avoir accès au sacerdoce. C’est là, en dépit des prises de position minoritaires, une des conclusions essentielles du colloque sur la place de la femme dans l’Église. […] Mais s’embarquer dans une lutte de libération des femmes dans l’Église, c’est s’embarquer pour pas mal longtemps. »

Hélène de Billy, journaliste, (Septembre 1980)

« Bientôt, si rien ne change, les personnes sans revenus et les prestataires d’aide sociale seront les seules à pouvoir bénéficier de l’aide juridique. »

France Paradis, journaliste (Janvier-février 1992)

« De tous les secteurs d’activité économique, c’est le secteur tertiaire qui sera le plus massivement touché par le progrès de l’informatique; le secteur tertiaire où se concentre la main-d’œuvre féminine. Au rythme où va le progrès, 3 emplois sur 10 disparaîtront dans le secteur des bureaux, des banques et autres services où les femmes forment une majorité de 75 %. […] À Bell Canada, l’automatisation a entraîné une baisse d’emplois d’à peu près 50 % en moins de 10 ans : de 13 000 en 1969, le nombre de téléphonistes est passé à 7 400 en 1978 et n’est plus aujourd’hui que de 7 000. »

Michèle Pérusse, journaliste (Septembre-octobre 1983