Aller directement au contenu

L’écoute, une richesse naturelle

Dans la ville minière – et très masculine – de Fermont, la mairesse Lise Pelletier lutte pour la survie de sa communauté. Son arme principale : l’écoute.

Date de publication :

Auteur路e :

Dans la ville minière — et très masculine — de Fermont, la mairesse Lise Pelletier lutte pour la survie de sa communauté. Son arme principale : l’écoute.

Après avoir longtemps contribué au bien-être des enfants, Lise Pelletier s’est mise à l’écoute des besoins des « grands » : elle veille au mieux-être des citoyens de la ville de Fermont, dont elle est mairesse, en plus d’être préfète de la MRC de Caniapiscau. Loin de s’énerver quand elle évoque les soubresauts de la ville minière, elle frôle parfois l’exultation lorsqu’elle raconte sa mission à la tête de Fermont.

Gazette des femmes : Vous avez plongé dans la politique municipale sans expérience ni diplôme. Quel a été votre parcours

Lise Pelletier : En 1983, je suis partie avec mon conjoint pour Québec, où nous sommes restés 12 ans. J’y ai travaillé en garderie, puis dans un YWCA. J’ai toujours voulu m’impliquer bénévolement, mais à Québec, c’était difficile parce qu’il y a moins de bénévoles dans les organismes, qui sont plus gros. Nous avons donc décidé de revenir à Fermont en 1996, où j’ai travaillé comme conseillère pédagogique pour les CPE jusqu’en 2001.

À l’époque, j’entraînais des équipes sportives. Avec une amie, j’avais formé une ligue de hockey féminin et nous avions besoin d’argent pour l’équipement. Nous sommes allées voir le maire. J’ai alors eu l’occasion d’observer le milieu politique. J’ai dit à mon amie : « Pourquoi pas moi ? » Quelques mois plus tard, un siège de conseiller était vacant. Je me suis présentée, j’ai fait du porte-à-porte, de la publicité, et j’ai battu mon adversaire — un homme — à plate couture (il est aujourd’hui conseiller). En 2003, je me suis présentée à la mairie et j’ai battu le maire Robert Bélanger, en poste depuis 1986. Je n’avais même pas de connaissances en politique…

Vous semblez désormais avoir beaucoup d’affinités avec la politique. Qu’en retirez-vous ?

J’aime rencontrer les citoyens, être à l’écoute de leurs besoins et parler avec eux. J’apprends beaucoup sur le terrain. Fermont est un monde d’hommes, ce n’est pas toujours facile. Mais ce que je fais me passionne.

Quels sont les enjeux qui caractérisent votre ville ?

Exister encore est un défi en soi. Fermont est une ville minière. L’avenir se vit au quotidien parce que notre système respiratoire est dans notre sous-sol… Il faut préserver les services à la communauté, malgré les hauts et les bas de la ville. Beaucoup de citoyens ont quitté Fermont au cours des dernières années, alors que d’autres reviennent y travailler pendant l’été. Au début de 2000, nous avons connu un creux, car la mine Québec Cartier n’allait pas très bien. Toutefois, nous avons eu 30 naissances en 2007 et 44 en 2008. Nous voulons aussi améliorer les infrastructures, comme les CPE et le logement social. Nous avons de la difficulté à garder nos médecins, car il n’y a plus de places en garderie pour leurs enfants. Et puis nous n’avons pas de cimetière : c’est un autre défi auquel il faut s’attaquer !

Quelles situations touchent particulièrement les femmes de votre communauté ?

Comme l’industrie minière domine, il y a plus d’hommes que de femmes à Fermont. Les femmes travaillent surtout dans le commerce ou sont en affaires. Quant à celles qui ne travaillent pas, c’est souvent parce qu’elles n’ont pas complété leur 5e secondaire. Il faut être à l’écoute de leurs besoins. Il manque 80 places en garderie. J’ai discuté récemment avec un ingénieur de la Consolidated Thompson [NDLR : la compagnie minière qui exploite depuis peu la mine de fer du lac Bloom, près de Fermont] et il m’a dit : « Ma femme veut travailler, mais il n’y a pas de places en garderie. Pouvez-vous faire quelque chose ? »

De quels outils disposez-vous pour mener vos campagnes et accomplir votre mission dans le fauteuil de mairesse ?

Il y a beaucoup de gens ici qui ont tout un bagage d’expériences et qui sont un peu des mentors pour moi. Je peux discuter avec eux. Je n’ai pas de formation universitaire, mais j’ai suivi différents cours et je lis beaucoup sur le leadership.

Le fait d’être une femme vous a-t-il déjà nui ou, au contraire, a-t-il déjà constitué un atout dans le cadre de votre travail de mairesse ?

Quand je suis entrée en poste, nous étions en crise ici. Le syndicat des Métallos menait la ville. Le président ne me portait pas dans son cœur; je lui ai tenu tête. Je suis une femme qui dérange. Il faut déranger pour faire bouger les choses. Mais il faut expliquer ses actions et ses décisions aussi.

Est-ce que ça m’a avantagée d’être une femme ? Pas nécessairement. Le leadership est différent chez les hommes et les femmes. Il faut simplement faire preuve d’une véritable écoute, à mon avis. C’est une force que j’ai.

Que diriez-vous à une femme qui désire se lancer en politique municipale ?

Avec la passion, on peut faire beaucoup de choses ! Nous, les femmes, manquons souvent de confiance en nous-mêmes, même si nous avons le potentiel pour atteindre nos buts. Il ne faut pas se décourager, et il faut aussi aller chercher l’aide dont nous avons besoin. Puis, une fois en poste, il ne faut pas hésiter trop longtemps avant de prendre des décisions. On peut faire des erreurs, mais on apprend. Je suis parfois revenue sur des décisions que j’avais prises et j’en étais fière.