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Pourquoi l’Afrique?

Après des années de cours, de discussions et de lectures sur les femmes africaines…

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Caroline, à l’aube de sa carrière, et Gilles, à la fin de la sienne, nous répondent.

Pour comprendre par moi-même par Caroline Messier-Bellemare

Après des années de cours, de discussions et de lectures sur les femmes africaines, j’ai senti le besoin de savoir si tout ce qu’on racontait sur elles était vrai. Je voulais comprendre par moi-même.

Un baccalauréat en psychologie en poche et une maîtrise en sexologie en cours, je suis partie en avril dernier séjourner 15 semaines au Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest.

Mon premier stage a été convenu avec Étudiants sans frontières, un programme parrainé par le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI) et Uniterra. Mon mandat consistait à réaliser une recherche évaluant les connaissances des populations rurales burkinabées en matière de VIHsida. Pour mener l’étude à terme, j’ai dû interviewer une trentaine de villageois, démarche fort édifiante sur les plans culturel et anthropologique. Me sentant d’abord impuissante vu mon incompréhension de la langue moré, j’ai dû apprendre à penser autrement. Fini le décodage des sons embrouillés qui s’entrechoquaient à mes oreilles, il fallait mettre à profit mes autres sens pour comprendre ce que ces voix racontaient véritablement. Regarder, sentir et goûter sont alors devenus des outils indispensables à ma communication efficace avec ces populations.

Par la suite, je me suis rendue dans la capitale du pays, Ouagadougou, afin de travailler sur un programme d’inter­vention en santé sexuelle avec des prostituées et leur clientèle, la nuit, aux abords des haltes routières. C’est Oxfam-Québec qui m’a permis de vivre cette expérience de terrain absolument inouïe. Encore une fois, j’ai vite compris que je devais modifier mon schème de pensée si je voulais arriver à aider quelqu’un. Pour cela, j’ai dû laisser le pourquoi dans mes livres d’université et m’attaquer au comment, rapidement ! Sensibiliser ces femmes à l’importance de leur santé était selon moi la première nécessité, et c’est sur ce plan que j’ai tenté de leur apporter mon soutien.

La réalité de ces régions du monde étant bien différente de celle de l’Occident, j’ai pu constater l’ampleur du fossé économique qui sépare les plus pauvres des mieux nantis. Une inégalité qui laisse certes un goût très amer en bouche, mais qui pousse aussi à saisir que derrière cette grande pauvreté économique se cachent des richesses sociales inestimables. Parmi ces trésors, les femmes. Toujours fières et bien mises, elles gardent la tête haute et parlent avec beaucoup d’espoir de leurs enfants qui, un jour, deviendront médecins…

L’Afrique m’a appris que ce n’est pas dans la pitié ou la frustration qu’on améliore les choses, mais que c’est plutôt l’équilibre et la sagesse qui mènent au véritable changement. La sagesse de reconnaître que notre pouvoir est limité et qu’on ne peut pas tout comprendre. Celle de respecter véritablement la différence. Celle enfin de ne pas baisser les bras, mais d’arriver seulement à les lever avec un espoir tangible, plutôt qu’avec la rage de l’injustice dans les yeux.

Je retourne en Afrique l’été prochain. Je participerai alors à la réalisation d’un film documentaire portant sur l’usage du préservatif chez les jeunes adultes de Dakar, au Sénégal. Mes valises sont déjà prêtes !

Pour enseigner encore et toujours par Gilles Dumoulin

J’ai pris ma retraite de l’enseignement en 2002. Depuis longtemps, je voulais vivre de nouveaux défis. J’ai choisi de le faire avec le programme Éducateurs sans frontières de la Fondation Paul Gérin-Lajoie.

Je suis parti en 2005 au Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest, pour être coordonnateur et coopérant volontaire. Mon mandat consistait à former un mentor, c’est-à-dire une personne retraitée de l’enseignement comme moi qui, à son tour après mon départ, accompagnerait des enseignants dans la recherche de solutions réalisables et adaptées à leur contexte. En Afrique, tous les cours sont magistraux. Les enseignants parlent toute la journée et l’apprentissage se fait par la répétition. Pour le maître, un élève n’a pas le droit de ne pas savoir. Si c’est le cas, on considère qu’il n’écoute pas ou qu’il est paresseux. Le travail du mentor vise à amener l’enseignant à se questionner sur sa façon de penser et sa manière de faire.

Dès ma sortie de l’aéro­port à Ouagadougou, un grand monsieur vêtu d’un boubou et coiffé d’un bonnet m’a crié : « DUMOULIN ! » Tout le Burkina Faso a dû l’entendre ! C’était Saïdou Ouédraogo, le directeur provincial de l’ensei­gnement de base et de l’alphabétisation. Tout un accueil ! J’ai ensuite rencontré Madeleine Zango, celle que j’allais parrainer. Devenue veuve à 39 ans (au Burkina, l’espérance de vie est d’environ 45 ans et la moyenne d’âge de 25 ans), cette mère de huit enfants a été enseignante et directrice.

Lorsque je suis entré dans la classe de première année à l’école Bangr Nooma, 82 paires de petits yeux blancs sur des visages noirs se sont illuminées. Tous les enfants se sont levés en disant : « Bonjour, monsieur ! » J’ai instantanément oublié la chaleur ! Ils sont devenus ma principale source d’énergie et d’inspiration.

Au Burkina Faso, des bâtiments en béton avec un toit de tôle hébergent les écoles. Les fenêtres, sans vitres, ont des volets en métal pour laisser passer l’air… et la poussière. Les tableaux sont hors d’âge, les planchers crevassés et les murs lézardés. Pas d’eau courante, donc pas de toilettes…

Mon expérience en Afrique fut un travail ardu, intense et constant, mais vraiment satisfaisant. Une expérience ponctuée de quelques bières Flag prises avec des amis dans un maki (buvette) le long de la goudronnée (route asphaltée). Une expérience inoubliable d’apprentissage et de remises en question. Pour les Burkinabés, l’important, ce sont les relations humaines. Chaque matin fusent les « Comment vas-tu ? » et les « Comment va ta famille ? » Ils étaient reconnaissants du fait que j’aie laissé les miens pour venir en Afrique.

Juste avant mon départ, j’ai reçu un appel de Saïdou et je lui ai demandé pourquoi il n’était pas là. « Dumoulin, les séparations me font souffrir ! » m’a-t-il répondu. Difficile d’arriver dans un nouveau pays, mais encore plus de le quitter. Ceux que j’ai rencontrés étaient VRAIS, étaient BEAUX. Je suis parti le cœur heureux. J’ai beaucoup donné… et énormément reçu.