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« Sexe. »

Faut qu’on se parle de sexe

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Let’s talk about sex, dit la célèbre toune que tu vas peut-être avoir à l’instant à l’oreille si tu as le souvenir de l’avoir déjà entendue et sans doute nécessairement fredonnée, le cas échéant. Je sais déjà que c’est ce qui m’arrivera pendant toute la rédaction de ce billet. Et je m’haïs un peu de me faire subir cela. Mais je m’égare.

C’est là. Ça nous prend le creux du ventre, le rouge des joues, le tout chaud entre les cuisses, le sexe nous habite. Des premiers émois qu’on ne comprend pas trop alors qu’on est encore toute petite jusqu’à ce qu’enfin viarge on frenche quelqu’un. À moins qu’on se soit touchée, avant, qu’on ait découvert dans le fond de son lit ou pendant le bain la joie de soi à soi. Vient tout de même ce moment où l’impératif de la rencontre de l’autre s’impose, même s’il n’est pas incarné, l’autre. On pense avec ben du tremblement à « la première fois », on écoute avec attention les récits de celles qui l’ont fait avant nous en espérant apprendre des trucs, avoir une idée de la mécanique des choses. Il y a toutes les peurs : ne pas être bonne, ne pas savoir quoi faire, ne pas être désirable. À cela s’ajouteront, plus tard, la peur de n’avoir été qu’un orifice, celle d’être rejetée, d’être jetée, humiliée. La peur de ne pas en faire assez, de ne pas être assez. La peur d’avoir des limites, de refuser des pratiques. La peur de toujours n’être qu’une pâle copie de peu importe ce qui se retrouvera dans la porn. La peur d’aimer ça, aussi. Trop ça. D’être alors perçue comme une fille facile, une fille pas de classe, une fille pas propre. Pendant ce temps-là, tout autour, on entendra qu’il faut s’assumer, s’aimer, que le désir est une chose bonne, qu’il est OK de le prendre en charge. Du sexe, partout. Mais si peu de mots, même entre amiEs, pour en discuter. Vraiment.

Ce sera peut-être par l’entremise d’amantEs avec qui la chimie sera particulière que se construira une image autre, des ressentis autres. Que tomberont les craintes et les peurs à coups de regards pleins qui te prennent au complet, qu’une confiance s’établira, que l’abandon sera possible. Parce que somme toute, c’est beaucoup de ça, s’abandonner. Dans son désir, dans les mouvements, les vagues de plaisir. Suivre et créer. Mais quand on a si peur et qu’on passe plus de temps à se regarder aller qu’à être, c’est loin d’être évident, le sexe. On se réfugie bien en dessous du tabou, on n’ose pas nommer, on n’ose pas explorer, s’explorer. Certaines ont appris ou compris ou gardé en tête que leur propre corps est sale, qu’il ne faut pas le toucher, que le plaisir issu de la masturbation n’est pas bien, au sens très chrétien du terme. On se laisse même dire que c’est compliqué, la mécanique des femmes. Et trop abdiquent leur part du plaisir – orgasm gap, on appelle ça *. Pourtant.

Il est beau et il est bon, le plaisir du corps. Il est prenant, nous donne à ressentir des bouts d’absolu, parfois. On a bien droit à la gêne, cela dit, à la pudeur, ne pas aimer ça, aussi. Évidemment. J’me dis juste que peut-être que si on en parlait un peu plus, si on manquait moins de mots pour se nommer le vouloir, si ce n’étaient pas surtout des listes, des tableaux de chasse, des indices de performance, peut-être que notre rapport au corps, à ce qu’on aime, au temps qu’on souhaite prendre, aux gestes qui nous animent, peut-être que ça pourrait nous faire du bien. Dans nos couples, entre amantEs, entre amiEs, même. Se parler. De cela. À mi-chemin entre la confidence et le beurre sur la table. En parler avec du normal dans la voix, avec du content. Plus souvent.