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Violette Trépanier : Nommez-moi un champ d’action où il y aurait opposition entre condition féminine et famille.

>La nouvelle ministre déléguée à la Condition féminine et ministre responsable de la Famille, Mme Violette Trépanier, répond aux questions de Gloria Escomel.

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Gazette des femmes, Vol. 11, no 6, mars-avril 1990, p. 29-31. La nouvelle ministre déléguée à la Condition féminine et ministre responsable de la Famille, Mme Violette Trépanier, répond aux questions de Gloria Escomel. La Gazette des femmes: Le fait que la ministre déléguée à la Condition féminine soit en même temps responsable de la famille ne signifie-t-il pas, symboliquement, que l’on renvoie encore la femme à la famille ou vice-versa? Violette Trépanier: Si on retournait la question, on pourrait dire que l’on essaie de faire partager les tâches et les charges de la femme à tous les membres de la famille. Quandles femmes ont décidé d’avoir accès au marché du travail, elles n’ont pas mis leur famille de côté, au contraire. Ce sont elles qui l’ont portée à bout de bras, qui se sont organisées et s’organisent encore pour pouvoir fonctionner. Le fait que les deux ministères soient sous le même «chapeau» ne peut être que bénéfique. S’il y avait eu des contacts plus fréquentsentre les deux, il aurait été plus facile d’établir des contacts plus fréquents entre les deux, il aurait été plus facile d’établir des consensus. La Gazette des femmes: Ne risque-t-on pas de faire régresser l’un ou l’autre de ces dossiers? Violette Trépanier: Nommez-moi un champ d’action où il y a une opposition vraiment solide entre la condition féminine et la famille. Il n’y en a pas. Donc, la priorité des priorités, pour moi, c’est d’intensifier ce double mandat auprès de tous les ministères, carje suis certaine qu’en faisant avancer la situation des familles, j’avantage les femmes et inversement. La Gazette des femmes: Quels sont vos objectifs pour les femmes? Violette Trépanier: Nous sommes à la fin d’un plan triennal qui a permis de concrétiser de nombreux projets, mais ce n’est pas parce qu’un plan triennal est terminé qu’il n’est pas nécessaire d’assurer le suivi de beaucoup de questions. Ainsi, les programmes pilotes d’accès à l’égalité à l’emploi sont en voie d’application actuellement. Nous devrons bientôt être en mesure de faire l’évaluation de ces programmes. En matière de relativité salariale, des comités paritaires ont été mis sur pied entre la fonction publique et certains syndicats et leurs travaux avancent rondement. La Gazette des femmes: Avez-vous déjà déterminé vos priorités pour l’élaboration du prochain plan triennal? Violette Trépanier: Fin novembre, j’ai rencontré les groupes de femmes pour savoir quels sont leurs objectifs et c’est en établissant un consensus entre ce qui leur convient et ce qui convient aussi au Gouvernement dans la mesure de ses ressources, que l’on va essayer de trouver les meilleures priorités possibles. La Gazette des femmes: Tout le monde «marche sur des oeufs» actuellement en ce qui concerne l’avortement. Risqueriez-vous d’en casser quelques-uns pour nous dire quelle est votre position? Violette Trépanier: Je vais vous faire mon omelette! Vous avez raison de dire que tout le monde «marche sur des oeufs», parce que c’est une question tellement difficile! Une chose est certaine, c’est qu’au coeur de tout avortement, c’est une femme qui est en cause une mère en devenir. Donc, la ministre à la Condition féminine a comme rôle premier de venir en aide à cette femme-là. Je laisse à mes collègues le côté légal et juridique. Il ne faut pas mêler les cartes: le processusest enclenché par le gouvernement fédéral qui est en train d’établir un cadre juridique en fonction duquel nous adopterons notre stratégie. Quelle que soit l’attitude que le gouvernement québécois adoptera à l’égard de la décision du fédéral, mon rôle est de voir à ce que soient dispensés les services nécessaires aux familles et aux femmes qui vivent ce conflit. La Gazette des femmes: Des services médicaux adéquats si les femmes choisissent l’avortement? Violette Trépanier: Des services établis, évidemment, en fonction des lois votées. Notre rôle en tant que Gouvernement, c’est aussi de respecter la loi. Mais j’élargis cette question-là. Notre responsabilité, comme gouvernement provincial, réside avant tout dans l’information, la prévention, la sensibilisation des femmes et des familles aux valeurs familiales; nous avons aussi la responsabilité de leur fournir des services. Je suis convaincue qu’une femme disposant de l’encadrement nécessaire prendra une décision éclairée. Il y a peut-être des femmes qui prennent des décisions en état de panique. Si elles avaient l’aide nécessaire, peut-être prendraient-elles d’autres décisions. La Gazette des femmes: Étant donné qu’un enfant engage toute une vie, de quelles mesures parlez-vous? Violette Trépanier: Je parle d’abord d’un appui moral dans les moments de crise, qu’il ne faut jamais sous-estimer. Mais je veux m’assurer que tout le monde aura accès à de tels services. Par ailleurs, il y a toutes sortes de mesures sociales qui existent pour aider les femmes, voire même les familles monoparentales. Il y a certainement lieu de prévoir des améliorations, et c’est mon rôle de sensibiliser le gouvernement. Déjà, la politique familiale en prévoit quelques-unes… Vous voyez que le dossier Condition féminine et le dossier Famille sont étroitement reliés! La Gazette des femmes: Quelles sont donc ces bonnes nouvelles en matière de politique familiale? Violette Trépanier: Pour ce dossier aussi, c’est une année charnière. Le plan déposé en septembre, «Familles en tête», est un ensemble d’outils donnés à la famille québécoise pour que les parents jouent plus facilement leur rôle. La première mesure porte sur les normes minimales de travail. Je collabore étroitement à ce projet piloté par le ministre de la Main-d’oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, André Bourbeau. Les mesures envisagées visent à simplifier la vie des parents qui travaillent, à rendre plus flexibles, par exemple, les horaires de travail, à donner des congés parentaux plus longs pour le père ou la mère. La Gazette des femmes: Vous pensez aussi étendre les congés parentaux? Violette Trépanier: Oui. Actuellement, le congé de maternité est de dix-huit semaines avec l’assurance-chômage et un programme québécois de remplacement de revenu pendant le délai de carence de deux semaines. On prévoit instituer un congé parental sanstraitement pouvant aller jusqu’à cinquante-deux semaines, pour permettre aux parents qui le désirent de s’occuper de leur enfant sans risquer de perdre leur emploi. La Gazette des femmes: Mais n’est-ce pas un peu rêver en couleur que de penser que beaucoup de femmes pourront se prévaloir d’un congé sans aucun revenu pendant un an? Violette Trépanier: C’est bien évident que ce ne sont pas toutes les familles qui pourront s’en prévaloir, mais la possibilité sera là. On voit très fréquemment des mères qui voudraient passer la première année avec leur bébé, qui peuvent se le permettre financièrement, mais qui n’osent pas le faire par peur de perdre leur emploi. Avec cette mesure des normes minimales de travail, elles pourront prendre ce congé en toute sécurité et les pères pourront aussi s’en prévaloir. ________________________________________ Elue députée de Dorion en décembre 1985, Mme Violette Trépanier a rempli les fonctions d’adjointe parlementaire du ministre des Affaires municipales. A ce titre, elle s’est particulièrement occupée des questions d’habitation. Elle a également été membre de la Commission de l’aménagement et des équipements et ministre déléguée aux Communautés culturelles. ________________________________________ La Gazette des femmes: Les «mauvaises langues» ont parlé de politique nataliste derrière la politique familiale… Violette Trépanier: On en a surtout parlé lorsque le Gouvernement a donné une aide de 3000 $ à la naissance du troisième enfant, parce qu’on a retenu qu’une seule mesure parmi les 58 qui ont été adoptées pour aider la famille. Une bonne politique de la famille doit donner aux familles québécoises la possibilité d’avoir des enfants si elles le désirent. Évidemment, il va en résulter une augmentation du taux de natalité. Mais ce n’est pas un sacrilège en soi de penser natalité au Québec où l’on connaît une baisse démographique. La Gazette des femmes: En matière de garderies, qu’y a-t-il de prévu? Violette Trépanier: Les services de garde constituent l’outil majeur pour les femmes qui sont sur le marché du travail. Nous en sommes conscients. A tel point qu’au moment où le gouvernement fédéral a fait défection, le gouvernement québécois s’est très vite retourné et a quand même injecté 32 millions de dollars supplémentaires pour les services de garde. Pour développer ces services, noussommes actuellement en train de mener des études régionales des besoins. La Gazette des femmes: Encore une autre étude? Les besoins ne sont-ils pas déjà connus? Violette Trépanier: Vous avez raison de dire qu’on a fait beaucoup d’études. Mais jamais sur le plan régional, dans le but de diversifier les services. On veut les intensifier en milieu de travail surtout. Mais aussi dans des haltes-garderies, des jardins d’enfants, en milieu familial ou scolaire. Les régions évoluent, les besoins des familles et les familles elles-mêmes changent. Cette étude est importante pour que l’on parte sur des bases solides et que l’on puisse déterminer quels types de services de garde on doit implanter dans telle ou telle région, en fonction de ce qui est privilégié par les parents. La Gazette des femmes: Quels rapports pensez-vous entretenir avec le Conseil du statut de la femme? Violette Trépanier: Jugez-en: j’ai été assermentée le 11 octobre, à 14 h. A 14 h 20, je téléphonais à Mme Marie Lavigne pour lui dire combien j’étais heureuse d’avoir hérité de ce ministère. Je me sens privilégiée de pouvoir compter sur l’appui d’un Conseil si prestigieux, qui fait un travail structuré et profond, et dont la présence dans les régions est très bénéfique pour nous en donner «le pouls». Ce que je trouve extraordinaire au Conseil du statut de la femme, c’est de voir combien toutes ces personnes sont engagées chacune dans leur milieu. Comme j’ai toujours été une personne de contact et d’équipe, je sens qu’ensemble, nous allons travailler de façon très intense ainsi qu’avec les associations de femmes. La Gazette des femmes: Quel est votre souhait majeur en ce qui concerne les femmes? Violette Trépanier: Personnellement, je trouve qu’il faut améliorer leurs conditions économiques et familiales et nous travaillons à mieux définir des programmes à cette fin. Affaire à suivre, donc. Propos recueillis le 23 novembre 1989. ________________________________________ Les femmes a des postes de ministre Pour la première fois dans l’histoire du Québec, l’équipe ministérielle compte 20% de femmes dans ses rangs. Voici le nom de celles qui siègent actuellement au Conseil des ministres: – Mme Lise Bacon, vice-première ministre, ministre de l’Énergie et des Ressources, et du Développement régional, députée de Chomedey; – Mme Liza Frulla-Hébert, ministre des Communications, députée de Marguerite-Bourgeoys; – Mme Monique Gagnon-Tremblay, ministre des Communautés culturelles et de l’Immigration, députée de Saint-François; – Mme Louise Robic, ministre déléguée aux Finances, députée de Bourassa; – Mme Lucienne Robillard, ministre des Affaires culturelles, députée de Chambly; – Mme Violette Trépanier, ministre déléguée à la Condition féminine et ministre responsable de la Famille, députée de Dorion.