« Les arts martiaux sont d’abord une façon d’apprendre à vivre avec soi-même et de comprendre ses émotions, ses peurs. Je ne mesurerai jamais 1,80 mètre même si j’ai beaucoup d’espoir. Mais je peux m’habituer à prendre ma place et à me connaître, à savoir défendre mon espace vital tout en restant calme et en apprenant à respirer 1. On ne peut y arriver en se disant que l’autre est le plus fort, qu’on est des rien du tout ou en se dépréciant. »Des disciplines où la première règle du « guerrier » est de faire confiance et dont la plus grande joie, tout comme les samouraïs de jadis, ne consiste pas à vaincre un adversaire, mais bien à vaincre ses propres peurs, angoisses ou hésitations. Car
« lorsque la tête décide quelque chose, ça fonctionne »comme le répète Laure Charbonneau à ses étudiantes. Un peu comme l’équilibriste s’imaginant danser sur le plancher des vaches alors qu’il se balance à des mètres d’altitude. Il s’agit donc de mobiliser le ki, puissance exceptionnelle que l’on dégage inconsciemment en cas de danger. Cette énergie, il suffit d’aller la chercher dans le bas de l’abdomen, le hara (vous savez, hara-kiri), véritable centre de gravité du corps, lieu privilégié de l’équilibre vertical. Il est même possible d’hypnotiser auditivement l’adversaire en poussant le fameux kiaï, sorte d’inspiration profonde qui vient du ventre.
La tête haute
Dans les arts martiaux, corps et esprit, yang et yin, sont deux forces qui s’attirent et se repoussent tout en apprenant à travailler ensemble.« C’est un effort à long terme, dit l’une des étudiantes, mais on y acquiert de la confiance en soi. En refaisant et en perfectionnant nos positions, on finit pas être capable de regarder l’autre en face, de bien s’ancrer dans le sol. »Comme le dit une autre de ces femmes :
« Quand tu as l’air d’une victime, t’es plus attirante. C’est une question d’attitude. Si on sort la tête haute plutôt que la tête entre les deux jambes, si on fait face aux gens sans être agressive, on arrête alors de reculer devant les autres. Très souvent, juste avec les yeux, on les « en ligne solide ». C’est une façon de prendre conscience de ses possibilités, la technique n’est alors qu’un support. »Des étudiantes de tous âges suivent des cours de karaté, tai chi, aïkido à l’Atelier. Il y a même des fins de semaine intensives d’autodéfense pour adolescentes ou pour des femmes qui ont à éviter ou prévenir des situations de violence dans leur milieu. Pour Laure Charbonneau
« pratiquer les arts martiaux, c’est vouloir garder la paix, pas faire la guerre; enseigner les arts martiaux, c’est ma façon à moi de faire de la politique. C’est mon moyen d’aider les femmes à changer sans passer par la théorie ». Un atelier où les ceintures de toutes couleurs ne sont pas nécessaires pour performer, pour arriver à cette connaissance de soi qui amène à marcher la tête haute et sans peur. Pour toute information sur l’Atelier d’arts martiaux des femmes de Montréal, téléphoner au (514) 278-1755.
1La respiration est la vie même. C’est la seule fonction vitale sur laquelle nous pouvons exercer une influence volontaire, comme l’écrit Jean-Noël Ortega dans Avec les mains nues. L’esprit et le geste dans les arts martiaux, Paris, Albin Michel, 1988, 218 p., p. 138.