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L’égalité vue par Kim Lévesque-Lizotte

Chaque fois que j’essaie d’analyser un problème social, j’en arrive à cette conclusion : « C’EST DE LA FAUTE DES MULTINATIONALES! »

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Bandeau :Photo : © Andréeanne Gauthier

Sortie de l’École de l’humour en 2009, Kim Lévesque-Lizotte fait briller son talent tant sur scène qu’à la télé. Tantôt chroniqueuse, tantôt auteure et scénariste, elle surfe depuis l’automne sur le succès de sa célèbre série Les Simone, mettant en scène de jeunes femmes confrontées aux enjeux de la trentaine, et planche déjà sur une prochaine saison. Kim confie qu’en lisant Simone de Beauvoir, elle a réalisé toute l’ampleur de la construction sociale des femmes. Celle qui n’a pas peur de se remettre en question et de monter aux barricades – et sur sa table à café – pour hurler son indignation assume complètement son féminisme!

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Un geste égalitaire que vous avez posé ou une parole antisexiste que vous avez dite et dont vous êtes fière?

Pour une fille de 30 ans qui a été bombardée, tout au long de sa vingtaine, de films, de shows d’humour et de séries télé sur le fameux malaise masculin de l’homme moderne, je suis heureuse de pouvoir donner, grâce à ma plume, au petit écran, un point de vue féminin sur la femme qui cherche, elle aussi, à se libérer des conventions. Je le dis bien humblement.

Quel film ou quelle série incarne le mieux le « à bas les stéréotypes »?

Définitivement le documentaire Miss Representation. J’ai compris tellement de choses sur la représentation des femmes dans les médias, des choses que je n’avais jamais remarquées ou remises en question auparavant (l’illusion de pouvoir des superstars, le traitement médiatique des femmes en politique) et j’en ai presque honte aujourd’hui. Toutes les femmes devraient voir ce documentaire, qui fait mal, mais qui est essentiel.

Les campagnes de publicité qui reprennent des symboles ou des enjeux féministes (Dove, Always, etc.) : « Oh! mon Dieu! », « Pfff! », « Grrr! » ou « Hourra! »?

Chaque fois que j’essaie d’analyser un problème social jusqu’à sa source, j’en arrive à cette conclusion… Je monte sur ma table à café en hurlant : « C’EST DE LA FAUTE DES MULTINATIONALES! »

La commercialisation et le marketing autour des femmes, des corps, du girl power, du féminisme, jusqu’au cancer du sein pour vendre des yogourts roses (voir le film Pink Ribbons, Inc.), les pubs existent pour nous faire consommer. Et pour nous rappeler tous les jours de notre vie qu’on est inadéquates, même dans l’acceptation de ce qu’on est.

T’acceptes ton corps tel qu’il est? Eh bien, lave-le avec du Dove.

Le pire ennemi de l’égalité, c’est…

Ma mère. Une femme de tête, brillante, inspirante, à mille lieues des clichés que l’on nous sert sur les femmes arabes soumises. Née en Syrie, elle a fait ses études en génie, à l’Université d’Alep, à l’époque où cela ne se faisait pas. Elle ne m’a jamais traitée comme une princesse. Elle m’a appris à me tenir debout.

Le pire ennemi de l’égalité, c’est…

Le déni de la construction sociale de la femme. J’en parle très souvent ces temps-ci et parfois, je me tais sur ce sujet, car dans l’inconscient collectif, il y a des comportements qu’on a tellement associés aux femmes qu’il est difficile de les remettre en question sans heurter certaines personnes, qui sont de bonne foi.

Quand une amie bien intentionnée me répète qu’il y a des choses qui ne changeront jamais, comme sa fille qui aime jouer à la poupée, et que « c’est comme ça que les choses sont », elle oublie qu’elle est un modèle pour sa fille, que celle-ci l’a probablement observée des milliers de fois materner un enfant ou qu’elle se souvient du temps où sa mère s’occupait d’elle, l’allaitait, la berçait. Elle oublie aussi que toutes les poupées qui sont dans la chambre de sa fille, c’est elle qui les a achetées. On n’élève pas une fille comme on élève un garçon : notre regard sur elle est différent, on lui attribue des caractéristiques dont elle n’est pas encore consciente.

Mais on peut très difficilement parler de ça… Je me retiens souvent avec mes copines qui ont des enfants, et dès que je mentionne le danger des jouets genrés, on me rappelle que j’exagère ou que je me radicalise en vieillissant. Ou le fameux : « ATTENDS D’AVOIR DES ENFANTS!!! »