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Patrons, à vous de jouer!

Au cours de la prochaine décennie, la conciliation travail-famille deviendra un enjeu social majeur. Il va sans dire, les patrons devront s’adapter.

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Au cours de la prochaine décennie, la conciliation travail-famille deviendra un enjeu social majeur. Il va sans dire, les patrons devront s’adapter. Les années qui viennent seront marquées du sceau de la pénurie de main-d’œuvre. Pour attirer et retenir des employés qualifiés, les patrons devront donc davantage tenir compte des obligations — et des aspirations — familiales de leur personnel. Devinez qui en sortira gagnant ? Les femmes, au premier chef, soutient le chercheur Daniel Mercure, professeur de sociologie à l’Université Laval. Ce spécialiste des questions liées au travail est persuadé que les entreprises devront rivaliser d’imagination pour élaborer des stratégies visant à rendre plus harmonieux le passage entre le bureau et la maison. Les différentes mesures de conciliation travail-famille — auxquelles les jeunes femmes sont particulièrement sensibles — vont dès lors constituer « des avantages concurrentiels clés au moment du recrutement du personnel », selon le chercheur. S’ils veulent demeurer compétitifs et faciliter le processus de recrutement, les employeurs n’auront pas beaucoup le choix de prendre davantage en considération les attentes des femmes en ce domaine, tranche-t-il, notant qu’on observe déjà une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, conséquence du vieillissement accéléré de la population. « Ils devront inévitablement se réajuster. La question est de savoir s’ils feront les bons choix », ceux susceptibles de convenir à leurs employés des deux sexes à la recherche d’un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. En attendant, les chefs d’entreprise ont du rattrapage à faire, selon lui. Jusqu’à maintenant, ils n’ont pas compris le message, ils n’ont pas fait « une lecture juste des choses » et des réalités qui leur pendent au bout du nez. Car le monde a changé. On ne manque plus de boulot, mais de bras et de cerveaux. Les jeunes qui débarquent sur le marché du travail savent qu’ils peuvent poser leurs conditions. « C’est le jeu de l’offre et de la demande. » Et il jouera en faveur de la main-d’œuvre féminine dans la décennie à venir.

Qualité de vie non négociable

« La famille, la vie de couple et la vie privée sont maintenant des enjeux fondamentaux dans le choix d’un emploi », note le chercheur qui a mené un sondage sur le sujet en décembre 2006, dans le cadre d’une vaste étude, L’Éthos du travail au Québec, c’est à-dire la valeur accordée au travail dans notre société. Il a découvert que de nos jours, lorsqu’ils doivent choisir un emploi, la priorité des 25-44 ans — donc des personnes en âge de procréer — est la qualité des horaires de travail. Surtout chez les couples avec enfants et les chefs de famille monoparentale, cette préoccupation figure loin devant le salaire, la sécurité d’emploi, les avantages sociaux et la possibilité de décrocher une promotion. Les gens veulent passer plus de temps avec leurs enfants, une requête de moins en moins négociable. Si le patronat refuse de s’adapter à cette réalité, de grandes tensions apparaîtront au cours de la prochaine décennie, prédit M. Mercure. Parallèlement, en cette époque de mondialisation, de compétitivité et de raréfaction de personnel qualifié, les exigences imposées ne cesseront de s’accroître, prévoit-il. Mais cette pression accrue aura un effet positif : les chefs d’entreprise chercheront à garder leur personnel en adoptant des politiques qui permettront de mieux concilier les responsabilités familiales et professionnelles. C’est du moins ce qu’il faudrait faire, croit le sociologue, qui s’appuie sur une enquête menée en 2005 par le Centre d’étude sur l’emploi et la technologie auprès de 6 000 entreprises au Québec. Ce sondage révèle qu’un chef d’entreprise sur deux estime avoir adopté des mesures de conciliation travail-famille dans le passé. Plus troublant encore, cette question se situe au dernier rang des neuf priorités identifiées pour les années à venir. « Tout se passe comme si les entreprises privées considéraient que la question a été largement réglée et qu’il est maintenant temps de s’attarder à d’autres priorités. Elles estiment qu’elles ont fait ce qu’elles avaient à faire », conclut le chercheur. Or, dans leur propre intérêt, les entreprises devront faire des efforts supplémentaires, affirme M. Mercure. Seul l’avenir nous dira dans quelle mesure et à quelle vitesse elles démontreront leur volonté réelle de faire concilier deux mondes que tout semble opposer. Et si, pour les femmes professionnelles, syndiquées et celles occupant des emplois spécialisés, tous les espoirs semblent désormais permis, qu’en sera-t-il pour toutes celles au bas de l’échelle, qui doivent se contenter du salaire minimum ?

Le couple et les enfants d’abord

Lors d’un sondage téléphonique mené en décembre 2006 dans le cadre de la vaste recherche L’Éthos du travail au Québec, 1 000 adultes ont répondu à des questions portant sur la hiérarchie des valeurs liées au travail. Voici ce qui est ressorti de cette enquête. Concernant la sphère d’activité la plus importante, chez les 25-44 ans, la famille et la vie de couple viennent au premier rang pour 93,9 % des couples avec enfants, 87,8 % des chefs de famille monoparentale et 80,4 % des couples sans enfants, loin devant le travail, les loisirs et les engagements sociaux ou communautaires. Quand vient le temps d’identifier quels éléments priment dans le choix d’un emploi, l’horaire de travail figure en tête chez les chefs de famille monoparentale (63,3 %), les couples avec enfants (59,6 %) et même les célibataires (45,4 %), devant le salaire, les avantages sociaux, la sécurité d’emploi, la possibilité d’obtenir une promotion et la charge de travail.