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Les filles n’aiment pas ça, les gars ne pensent qu’à ça

Sexualité, nom féminin

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Nous, Désirée Laliberté (deux filles de générations, de tailles et de couleurs de cheveux bien différentes s’inscrivent sous ce nom), te donnons rendez-vous ici de temps en temps pour parler de sexualité. Uniquement. C’est notre sujet de prédilection et on trouve que, dans la vie, on n’en jase pas assez souvent, « féministement » parlant. On veut donc l’aborder avec toi, au fil des mois, dans une déclinaison de tons, de points de vue, de propos, de matières à réflexion. Ça te tente? Embarque!

Y a tellement de croyances simplistes véhiculées dans la « littérature sexe » qui nous énervent. Nous énArvent. Elles champignonnent dans la webosphère, pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Irritante comme une démangeaison aux parties génitales, l’une d’elles soutient que les hommes ont un appétit sexuel insatiable tandis que les femmes, elles, se passent bien volontiers de plaisirs charnels. Trop sales, trop mouillés, trop prenants. Selon l’occasion, elles préféreraient dormir, magasiner ou flatter leur chat. En fonction de leur âge, les seules envies dignes de se rendre à leurs bobettes seraient celles de faire pipi ou de faire des petits. Ben coudon! Triste portrait – et réducteur avec ça! – du désir sexuel des femmes. Apparemment que, bien au chaud entre les draps et les corps, les stéréotypes se reproduisent pas mal trop…

Contrairement à ce que les gens pensent, le cliché de l’homme asservi à ses pulsions sexuelles ne trouve pas ses origines à l’âge de pierre; idem pour celui de la femme asexuée. Ils seraient plutôt apparus au cours du dernier siècle entre un mariage, une guerre et quelques changements sociaux. Les différentes croyances sur le désir des femmes se sont construites et modifiées au fil du temps. Elles ont été à la fois libératrices et contraignantes (à l’époque de la Grèce antique, on était même convaincu que l’orgasme féminin était nécessaire à la conception d’un enfant). Autres temps, autres mœurs!

Plus récemment, des chercheurs en quête de réponses, dont la Dre Kristen Mark de l’Université du Kentucky, ont fait de l’hypothétique différence entre le désir des hommes et celui des femmes l’objet de leur étude. Après avoir comparé, mesuré et compilé les envies, grosse surprise au rayon de la passion : ils n’ont pas trouvé de différences significatives. Quelques ressemblances, des variantes, rien qui confirmerait la présence de femmes sur Vénus ou d’hommes sur Mars. Au bout du compte, on apprend bien banalement que les filles comme les gars désirent consciemment et couramment des relations sexuelles (consenties, on s’entend) ou bien n’en ont rien à cirer. Incroyable qu’en 2016, on découvre toujours ce genre de choses!

Incroyable aussi qu’on juge encore et collectivement les filles qui disent aimer ça (ça = baiser barre oblique faire l’amour). Lire ici qui aiment VRAIMENT ça. Pas par obligation. Pas pour répondre à ce qu’on attend d’elles. Par simple et pur et authentique plaisir. Le genre de plaisir que provoque un repas délirant tellement bon qu’il goûte le ciel. Oui, en 2016, celles qui expriment ouvertement et à la face du monde leur appétit sexuel, leur bonheur à s’envoyer en l’air et à « orgasmer » sont encore perçues comme des filles faciles, des cochonnes, des obsédées, des nymphomanes  *

Voilà quelques-unes des étiquettes qu’on a essayé de coller sur notre dos large, notre front tout le tour de la tête, notre langue déliée, alouette! Des étiquettes qu’on a voulu nous faire porter de l’adolescence à un âge mature, ridé, grisonnant. Parce que nous, la sexualité, on ne voit pas ça comme un sujet tabou-pas-propre. Parce qu’on ne se gêne pas pour le répéter : c’est l’un des plus beaux cadeaux de la vie! Gratis. Comme un extraordinaire fou rire. Comme un bain chaud après avoir parcouru des kilomètres sous une pluie glacée.

Peut-on rêver d’un monde où les fantasmes et les pratiques sexuelles des femmes ne seraient pas normés, contrôlés, jugés? D’un monde où l’on chercherait à trouver chez les êtres, femmes et hommes, l’origine véritable des problèmes d’ordre physiologique ou psychologique qui chamboulent le désir, problèmes qu’on traiterait avec des solutions durables et non avec des placebos à libido? Nous, on rêve d’une société qui valoriserait pour de vrai l’émancipation sexuelle des femmes. On peut-tu?

Pas d’illusions : on le sait qu’on vit dans un monde où le carcan règne en roi. Rien qu’au son, on trouve déjà que le mot brille par sa laideur. Carcan. Yark! Un mot hideux qui emprisonne. Mais il a beau être le laideron du dictionnaire de la vie, trop souvent, on l’adopte, on l’assimile jusqu’à le trouver normal. À plein de points de vue. Même (surtout?) sur le plan sexuel. Ça fait qu’on dit que les gars sont très portés sur le sexe et que les filles se trouvent des excuses pour ne pas avoir de rapports intimes et nus. C’est ça la norme pour le monde normal. Le monde bien. Bref, si un gars n’aime pas le sexe plus que ça, y a un problème. Si une fille aime beaucoup ça, elle a un problème.

Ce ne serait pas plutôt collectivement qu’on en a un gros de problème? Est-ce qu’on ne peut pas juste, des fois, être des humains, tous ensemble? Sans carcans? Sans nous mettre tout le temps dans des petites cases séparées, avec un modèle de fille, un modèle de gars? Me semble que ce serait bon. Me semble qu’on y trouverait notre place. Et toi aussi. Et lui. Et elle. On se ferait un beau nid dans ce qu’on a envie d’être pour vrai, dans ce qui nous correspond, dans notre propre définition de notre être sexué, sexuel. Essayons donc. Juste pour voir.

On s’arrête; rien que de l’imaginer, on prend notre pied.

* Nymphomane. C’est un nom et un adjectif qui concernent les filles. Uniquement. Ils ne peuvent s’appliquer qu’aux individus de sexe féminin. Point barre. Un gars n’est jamais nymphomane. Prends deux secondes pour lire la définition de nymphomanie. En gros, ça dit qu’il s’agit d’un désir sexuel « excessif » chez la femme ou la femelle de certaines espèces animales. Un gars pourra être satyriasis. Mais dans ce cas, il s’agira d’une exagération MORBIDE de son désir (double standard gars-filles, ici?). Et, honnêtement, c’est quand la dernière fois qu’un gars s’est fait traiter de satyriasis?