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Le feu brûle encore

Elle a beau avoir sept mandats derrière la « cravate », la mairesse de Drummondville n’a rien perdu de son énergie. Irréductible passionnée, Francine Ruest-Jutras …

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Elle a beau avoir sept mandats derrière la « cravate », la mairesse de Drummondville n’a rien perdu de son énergie. Irréductible passionnée, Francine Ruest-Jutras a encore et toujours l’intention de guider sa ville sur les sentiers de la prospérité.

Elle est à la tête de Drummondville depuis maintenant 22 ans. Plus de deux décennies pendant lesquelles elle a jonglé entre une politique familiale, le mieux-être des aînés et la stimulation du secteur manufacturier. Et jamais elle n’a craint de façonner le pouvoir comme elle l’entendait. Entrevue avec la mairesse Francine Ruest-Jutras, qui fut aussi la première présidente de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), de 2002 à 2004, et qui coiffe toujours de nombreux chapeaux.

Gazette des femmes : Comment la politique municipale vous a-t-elle conquise ?

Francine Ruest-Jutras : Un peu par hasard. J’avais un baccalauréat en pédagogie, mais aussi des connaissances en urbanisme. En 1980, le ministre des Affaires municipales d’alors, Jacques Léonard, m’a confié un mandat d’urbaniste; la MRC de Drummond mettait en place une table de concertation en milieu urbain et rural pour établir un schéma d’aménagement. J’ai eu la piqûre. Je me suis rendu compte qu’en politique municipale, on ne s’occupait pas seulement d’infrastructures. Le fait de parler de plan urbain ouvrait des perspectives plus larges, c’est-à-dire comment on imagine nos villes, comment on améliore la qualité de vie des gens… Ce fut pour moi une avenue très stimulante.

En 1983, alors que la plus jeune de mes deux enfants avait 2 ans, j’ai décidé de me présenter comme conseillère. J’ai été élue avec une majorité absolue. Vers la fin de mon mandat, je ne partageais plus la vision et les façons de faire de la Ville; j’ai décidé de me présenter à la mairie plutôt que d’abandonner. J’ai constitué une équipe avec des gens d’horizons très divers. Mon premier slogan était : « Changeons l’image de Drummondville ». À l’époque, nous étions la tête de Turc du magazine Croc, et même L’Actualité avait titré un texte Drummondville, une ville à l’agonie. Notre ville n’était le siège social d’aucun organisme gouvernemental [NDLR : l’Office des personnes handicapées du Québec a établi son siège social à Drummondville en 1978, au moment de sa fondation; son installation au centre-ville s’est toutefois faite de façon graduelle entre 1980 et 1989]. J’estimais qu’il fallait unir nos forces et bâtir sur ce que nous avions. Depuis ce temps, j’ai toujours été réélue.

Quels sont les enjeux que vous souhaitez voir marqués du sceau de vos idées ? En quoi touchent-ils les femmes ?

Le développement de l’économie d’abord. La qualité de vie des hommes tout autant que des femmes passe par le fait d’avoir un emploi; c’est une question de dignité. Il est important de soutenir les initiatives en matière d’économie quand elles sont intéressantes. Nous avons donné une chance à beaucoup d’entreprises qui se sont établies ici. Nous nous sommes aussi dotés d’une politique familiale, avec des services de garde, offrant ainsi la possibilité à plus de femmes d’être sur le marché du travail. Nous menons également de grands dossiers culturels, comme l’agrandissement de la Maison de la culture et le projet de déménagement de la bibliothèque.

Avec l’ajout de près de 18 000 nouveaux citoyens depuis le regroupement de quatre municipalités en 2004, nous souhaitons améliorer les infrastructures sportives. Nous comptons développer le réseau de pistes cyclables et nous avons des projets pour nos centres communautaires. Nous misons aussi beaucoup sur la bonification de nos services de transport en commun. J’exerce un métier dans lequel on ne s’ennuie jamais !

Croit-on à tort que les femmes ne carburent pas au pouvoir et que, pour elles, les stratégies politiques ont une connotation négative ?

Je pense que le pouvoir est utile. Quand on se présente en politique, il est faux de croire que cela ne nous intéresse pas. La différence [par rapport aux hommes], c’est ce qu’on en fait. Pour moi, le pouvoir est un outil qui permet de changer les choses; à mon avis, c’est la raison qui amène les femmes à se lancer en politique municipale. De plus, à ce palier, on constate davantage les impacts de nos décisions, puisqu’on est près des citoyens.

De quels outils disposez-vous pour mener vos campagnes et accomplir votre mission dans le fauteuil de mairesse ?

Je n’ai mené que deux campagnes [mandat de conseillère et premier mandat de mairesse] puisque j’ai toujours été réélue par acclamation ! Dans le cadre de mon travail, je peux compter sur une très bonne équipe au sein de l’organisation municipale. Et j’ai un conjoint qui s’avère un excellent « supporteur », mais qui est aussi critique.

Être une femme vous a-t-il déjà nui à la mairie ou, au contraire, a-t-il déjà constitué un avantage ?

J’ai déjà entendu des commentaires désobligeants à mon égard, mais ça ne m’a jamais nui. D’un autre côté, peut-être que pour certains dossiers, en effet, les femmes font de la politique différemment. Nous avons à la fois le souci du détail et une vision très large des choses : on essaie de mesurer TOUS les impacts d’une décision. Cependant, il est difficile de dire si tout cela est attribuable à notre tempérament ou au fait que nous soyons des femmes…

Je me rappelle qu’un jour, le directeur général de la Ville m’a dit : « On ne sait jamais quelle question vous allez nous poser, alors que les hommes sont plus prévisibles. » Quand j’étais enseignante, j’essayais toujours d’anticiper les questions des élèves; je crois que cela me sert en politique.

Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui souhaitent se lancer en politique municipale ?

Il faut d’abord et avant tout se faire confiance. Ensuite, se bâtir un réseau d’appuis dans le milieu. Il est aussi très important de se doter d’un programme clair : « Voici pourquoi je me présente… Voici ce que je voudrais faire… »

Il ne faut pas craindre le pouvoir et, parfois, il faut user de stratégie pour se trouver des alliés. Les femmes qui travaillent dans le milieu communautaire pourraient profiter de la visibilité dont elles disposent afin d’établir un réseau fort utile pour se retrouver à la table du conseil.

La politique municipale, c’est un pouvoir de proximité : ça concerne le milieu où vos enfants vont à l’école, où vos parents vont vieillir. Si vous voulez changer les choses, allez-y ! Avec la panoplie de responsabilités qui nous incombent, il y aura certainement de quoi vous intéresser. Je n’ai jamais connu un jour d’ennui depuis que je suis en politique municipale !

Francine Ruest-Jutras — EN BREF

  • Née à Drummondville en 1946
  • Enseignante
  • Élue conseillère en 1983 et mairesse depuis 1987
  • Présidente de la Société de développement économique de Drummondville (devenue le Centre local de développement [CLD] en 1998) depuis 1987
  • Préfète de la MRC de Drummond