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Filles et science: une question de chimie

Dès le début du secondaire, les filles manifestent moins d’intérêt pour la physique que les garçons, même si elles obtiennent des résultats semblables. Doit-on dès lors repenser l’enseignement des sciences ?

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Dès le début du secondaire, les filles manifestent moins d’intérêt pour la physique que les garçons, même si elles obtiennent des résultats semblables. Doit-on dès lors repenser l’enseignement des sciences ? « On enseigne actuellement la physique avec des exemples qui plaisent aux gars, constate Claire Deschênes. On parle de moteurs et de sports, mais on pourrait apprendre les mêmes bases avec des exemples en santé, en art ou en environnement; des domaines qui rejoignent aussi les filles. » La Chaire CRSNG/Alcan pour les femmes en sciences et en génie a conçu un site Internet (Faculté des sciences et génie de l’Université Laval) pour les enseignants et les élèves des cours de sciences physiques en quatrième et cinquième secondaire. Dans le but d’intéresser les filles, la matière y est présentée avec des exemples différents de ceux des manuels scolaires. À quoi correspond le 0,08 de l’alcootest? Comment les oiseaux s’orientent-ils ? Pourquoi les sables deviennent-ils mouvants ? Ces questions permettent d’expliquer aux jeunes des notions aussi fondamentales que le calcul des concentrations dans les solutions, l’existence d’un champ magnétique terrestre ou le changement de viscosité de certains sols soumis à une contrainte. Les filles ont encore plus besoin que les garçons d’ancrer des concepts dans le quotidien, explique Monique Frize : « Quand je parle des carrières en génie aux filles de 14-15 ans, je raconte l’histoire d’un bébé du Nunavut gravement malade, qui doit être transféré d’urgence dans un hôpital de Montréal. Je leur explique le rôle des ingénieurs dans le transport, dans les communications et dans les équipements utilisés pour maintenir le bébé en vie. Et, à chaque fois, ça suscite une avalanche de questions! » « En mathématiques non plus, la créativité n’est pas encouragée dans la façon d’enseigner », déplore Louise Lafortune, une mathématicienne de formation qui enseigne au Département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Selon elle, on n’incite pas assez les élèves à exprimer leur démarche mentale dans la résolution du problème. Les filles, plus enclines à l’introspection, y trouveraient du plaisir. Louise Lafortune a d’ailleurs écrit deux courts romans mathématico-philosophiques pour amener les jeunes, en particulier les filles, à apprécier cette discipline et à se poser des questions inusitées. Alors, le nombre de grains de sable qui existent dans l’Univers est-il infini ou indéfini? D’autres initiatives pédagogiques visent à rendre l’informatique plus attirante pour les filles, qui représentent seulement 28 % des inscriptions au baccalauréat dans ce secteur. Des chercheurs de la Chaire CRSNG/IBM des universités de Colombie-Britannique et du Yukon ont conçu un jeu informatique, le Virtual Family Program, pour initier les jeunes de 12 à 16 ans — surtout les filles — à la programmation informatique. Le Virtual Family Program a incorporé des éléments de jeu vidéo qui plaisent aux adolescentes, comme les dialogues et des personnages bien caractérisés. Tous les membres de la famille virtuelle sont des personnages de bandes dessinées dont il faut programmer les actions en Java. Le logiciel est conçu de telle sorte que les séquences d’action peuvent être très facilement modifiées par l’addition d’une ligne de code ou de séquences déjà codées. Il montre aux jeunes filles à quel point programmer peut être amusant.

Formule d’avenir

Rien qu’en 2003, deux organisations — l’une pour la francophonie canadienne, l’autre d’envergure internationale — sont nées afin de promouvoir la participation et l’avancement des femmes en science. En octobre dernier, les membres de trois organismes — la Chaire CRSNG/Alcan pour les femmes en sciences et en génie au Québec, le Mouvement international pour les femmes et l’enseignement des mathématiques, et la Chaire Marianne-Mareschal de l’École polytechnique de Montréal pour la promotion du génie auprès des femmes — fondaient l’Association de la francophonie à propos des femmes en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (AFFESTIM). Au menu : la création d’un réseau de tous les organismes qui œuvrent à la promotion des sciences auprès des femmes, la mise sur pied d’un programme de mentorat et la promotion de stratégies innovatrices pour les femmes dans ces domaines. L’an dernier, naissait aussi l’International Network of Women Engineers and Scientists (INWES), une organisation internationale qui regroupe des associations provenant d’une vingtaine de pays, comme l’AFFESTIM et l’Association française des femmes ingénieures. L’INWES représente déjà près de 200 000 femmes. L’objectif? Renforcer les actions de chaque organisme membre, offrir des bourses et partager les connaissances acquises sur la question des femmes en science. La dernière rencontre du comité d’administration d’INWES a eu lieu en Corée, en décembre 2003. « L’une de nos priorités, explique Monique Frize, sa présidente, sera de créer un système pour amener les associations membres qui le veulent à collaborer à des projets d’intérêt commun. » L’organisme compte, entre autres, fonder un programme de bourses pour permettre aux étudiantes d’assister aux conférences internationales d’INWES. Ce ne sont pas les idées qui manquent !