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Technos : cinq exemples qui prouvent que la norme, c’est l’homme!

Conséquences ordinaires de l’exclusion des femmes de la technologie…

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Les femmes représentent environ 20 % de la main-d’œuvre dans le secteur technologique. On peut donc en déduire que la technologie est conçue par des hommes. Puisque celle-ci touche l’ensemble des industries, j’en conclus que nous vivons toutes et tous dans un monde masculin. Vous trouvez que j’exagère? Pas du tout! J’ai même cinq exemples qui le prouvent.

Avez-vous déjà pris votre téléphone intelligent en vous disant qu’il est bien trop grand pour entrer dans votre poche de jeans? Ou qu’il est difficile d’atteindre le bouton du coin en haut à gauche (si vous êtes droitière)? Vous n’êtes pas la seule. Si mon téléphone n’avait pas une ganse, je serais incapable de le tenir de façon sécuritaire dans ma main.

Fin , Apple annonce la sortie du iPhone XS Max, doté d’un écran de 16,5 cm (6,5 pouces), et en profite pour déclarer que le modèle SE, celui avec un écran de 10,1 cm (4 pouces), ne sera plus produit. Une déferlante de plaintes et de commentaires s’est abattue sur les réseaux sociaux : « Une fois de plus, Apple n’a pas réussi à conserver le seul téléphone qui correspond à la taille moyenne de la main d’une femme. » « Qu’est-ce qui ne va pas chez toi, Apple? Les femmes achètent des téléphones intelligents. En fait, elles sont plus nombreuses que les hommes à se procurer des iPhone. » « Les gars d’Apple, nous savons que vous êtes tous obsédés par la taille. Mais la performance compte aussi. »

Il faut savoir qu’en moyenne, la main d’un homme adulte est environ deux centimètres plus grande que celle d’une femme adulte…

On a pris en considération les besoins masculins en omettant ceux des femmes. On a donc décidé qu’un humain normal était un homme et on a construit un monde sur la base de cette normalité.

Selon l’autrice Caroline Criado Perez, les exemples quotidiens démontrant que nous vivons dans un monde d’hommes ne manquent pas. Elle en donne quelques-uns dans son livre Invisible Women : Exposing Data Bias in a World Designed for Men, publié en . Tous ses exemples ont un point commun : on a pris en considération les besoins masculins en omettant ceux des femmes. On a donc décidé qu’un humain normal était un homme et on a construit un monde sur la base de cette normalité.

Voici cinq conséquences de l’exclusion des femmes de la technologie.

1. Des accidents plus souvent mortels pour les femmes

Une femme impliquée dans un accident de voiture a plus de risques d’être gravement blessée (+47 %) ou de mourir (+17 %) qu’un homme. Les automobiles ont en effet été conçues selon les mensurations masculines moyennes. Le mannequin le plus communément utilisé pour la simulation d’accidents de voiture mesure 180 cm et pèse 80 km, alors que les femmes atteignent généralement 164 cm pour un poids de 66,5 kg.

2. Des assistants vocaux qui ne comprennent pas les voix féminines

La reconnaissance vocale pourrait être une solution aux téléphones intelligents qui ne s’adaptent pas aux mains des femmes. Mais les logiciels qui offrent cette fonction sont souvent biaisés… en faveur des hommes. En mars 2018, Delip Rao, vice-président à la recherche de la Fondation IA, expliquait qu’historiquement, les systèmes de reconnaissance vocale ont toujours moins bien décrypté les voix féminines que celles qui sont masculines. La linguiste Rachael Tatman avance que les femmes ont généralement des voix plus aiguës, ce qui se traduit par un signal acoustique moins fort.

3. Des femmes qui ont souvent froid sur leur lieu de travail

Avez-vous déjà remarqué que, dans les bureaux, les travailleuses demandent souvent de baisser l’intensité de l’air climatisé et leurs confrères, de l’augmenter? Le calcul pour connaître la température optimale de confort est basé sur le taux métabolique d’un homme moyen de 40 ans pesant 69,5 kg. Une étude de  indique que les femmes sont à l’aise à une température variant habituellement entre 24 et 25 °C, soit 2,5 °C de plus que la condition idéale pour leurs collègues masculins.

4. Des sorties dans l’espace pas faciles, faciles… pour les femmes

En octobre 2019, l’humanité célébrait une première mondiale : deux femmes sont sorties dans l’espace en même temps. Mais ça ne s’est pas fait sans accroc. Faute de combinaisons spatiales adaptées aux deux astronautes, il a fallu attendre huit mois pour que l’événement initialement prévu en mars se réalise.

Lorsqu’on construit un monde adapté à la réalité de la moitié de la population, quel message envoie-t-on aux femmes?

Les combinaisons utilisées à bord de la Station spatiale internationale sont à peu près les mêmes depuis leur conception, dans les . À l’époque, la NASA avait prévu qu’elles seraient grandes, une décision qui allait de soi, puisque la plupart des astronautes étaient alors des hommes. Aujourd’hui, l’absence de combinaisons de petite taille empêche des femmes de faire leur travail dans l’espace. Dans l’histoire, seulement 15 d’entre elles ont effectué des sorties extravéhiculaires, comparativement à plus de 200 hommes.

5. Une file toujours plus longue à la salle de bain des femmes

Lors de votre dernière soirée au théâtre, avez-vous noté que la queue est toujours plus longue devant les toilettes des dames que devant celles des messieurs? La raison est simple : les femmes passent jusqu’à 2,3 fois plus de temps que les hommes à la salle de bain. On construit pourtant des espaces de même grandeur pour les deux genres.

Les femmes restent plus longtemps au petit coin parce qu’elles sont plus susceptibles d’être accompagnées d’enfants. Elles peuvent aussi avoir besoin d’aller plus fréquemment aux toilettes si elles sont enceintes ou si, par exemple, elles souffrent d’infections urinaires, ce qui leur arrive huit fois plus souvent que leurs homologues masculins. Au nom de l’équité, les ingénieur·e·s devraient concevoir des salles de bain pour femmes… 2,3 fois plus grandes que celles des hommes!

Lorsqu’on construit un monde adapté à la réalité de la moitié de la population, quel message envoie-t-on aux femmes? Que nous sommes anormales? Que nous devrions être plus conformes aux hommes? Qu’il faut que nous nous adaptions? Cette conception n’a jamais été le fondement de la technologie. Celle-ci existe pour améliorer nos vies. Elle doit être à notre service, et non l’inverse.

Chloé Freslon est fondatrice de URelles, une entreprise dont la mission est d’accompagner les organisations technologiques dans leurs défis de diversité et d’inclusion. Vous avez probablement assisté à l’un de ses panels, lu ses chroniques, écouté le balado qu’elle produit ou entendu ses propos à l’émission Moteur de recherche sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première.