Aller directement au contenu

Le vaccin aux mille vertus

Plus de trois ans après sa mise en marché, le vaccin contre le VPH fait encore parler de lui.

Date de publication :

Auteur路e :

Plus de trois ans après sa mise en marché, le vaccin contre le VPH fait encore parler de lui. Cette fois, en partie à cause des garçons…

Abby Lippman, épidémiologiste et professeure à l’Université McGill, avait protesté haut et fort, en septembre 2007, lorsque le gouvernement du Québec avait annoncé une campagne de vaccination massive contre le virus du papillome humain (VPH) auprès des jeunes filles. Un vaccin censé prévenir le cancer du col de l’utérus, le deuxième cancer le plus fréquent chez les femmes de 20 à 44 ans. Dans le concert d’appuis au vaccin ayant émané de la communauté médicale, les voix d’opposition avaient été quelque peu noyées, voire discréditées.

Des instances de santé publique avaient même accusé Mme Lippman de mettre la santé des fillettes canadiennes en péril, après qu’elle eut signé un argumentaire contre le vaccin dans le journal du Collège des médecins de famille du Canada, en 2008 (voir « Un automne piquant », Gazette des femmes, nov.déc.2008, p. 14). Lors d’un entretien récent dans son bureau, la professeure tenait des propos plus nuancés : « Je n’ai aucune idée si le vaccin est bon. Il n’est sans doute pas trop mal. »

Mais des incertitudes importantes demeurent concernant la durée de son efficacité et ses répercussions à long terme. Et Mme Lippman est loin de faire cavalière seule.

L’omnipraticien et écrivain français Martin Winckler (Marc Zaffran de son vrai nom), médecin invité au Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal et auteur du populaire roman Le choeur des femmes (Éditions P.O.L., 2009), est aussi de cet avis. Récemment, il renvoyait les lecteurs de son blogue à La piqûre de trop? (Xénia, 2010), un ouvrage écrit par un gynécologue et une journaliste suisses et préfacé entre autres par Lippman, qui révèle de nouveaux éléments non communiqués au grand public. « La vaccination contre le VPH est hautement discutable […] car les fabricants n’ont pas démontré que le vaccin prévient le moindre cancer. Ils ont juste montré qu’il immunise contre deux virus potentiellement cancérigènes. Ce qui est mince. […] Les cancers du col sont causés par de nombreux cofacteurs autres que le VPH, ce qui explique qu’ils sont bien plus fréquents (et frappent majoritairement) dans les pays en développement », écrit Winckler sur son blogue (blogue de Martin Winckler).

Singulièrement, fait-il remarquer, la Finlande n’a pas déployé de campagne de vaccination contre le VPH, puisqu’elle a jugé que le dépistage organisé du test de Papanicolaou (ou « Pap test ») était assez fiable pour prévenir le cancer du col de l’utérus, dont le nombre de cas a par ailleurs beaucoup diminué au pays. « Les autorités finlandaises ont donc conclu que le vaccin était superflu, surtout en l’absence de données convaincantes sur son innocuité. »

Ici, c’est tout le contraire. En avril, le vaccin a été approuvé par Santé Canada pour les femmes jusqu’à l’âge de 45 ans. Même que la couverture vaccinale pourrait s’étendre chez l’autre sexe. Début 2010, Santé Canada a en effet autorisé l’utilisation du vaccin Gardasil chez les garçons et les hommes âgés de 9 à 26 ans pour prévenir certaines infections comme le cancer de l’anus et les cancers oropharyngés (parmi lesquels on trouve le cancer des amygdales, des glandes salivaires, de la langue et de lagorge), puisque des traces de VPH ont été observées chez les personnes qui en sont atteintes. Et le nombre de ces cancers serait en forte hausse.

Pour Martin Winckler, la place qu’occupent les cancers oropharyngés dans les médias depuis quelques mois est l’effet d’une réplique de l’industrie pharmaceutique aux résistances de la population et de nombreux scientifiques à la vaccination contre le VPH. Comme il le démontre, si vacciner les garçons n’est pas jugé efficace contre le cancer du col de l’utérus des filles, compte tenu du coût du vaccin et du fait qu’une grande majorité de filles sont vaccinées 1, reste la logique de persuasion reposant sur les cancers oropharyngés… En dépit de leur faible nombre (1,87 homme américain sur 100 000) et d’une protection pas encore démontrée.

Quant à leur explosion, elle est « toute relative […]. D’après le très sérieux British Medical Journal, aux États-Unis, entre 1999 et 2006, l’incidence de ces cancers chez les hommes a augmenté de 22 %, c’est-à-dire que le nombre de cas est passé de 1,53 à 1,87 cas pour 100 000 hommes! » écrit encore Martin Winckler. Une information spectaculaire qui profite à qui? se demande le médecin.

De son côté, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec précise, dans un document questionsréponses sur le VPH publié à l’automne 2010 : « Il n’existe toujours aucune preuve que la vaccination des garçons puisse prévenir le cancer du col chez leurs partenaires féminines. Les études sur ce sujet se poursuivent. Des comités d’experts devront se prononcer sur les bénéfices de la vaccination des garçons contre le VPH. »

Quant à la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, elle réitérait en octobre 2010 — conjointement avec d’autres associations de médecins spécia listes — l’importance de prévenir le cancer du col de l’utérus par l’accès à la vaccination associé à des tests Pap réguliers. Le communiqué, publié dans le sillage d’un sondage réalisé par Léger

Marketing auprès de Canadiennes âgées de 18 ans et plus grâce au soutien financier de GlaxoSmithKline, faisait entre autres ressortir que 9 Canadiennes sur 10 n’étaient pas vaccinées contre le VPH, que près de 20 % des jeunes femmes avaient déjà reçu un résultat anormal au test Pap et que la vaccination pouvait réduire le nombre de cas de cancer ainsi que le nombre de résultats anormaux. D’où l’importance, précisaient les auteurs du communiqué, d’éduquer les jeunes femmes et d’écarter les obstacles à la vaccination, comme celui lié au coût,là où le vaccin n’est pas payé par l’État.

L’envers du vaccin

Ailleurs dans le monde, le fameux vaccin soulève des questions… et des inquiétudes. En avril 2010, le ministre indien de la Santé a annoncé l’arrêt d’un projet pilote de vaccination. Le programme était accusé d’avoir entraîné la mort de plusieurs fillettes qui avaient été vaccinées contre le VPH sans l’autorisation de leurs parents, entre juillet 2009 et janvier 2010.

En début d’année, La Presse rapportait que deux vaccins (Gardasil et Cervarix) administrés massivement aux jeunes Québécoises pour prévenir le cancer du col de l’utérus venaient d’être placés sur une liste de 59 produits de santé sous surveillance par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Comme le soulignait Martin Winckler dans une entrevue accordée à la Gazette des femmes (janv.févr. 2010, p. 32), « il ne faut pas se soumettre à l’autorité, en médecine encore moins qu’ailleurs. Si un médecin a de bonnes raisons de vous faire quelque chose, il faut qu’il le justifie, et vous êtes en droit d’obtenir une justification qui vous satisfait et qui n’est fondée ni sur l’autorité, ni sur le terrorisme, ni sur le mépris, ni sur le silence ».

Morale de cette histoire? Posons des questions avant de relever les manches de nos filles… ou de nos garçons.

  1. 1Une grande majorité de filles sont vaccinées

    En juillet 2010, La Presse canadienne rapportait sur Cyberpresse que le Québec avait atteint l’un des plus forts taux de vaccination contre le VPH dans le monde, avec une couverture vaccinale de 80 % des jeunes filles. En Ontario, le taux est de 50 %. Pour la campagne 2009-2010, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec estime la couverture vaccinale à 76 % des filles, tant au primaire qu’au secondaire.