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Une idée sans égale

Le Québec devrait-il confier à un homme la charge d’un éventuel ministère de l’Égalité ? Pas sûr, pas sûr, répond le chroniqueur…

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Le Québec devrait-il confier à un homme la charge d’un éventuel ministère de l’Égalité ? Pas sûr, pas sûr, répond le chroniqueur…

Pendant que tout le monde était occupé à faire autre chose, un précédent mondial a été réalisé l’autre jour avec la création d’un ministère de l’Égalité.

« Nous étions déjà la nation la plus téteuse de l’univers en matière de langue de coton, vous savez toutes ces histoires de Canadiens-Canadiennes et de Québécois-Québécoises, de minorités visibles, de personnes éprouvant des difficultés d’apprentissage… Aussi me suis-je dit : “Pourquoi ne pas pousser le maquillage de la réalité un cran plus loin ?” a déclaré le premier ministre lors du passage d’un micro à proximité de lui. En tant qu’homme d’État expérimenté, je sais qu’en politique, il est possible de tout gommer avec des mots. Regardez-moi ça juste un peu : au fil des décennies, le ministère de la Guerre est devenu celui de la Défense, l’assurance-chômage est devenue l’assurance-emploi, l’environnement est devenu le développement durable, le bien-être social est devenu le développement des ressources humaines, un trou au bout du monde est devenu une région-ressource. Ce sont les mêmes maudites affaires, mais avec de plus belles expressions, on peut injecter de la positivité dans le-la citoyen-citoyenne et faire en sorte qu’il-elle se plaigne moins. »

Selon les termes mêmes de l’avis de constitution du ministère de l’Égalité, sa tâche consistera « à faire en sorte que tout soit le plus égal possible alors que nous souffrons cruellement d’inégalités ». La nature des inégalités en question n’est cependant pas précisée. « Pourtant, il est très clair dans mon esprit que l’inégalité touche tout ce qui n’est pas égal, n’a de son côté pas précisé le nouveau ministre de l’Égalité. Mais corriger l’inégalité sera un long processus. Attendez-vous pas à ce que tout soit égal demain matin, là. »

Pour donner de l’allant au ministère de l’Égalité, le premier ministre a tenu à nommer à sa tête un homme d’une cinquantaine d’années aux tempes légèrement grisonnantes ayant une certaine aisance financière et une collection enviable de vestons-cravates aux teintes sobres. « Cela nous permet d’éviter les protestations de tous les groupes qui se croient victimes d’inégalité et qui, si on créait un ministère consacré à la “désinégalisation” d’un seul de ces groupes, crieraient que ce n’est pas juste. Grâce au ministère de l’Égalité, tout le monde est maintenant égal, y compris les inégaux, a dit le ministre. Bien sûr, il s’en trouvera pour critiquer le fait que je suis bien mal placé pour connaître l’inégalité. Au contraire. Je ne suis pas arrivé si haut dans les sphères du pouvoir sans me servir de l’inégalité en chemin. Vous savez ce qu’a dit George Orwell : “Certains sont plus égaux que d’autres.” Mais ils sont égaux quand même, et c’est un bon départ, je trouve. »

Selon des sources, l’accès à une réelle égalité coûtera cher, et le gouvernement n’a pas d’argent, enfin pas pour ça. « Nous devrons être créatifs, a poursuivi le ministre. Ce qui signifie qu’il ne se passera probablement pas grand-chose mais que nous aurons une excellente explication pour notre inertie. »

Et quel sera le premier geste du ministre de l’Égalité ? « Pour vous montrer à quel point je suis fait pour ce poste, ça m’est complètement égal », a-t-il conclu avant d’aller participer à un dîner à 1 000 $ le couvert où il devait prononcer une allocution intitulée « L’égalité désigne aussi un match nul, et dans un match nul, tout le monde peut parler de victoire morale, ce qui devrait nous réjouir tous et toutes ».

Chroniqueur vedette du quotidien Le Devoir, Jean Dion a un credo aussi inclassable que lui-même : « J’écris n’importe quoi, mais pas n’importe comment. »