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L’éclatement du 9 à 5

Tout intéressées soient-elles par la semaine comprimée ou l’horaire flexible, les travailleuses trouvent-elles leur compte dans ces nouveaux modes d’aménagement du temps de travail.

Date de publication :

Auteur路e :

Gazette des femmes, Vol. 12, no 2, juill.-août 1990, p. 27-29. Tout intéressées soient-elles par la semaine comprimée ou l’horaire flexible, les travailleuses trouvent-elles leur compte dans ces nouveaux modes d’aménagement du temps de travail? Le boulot de 9 à 5, cinq jours par semaine n’est plus la seule norme. Pensez un instant à tous ces gens autour de vous qui, volontairement ou non, s’écartent de cette voie. Votre beau-frère a un travail saisonnier, votre voisine travaille à la maison, votre amie est en congé sabbatique, votre cousine est vendeuse les fins de semaine, quant à Johanne, elle a hérité d’un quart rotatif de travail alors que tante Jeanne prend une retraite graduelle. Des chercheuses du Conseil du statut de la femme, Louise Caron, Martine Poulin et Francine Lepage, ont vérifié l’évolution de ces nouvelles formules d’aménagement et de réduction du temps de travail tant dans les secteurs privé que public. Face à la montée des emplois précaires, ces nouvelles formules favorisent-elles un meilleur encadrement des emplois? Qui s’en prévaut et pourquoi? Quel en est l’impact sur les femmes? Renforcent-elles la division traditionnelle du travail avec les conséquences négatives sur l’autonomie économique des femmes? Enfin, permettent-elles aux pères de s’absenter de leur emploi pour partager les responsabilités familiales?

Un taux d’intérêt… à la hausse!

Plus on travaille, plus on aimerait avoir de temps libre. Les femmes plus que les hommes aspirent à réduire leur temps de travail, particulièrement les mères de jeunes enfants. Cela ressort de l’enquête exploratoire menée par le CSF auprès de deux entreprises québécoises – l’une dans le secteur financier et l’autre dans le domaine de l’alimentation – où l’on note un intérêt pour l’horaire flexible et pour la semaine de travail comprimée, sans compter les adeptes de la réduction hebdomadaire de travail. Alors que les hommes sont disposés à allonger leur journée pour réduire la semaine de travail, les femmes souhaitent une semaine plus courte sans que cela ne se traduise par une journée beaucoup plus longue. Par ailleurs, une proportion importante des personnes interrogées n’est pas disposée à troquer une partie de son salaire pour plus de temps libre. Donne-t-on souvent suite à son désir de réduire son temps de travail lorsqu’on en a la possibilité? Oui, mais moins souvent qu’on ne l’avait exprimé auparavant, et les femmes plus souvent que les hommes. C’est en tout cas ce que révèle l’étude de Denise Lamothe auprès des employés de la fonction publique qui ont réduit leur temps de travail. Très majoritairement, des femmes. Leur but? Accomplir des tâches familiales et domestiques dans des conditions plus favorables. L’auteure ajoute que ces femmes, qui ont généralement la responsabilité de jeunes enfants, gagnent habituellement moins que leur conjoint, mais le revenu familial est assez élevé. Dans leur cas, la possibilité de réduire le temps de travail leur était offerte plus souvent qu’à leur conjoint. Il semble donc logique que, du point de vue du ménage, ce soit la travailleuse qui ait réduit son temps de travail. Cependant, on ne peut nier les conséquences de tels comportements différenciés selon le sexe sur le partage des tâches familiales entre conjoints, sur l’autonomie économique présente et future des femmes, sur leur accès au travail et leurs chances de promotion! Les conventions collectives des secteurs public, parapublic et péripublic prévoient des mesures qui permettent de réduire volontairement le temps de travail. Il en va autrement dans le secteur privé. Les conventions collectives recensées montrent peu d’ouverture au congé sans traitement après une naissance, au congé d’études ou à tout autre congé de longue durée. Par contre, les mesures d’aménagement comme la semaine comprimée et l’horaire flexible y ont réalisé une certaine percée, dans certains secteurs et dans certaines professions.

Les pièges du travail à temps partiel

Travaille-t-on moins au pays ces dernières années? Eh bien non! La semaine de travail s’est légèrement allongée au Canada entre 1981 et 1988, tant pour l’emploi à temps plein que pour celui à temps partiel. Les femmes occupent d’ailleurs 70% des emplois à temps partiel, souvent à bas salaire et de courte durée, une fois sur trois à défaut d’avoir trouvé un emploi à temps plein, et une fois sur huit par obligation personnelle ou familiale (raison qui n’est jamais mentionnée par les hommes). L’essor considérable de l’emploi à temps partiel et le peu de développement des nouvelles formules de temps de travail s’expliquent. Les entreprises y trouvent leur compte. Elles ont besoin de flexibilité pour s’adapter aux hauts et aux bas de la demande, pour être plus rentables et utiliser de façon maximale leur équipement. D’où les emplois temporaires, à temps partiel, sur appel ou selon des horaires brisés. D’où les sous-contrats et les piges qui rejoignent une main-d’oeuvre de jeunes et de femmes.

Les remèdes

Des mesures plus formelles d’aménagement et de réduction volontaire du temps de travail ne connaîtront un essor important que s’il y a un meilleur encadrement des statuts d’emplois irréguliers dans la Loi sur les normes du travail. Par exemple, même salaire et mêmes avantages sociaux pour l’emploi à temps partiel que pour l’emploi à temps plein; normes plus serrées concernant les mises à pied; droit à une interruption de carrière pour certains motifs (absence pour maladie, congé-éducation, congés parentaux, etc.). Pour ce qui est de la prise de la retraite, il faudrait revoir les lois qui la régissent afin que les travailleuses et les travailleurs âgés aient vraiment la possibilité d’aménager à leur convenance leur fin de carrière. Il semble que les entreprises qui réussissent le mieux sont celles qui peuvent compter sur une main-d’oeuvre stable dans laquelle elles investissent plutôt que celles qui misent sur le jeu des portes tournantes embauche-congédiement. Plusieurs ont d’ailleurs jugé plus productif d’expérimenter des formules donnant au personnel une certaine marge de manoeuvre dans la gestion de leur temps de travail. Cependant, il faudra bien s’assurer que les personnes qui se prévalent de l’une ou l’autre formule n’y perdent pas sur le plan de leurs droits et qu’elles aient, entre autres garanties, celle de retrouver leur statut d’emploi antérieur (ce qui est toujours plus facile en milieu syndiqué). Dans la mesure où des emplois à temps partiel se transformeront en emploi à temps réduit, et par conséquent mieux protégés, les travailleuses et les travailleurs qui autrefois auraient travaillé à temps partiel y gagneront. Mais si l’essor de ces mesures de réduction du temps de travail s’accompagne d’un fort taux d’utilisation par les femmes, les conséquences sur le partage des tâches familiales, sur le revenu immédiat et futur et sur les perspectives de carrière sont faciles à imaginer. Seul un changement de mentalité peut infléchir le cours des choses. Il importe que les travailleurs masculins redéfinissent leur rapport au travail et adoptent ces nouvelles formules à l’instar des travailleuses. De meilleurs emplois et à revenu plus élevé pour les femmes de même qu’une politique progressiste de congés parentaux s’adressant tant aux pères qu’aux mères constituent également des moyens d’éviter que l’aménagement et la réduction du temps de travail ne se fassent au détriment des femmes. On peut se procurer le résumé de cette recherche Aménager son temps de travail ou le réduire: le choix des Québécoises en le demandant par écrit au Conseil du statut de la femme, Service de renseignements, 8, rue Cook, Bureau 300, Québec (Québec), G1R 5J7. La réduction volontaire du temps de travail dans la fonction publique du Québec: impacts sur le travail et la vie hors travail de Denise Lamothe, mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval. mars 1988, 180p. Aménager ou réduire son temps de travail permet, entre autres possibilités, de retourner aux études. Il faut cependant s’assurer de ne pas perdre de droits. L’horaire flexible: gérer son temps de travail de façon plus personnelle avec un horodateur comme moyen de contrôle.

Aménagement et réduction du temps de travail : les deux côtés de la médaille

Horaire flexible
  • Mesures : Permet de choisir les heures d’arrivée et de départ, à l’intérieur des heures normales de travail, en respectant les impératifs du temps obligatoire et les exigences du poste.
  • Avantages : Suspend le contrôle de la ponctualité, facilite le transport, la conciliation d’activités sociales, familiales et récréatives.
  • Inconvénients : Peut soustraire l’employeur au paiement des heures supplémentaires et restreindre l’autorisation d’absences en dehors des plages mobiles. Augmente les difficultés de se réunir ou de communiquer, réintroduit l’horodateur.

Semaine comprimée

  • Mesures : Consiste en une diminution du nombre de jours réguliers de travail dans une semaine et à une augmentation des heures quotidiennes de travail. Au terme d’une période déterminée, le temps de travail prévu doit être effectué.
  • Avantages : Autorise plus de jours de liberté sans perte de salaire. Permet des économies sur le transport, les repas au restaurant, les services de garde.
  • Inconvénients : Peut augmenter la fatigue ou les risques d’accidents. Responsabilités domestiques et familiales accrues peuvent provoquer une surcharge.

Emploi à temps réduit

  • Mesures : Prend la forme d’une réduction partielle et volontaire du nombre d’heures travaillées par jour ou du nombre de jours par semaine.
  • Avantages : Permet aux parents d’être plus présents auprès des enfants et d’accomplir leurs autres tâches à un rythme plus normal. Favorise les loisirs ou le retour aux études.
  • Inconvénients : Entraîne une perte de salaire, d’avantages sociaux et de prestations de retraite future. Perpétue les rôles traditionnels si les femmes uniquement s’en prévalent.

Partage de poste

  • Mesures : Consiste à diviser un emploi (permanent) entre deux ou plusieurs personnes.
  • Avantages : Offre les mêmes avantages que la mesure précédente, tout en formant la personne au travail en équipe, à la communication.
  • Inconvénients : Se compare au travail à temps partiel. De plus, les personnes deviennent responsables l’une de l’autre, d’où la nécessité d’un tandem réussi.

Retraite progressive

  • Mesures : Permet de cesser graduellement ses activités professionnelles en fonction de ses aptitudes physiques et intellectuelles propres.
  • Avantages : Prévient un arrêt brusque de la rémunération.
  • Inconvénients : En l’absence de compensation monétaire quelconque, entraîne une baisse de revenu régulier. Les prestations de retraite peuvent également s’en trouver amoindries.

Congés entraînant une interruption de carrière

  • Mesures : Permettent de suspendre momentanément le travail avec garantie de réintégration complète à la fin du congé (sabbatique, parental, de formation, d’études, à traitement différé, etc.).
  • Avantages : Favorise la réalisation d’activités personnelles (repos, perfectionnement, réorientation de carrière) et familiales. Réduction temporaire de la double tâche.
  • Inconvénients : Entraîne une perte substantielle de traitement et d’avantages sociaux. Prolongation du congé rend la réintégration dans le poste plus difficile.

Travail à temps partiel

  • Mesures : Correspond à un temps de travail dont la durée est inférieure au nombre d’heures régulières (21 heures au lieu de 35 par exemple).
  • Avantages : Voir avantages de la mesure Emploi à temps réduit.
  • Inconvénients : Ne garantit pas nécessairement les droits rattachés à l’emploi à temps plein (salaire, avantages sociaux, permanence, accès à un emploi à temps plein si désiré).