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Rêver mieux

Plus ça change, plus c’est pareil : télé, BD et films nous mitraillent d’images de pitounes et de filles …

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Plus ça change, plus c’est pareil : télé, BD et films nous mitraillent d’images de pitounes et de filles qui jouent les seconds rôles, quand elles ne sont pas trop occupées à se demander quel vernis à ongles porter. L’heure est à la riposte, même si elle est encore timide. Les produits culturels n’ont jamais été aussi abondants et faciles d’accès, surtout pour la jeune génération, née avec une souris au bout du doigt et le « World Wide Web » tatoué au cœur. Ce grand échange culturel cyberspatial est merveilleux à bien des égards. Mais malheureusement, le flot de produits qu’il engendre transmet encore et toujours des stéréotypes parasites dont on croyait s’être débarrassés pour de bon. Force est de constater que les gars tiennent encore le haut du pavé. On les retrouve en héros dans nombre de films, de livres, de dessins animés. Ce sont des leaders futés, musclés et courageux. Les filles, elles, les admirent, patientes, naïves, douces… quand elles ne sont pas à demi déshabillées en train de se trémousser dans un vidéoclip à la limite de l’obscénité.

Attention: bombardement!

Une petite heure passée devant le téléviseur peut assurément donner quelques maux de tête. À MusiquePlus, dans la téléréalité La Prochaine Pussycat Doll, de jeunes chanteuses très sexy se disputent une place au sein d’une troupe de cabaret striptease aujourd’hui convertie en groupe de chanteuses pop. Des gars aux gros bras retapent de vieilles minounes dans Pimp mon char. Pendant ce temps-là, à Télétoon, le dessin animé Les Bratz nous présente quatre filles totalement obsédées par leur corps et par le magazine féminin qu’elles concoctent. Elles nous accueillent d’ailleurs sur leur site Internet avec cette réflexion : « Patiente un tout petit peu, ça prend du temps d’être aussi belle ! » Au dépanneur du coin, les tablettes débordent de magazines pour adolescentes où il n’y en a que pour le corps, l’apparence et les gars : comment plaire aux garçons en 10 étapes, comment réussir son maquillage de star… Que de questions existentielles ! Et côté pub, les gars ont droit à la totale : femme nue couverte de sushis « bien roulés » et déesse aux courbes surréelles vantant les bienfaits d’une boisson énergétique glissée dans son slip. Ouf ! Ces modèles laissent pantois, surtout quand on sait qu’ils sont destinés à des jeunes en train de construire leur identité personnelle et sociale. À l’adolescence, les marques de vêtements portées, la musique qui remplit les iPod et les émissions de télévision regardées nourrissent le besoin de s’identifier à un groupe et participent au développement de l’individu. Il suffit de flâner devant une école secondaire à la fin des classes pour voir déambuler de petits clones des Christina Aguilera et Beyoncé de ce monde. Cette imitation de l’image laisse supposer une imitation sexuelle encore plus préoccupante. Dois-je vraiment faire ce que je vois à la télévision pour être aimée, pour être populaire ? En ce sens, ne faut-il pas s’inquiéter de certaines modes ? Par exemple, l’avènement des mangas, ces petites bandes dessinées japonaises violentes et parfois carrément pornographiques. Les chiffres de ventes des fameux mangas font sourciller. En France, un adolescent sur deux âgé de 9 à 13 ans en lit. Au Québec, le mouvement — bien que plus marginal — prend de l’ampleur et les « mangaphiles » se multiplient. Que retrouve-t-on plus souvent qu’autrement dans ces BD ? La sempiternelle image de la femme-enfant aux grands yeux ou celle de la femme sexy aux courbes surdimensionnées prête à répondre à tous les fantasmes de ses acolytes masculins. Sans compter la représentation caricaturale des rapports hommes-femmes qu’on y fait. Et tout ça se trouve dans la section jeunesse des bibliothèques de quartier, entre Babar et Caillou !

La contre-attaque

Faire disparaître les stéréotypes ne veut pas dire éliminer les valeurs propres à l’adolescence : importance de l’image, de l’amour, de la gang, de l’amitié, des secrets… Il y a cependant moyen de représenter ces valeurs autrement. Certains créateurs le font, et de très belle façon. Par exemple, Mariane, personnage haut en couleur de la populaire émission Ramdam à Télé-Québec, est folle de mode. Plutôt que d’en faire une victime de la mode, les auteurs ont développé un personnage débordant d’imagination qui crée ses propres looks, par ailleurs souvent copiés dans les écoles du Québec. Mariloup Wolfe, qui interprète Mariane, se fait elle-même un point d’honneur de porter des vêtements originaux, uniques et féminins sans être vulgaires, consciente de l’influence qu’elle peut avoir sur les jeunes téléspectateurs. Dans la catégorie « On casse les stéréotypes », plusieurs produits culturels made in Québec méritent un prix. On sent que chez nous, les créateurs de séries, de films ou de romans jeunesse se creusent les méninges pour inventer des histoires qui évitent les clichés et le piège de la facilité. On n’a qu’à penser aux émissions diffusées à VRAK.TV comme Il était une fois dans le trouble, R-force, Dans une galaxie près de chez vous, aux séries littéraires comme Amos Daragon et aux fabuleux films de la série des Contes pour tous de Rock Demers, où les filles occupent enfin la place qu’elles méritent. Même quand on suit la fameuse recette lucrative du teen movie à la sauce hollywoodienne, comme ce fut le cas avec le film À vos marques…party !, on étoffe la formule en ajoutant quelques nuances aux personnages. Abattre les stéréotypes, c’est une façon de faire. Mais on peut aussi les exacerber, les exagérer pour en montrer tout le ridicule et l’insignifiance. C’est ce chemin que deux créateurs sherbrookois de bande dessinée, Delaf et Dubuc, ont décidé d’emprunter en créant la série Les Nombrils, qui fait un véritable malheur ici comme en France. L’extrême superficialité et l’hypersexualisation de Vicky et Jenny — les deux personnages principaux — et leur cruauté envers Karine — leur faire-valoir — amènent le lecteur à réfléchir à ces questions délicates, et ce, en se dilatant la rate. Que rêver de mieux ? Oh, bien des choses encore… Des princesses charmantes sauvant des orphelins sans défense. Des magazines pour adolescentes traitant d’environnement et d’enjeux sociaux. Des rappeurs au cœur tendre… D’autres idées ?