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Rentrée scolaire : 10 livres pour raconter des femmes inspirantes

Pour enseigner l’égalité des sexes dès la petite école!

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Inculquer l’égalité des sexes à l’école est un vaste et noble projet. Mais comment y arriver alors que la majorité des livres de littérature jeunesse regorgent de stéréotypes sexistes et que les femmes, sauf quelques rares exceptions, brillent par leur absence dans les manuels d’histoire? C’est à cette tâche titanesque que se voue le Y des femmes de Montréal depuis quelques années.

Depuis sa fondation il y a 141 ans, la vénérable institution, affectueusement surnommée « le Y », s’est donné pour mission de réduire les inégalités subies par les femmes et les filles. Nombre de générations plus tard, voilà qu’elle propose un guide à l’intention des professeurs, éducateurs et parents contenant une liste de 10 livres jeunesse qui racontent les exploits de femmes au destin extraordinaire.

Intitulé 10 livres pour ancrer des modèles de femmes inspirantes dans l’esprit des jeunes, le guide impressionne par sa diversité. Il suggère des ouvrages inspirés de la vie de femmes célèbres telles que Frida Kahlo, Ella Fitzgerald, Marie Curie, Anne Frank, Aung San Suu Kyi, J. K. Rowling, Jane Goodall, Marilyn Monroe et Malala Yousafzai. Des noms moins connus y figurent également, comme ceux d’Elizabeth Blackwell, première femme médecin américaine (il y a moins de 100 ans!), de l’aviatrice américaine Elinor Smith ou encore de la Kényane Wangari Maathai, professeure de sciences émérite de sciences animales.

Photographie de Tania Baladi.

« Il est crucial pour les jeunes d’avoir accès à des modèles de femmes fortes, impliquées dans leur communauté, dans une foule de domaines. Des femmes admirables pour ce qu’elles sont et ce qu’elles font. »

Tania Baladi, agente de projet aux services jeunesse du Y des femmes de Montréal et auteure du guide 10 livres pour ancrer des modèles de femmes inspirantes dans l’esprit des jeunes

La plupart des livres s’adressent aux enfants du primaire, mais on en trouve aussi qui sont destinés aux enfants d’âge préscolaire, de même qu’un livre pour ados. Créé au cœur de la métropole culturelle du Québec, le guide bilingue vise autant les milieux éducatifs anglophones que francophones.

« Nous souhaitons que le projet nous amène à nous questionner collectivement sur l’égalité alors que les modèles masculins sont omniprésents dans notre société, indique Tania Baladi, agente de projet aux services jeunesse du Y des femmes de Montréal et auteure de la liste. Il est crucial pour les jeunes d’avoir accès à des modèles de femmes fortes, impliquées dans leur communauté, dans une foule de domaines. Des femmes admirables pour ce qu’elles sont et ce qu’elles font. »

Genèse d’une bonne idée

Bon an mal an, Mme Baladi et ses collègues intervenantes jeunesse du Y des femmes de Montréal visitent les écoles primaires et secondaires de la métropole, surtout dans les milieux défavorisés, afin d’animer des activités parascolaires.

« Les modèles féminins, c’est un sujet qui me tient à cœur, souligne l’intervenante. J’ai exploré le thème avec les jeunes sous l’angle de l’estime de soi et de la relation aux médias, à savoir comment développer une pensée critique face aux publicités et comment utiliser les médias sociaux de manière responsable. Plusieurs des filles ont déjà entendu parler de ces enjeux, mais on a la chance de les accompagner avant l’entrée au secondaire, avant qu’elles baignent dans l’hypersexualisation ambiante. »

L’équipe du Y des femmes de Montréal œuvre depuis de nombreuses années en mode prévention auprès des jeunes filles, mais au regard de l’actualité récente liée à l’exploitation sexuelle des mineures et aux cas de fugues, ces actions apparaissent plus que jamais nécessaires. « Avec les jeunes, on parle de prostitution, des gangs de rue, explique Mme Baladi. On a quelques programmes là-dessus au service jeunesse et on a aussi réalisé un documentaire intitulé Histoires de rue, disponible à la demande des écoles. »

Renforcer l’estime de soi des filles

C’est au printemps 2014, à l’occasion d’un projet dans le cadre duquel elle suit des groupes de filles âgées de 9 à 12 ans durant toute une année, que l’idée d’une liste de livres présentant des modèles féminins germe dans la tête de Tania Baladi. À l’époque, elle décide de présenter aux filles une quarantaine de femmes célèbres aux profils diversifiés (âge, origine, domaine d’activité).

« On aborde souvent avec les jeunes la question des idoles, raconte-t-elle. On demande aux filles qui sont les leurs et elles choisissent presque toujours des chanteuses. Quand on leur demande pourquoi, elles répondent invariablement : “Parce qu’elle est belle et qu’elle chante bien.” Ça revient pas mal toujours à la beauté, à l’apparence physique. Et nous, on veut sortir de ça. C’est certain qu’une fille peut être belle et intelligente à la fois, mais on veut diversifier les profils. »

Tania Baladi organise alors un rallye en affichant des mini-biographies de femmes inspirantes qui décrivent brièvement leurs réussites, sans noms ni photos. Les filles doivent toutes les lire et choisir celle qui les inspire le plus. Le lendemain, l’intervenante leur dévoile le nom et la photo du visage de la femme qu’elles ont choisie.

« Ç’a provoqué toutes sortes de réactions. Par exemple, celle qui avait choisi mère Teresa a dit : “Je ne la veux pas, elle est trop vieille et toute ridée!” On a vu à quel point les stéréotypes sont ancrés. Mais ç’a été intéressant parce qu’elles ont découvert plusieurs femmes et que ça a donné envie à certaines d’aller lire sur leur vie. Des filles sont allées chercher sur Internet et nous revenaient en disant : “Hey, je suis allée lire sur Frida Kahlo et Rosa Parks!” »

Forte de cette expérience, Tania Baladi souhaite élargir cette prise de conscience au personnel enseignant, mais aussi aux parents, grâce à sa liste de livres sur les femmes inspirantes. « L’idée est de sensibiliser les adultes, de leur dire que lorsqu’on propose un livre ou une activité aux jeunes, il faut réaliser l’importance du symbole et des modèles qu’on leur envoie. »

Mais pas question de culpabiliser qui que ce soit. Le but demeure d’informer, de sensibiliser… et de donner un coup de main! « La liste est un outil qui fonctionne bien, parce qu’on ne sait pas toujours quel livre choisir quand on va à la bibliothèque ou à la librairie », note Mme Baladi.

Les maudits stéréotypes!

D’ailleurs, l’intervenante n’en est pas à sa première liste. Déjà, en mars 2015, elle créait avec une collègue Dix livres pour enfants qui déboulonnent les stéréotypes de genres, un guide également publié par le Y des femmes de Montréal.

« C’est parti de discussions qu’on a eues avec des femmes adultes, dont beaucoup d’immigrantes, dans le cadre d’ateliers en employabilité, relate-t-elle. On leur demandait quelles étaient les histoires qu’elles avaient entendues quand elles étaient petites. On a alors pu constater, une fois de plus, qu’on ne s’en sort pas avec les histoires de princesses. »

Publiée le 8 mars 2015, dans la foulée de la Journée internationale des femmes, la liste a joui d’une visibilité exceptionnelle. « Elle a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux, jusqu’à obtenir une mention dans La Presse. Pour couronner le tout, on a gagné le Prix égalité Thérèse-Casgrain! »

L’agente de projet aux services jeunesse du Y des femmes de Montréal entend donc récidiver avec une troisième liste l’an prochain. De quoi traitera-t-elle? Elle préfère conserver le suspense. Une chose est sûre, Tania Baladi demeure convaincue que la littérature jeunesse est un excellent véhicule pour promouvoir l’égalité entre les sexes.