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Causer égalité… à l’ère d’Internet

La Gazette des femmes a récemment discuté avec Christine St-Pierre, la ministre, mais aussi l’ex-journaliste pour qui l’égalité entre les femmes et les hommes …

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La Gazette des femmes a récemment discuté avec Christine St-Pierre, la ministre, mais aussi l’ex-journaliste pour qui l’égalité entre les femmes et les hommes doit pouvoir tirer profit des nouveaux moyens de diffusion de l’information.

Gazette des femmes : La Gazette des femmes célèbre ses 30 ans d’existence. Selon votre perspective, comme ministre de la Condition féminine, quel est le rôle social le plus significatif joué par cette publication gouvernementale ?

Christine St-Pierre : À l’époque, comme jeune féministe, je lisais la Gazette des femmes assidûment. Nous l’avions à portée de la main. C’était — et c’est toujours — un magazine qui se consacrait vraiment à la promotion des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes. J’ai longtemps eu sur ma table, ici à mon bureau, le numéro intitulé Le papa nouveau (juin ), qui illustrait bien comment le congé parental vient aussi toucher les jeunes pères. Les sujets traités dans la Gazette sont intéressants. C’est bien écrit, court, clair et bien présenté. C’est une source d’information importante qui a fait sa place, une publication devenue incontournable. Quand La vie en rose a disparu, il nous restait la Gazette des femmes !

En considérant votre expérience combinée de journaliste et de politicienne, que pensez-vous du mythe très présent dans la société québécoise selon lequel l’égalité des sexes est déjà atteinte ?

Il faut reconnaître qu’énormément de progrès a été fait. C’est indéniable et c’est justement grâce à la lutte que les femmes ont menée. Peut-être les jeunes générations croient-elles que c’est réglé et que nous avons atteint notre vitesse de croisière. Mais ces acquis-là sont fragiles. Il va toujours falloir garder l’oeil ouvert pour faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes partout dans la société. Cependant, dans l’esprit des gens, le vocabulaire doit changer. Tout comme dans d’autres pays, en France ou en Angleterre par exemple, on parle beaucoup d’« égalité » entre les femmes et les hommes; je pense que c’est ce discours qui va toucher davantage les hommes. On leur demande d’être nos « partenaires » dans le processus ! Bien sûr, au début, c’était vraiment une guerre de tranchées. Il fallait défoncer les portes. Maintenant, il faut que les portes qui ont été ouvertes restent ouvertes. Il y a encore des plafonds de verre. Il faut travailler encore, mais avec la perspective d’intéresser les jeunes. C’est aussi une façon de repousser les masculinistes, qui essaient de nous faire perdre nos acquis. Mais les hommes qui estiment que l’égalité des sexes est naturelle, il faut leur faire de la place dans ce débat-là.

Avez-vous déjà vécu des situations sexistes ?

Ah mon Dieu! (Rires) Oui ! J’ai vécu le sexisme à bien des égards. Maintenant, dans mon rôle de ministre de la Condition féminine, je vois encore des vieux penchants qui ne se corrigent pas, on dirait. Un ami me disait : « La condition féminine, c’est un peu comme un jardin qu’il faut constamment entretenir afin de le protéger contre l’envahissement de la mauvaise herbe. »

Que répondre à celles et ceux qui anticipent avec nostalgie la fin de la version papier de la Gazette des femmes ?

Il y avait un virage à effectuer pour sauver la Gazette des femmes. Et c’est ce que le Conseil du statut de la femme et Christiane Pelchat, sa présidente, ont fait. Va-t-on atteindre plus de femmes sur Internet ? Je pense que oui. La copie papier était-elle disponible n’importe où, n’importe quand, de toutes les manières ? Non ! Alors que d’un simple clic de souris, on a facilement accès à un magazine de qualité. On peut rendre cette publication et son contenu accessibles à travers le monde et pouvoir montrer ce qui se fait ici. Car on est vraiment avant gardistes en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Au Canada, par rapport aux autres provinces, la société québécoise est vraiment la plus avancée.

À titre d’ancienne journaliste, croyez-vous à l’exploitation du Web pour assurer la vitalité et la pérennité des médias écrits ?

Vous, moi, nous tous, on va sur Cyberpresse pour avoir accès à la nouvelle immédiatement. On n’attend plus au lendemain matin pour être au fait des dernières nouvelles. Personnellement, j’adore mon journal papier. J’aime tourner les pages et prendre mon temps. J’ai tous les journaux et je les lis quasiment d’un couvert à l’autre. Mon bonheur du samedi matin, c’est ma pile de journaux à parcourir : La Presse, Le Soleil, Le Devoir, le Journal de Montréal, The Globe and Mail, The Gazette, etc. Mais en même temps, Internet nous donne tellement un accès mondial à l’information ! Il y a ce côté découverte extraordinaire, et de l’autre, notre journal. Je suis déchirée par rapport à ça.

Par ailleurs, le journalisme est en train de changer énormément. Déjà, à mon époque, il était pressé comme un citron. La nouvelle n’est pas encore sortie qu’il faut que tu sois en train de l’analyser. C’est un défi pour le journaliste d’avoir toute la rigueur nécessaire dans un tel contexte, de prendre le temps de vérifier ses sources, etc.

D’autre part, je pense qu’une question d’éthique se pose par rapport aux blogues. Je suis d’avis qu’il devrait peut-être y avoir un code de déontologie pour les blogueurs journalistes. Ce type de média laisse place à une opinion un peu trop carrée. Mais ce sont des forums de discussion… La Fédération professionnelle des journalistes du Québec doit être en train de se pencher là-dessus.

Les journalistes eux-mêmes doivent réfléchir à la manière dont ils veulent pratiquer leur métier. Ce n’est pas au gouvernement de le déterminer. Et il s’agit d’un enjeu mondial.