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Un forum pour éveiller les consciences

Le FMFF : l’occasion de réfléchir sur la condition féminine dans le monde.

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Le 20 mars dernier, 400 femmes de 77 pays se sont réunies à Paris pour le premier Forum mondial des femmes francophones. L’objectif : interpeller la communauté francophone à propos de la condition féminine. Résumé et impressions.

Souhaité et organisé par le gouvernement français, en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie, ce Forum est né de la volonté de la ministre déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui. Celle-ci a été frappée par le sort de centaines de femmes violées dans un camp de réfugiés au Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo. « Des femmes, des fillettes parfois même de moins de 2 ans. La colère m’a envahie face aux exactions des escadrons de violeurs barbares. La région du Nord-Kivu est à la frontière du Rwanda. Elle est ravagée par une guerre sans images et sans nom, dont les premières victimes sont les femmes qui sont enlevées dans leur village et où le viol est devenu une arme de guerre, une arme de destruction massive », a dénoncé la ministre. Avec ce forum, elle désirait éveiller les consciences sur les reculs et le travail qui reste à accomplir en ce qui a trait à la condition féminine dans le monde. Et, par la bande, faire de cette dernière une priorité du XVe Sommet de la Francophonie, qui se tiendra à Dakar en 2014.

Il n’y a pas que dans les pays en développement que la condition des femmes est menacée ou bat de l’aile. Tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint en France. Chez nous, le gouvernement conservateur a presque rouvert le débat sur l’avortement l’automne dernier, soulevant un tollé.

Un meilleur sort pour les femmes passe nécessairement par l’éducation, la gouvernance et une place accrue au sein de l’économie et de l’entrepreneuriat. « Ce qui se fait pour nous, sans nous, se fait contre nous », a un jour déclaré Nelson Mandela. Mme Benguigui a repris ces mots à l’occasion du forum, conviant les 400 invitées à devenir des « sentinelles » afin de réserver un avenir meilleur aux 350 millions de femmes que compteront les pays francophones en 2050.

Délégation jeunesse

Réunissant en tables rondes diverses sommités internationales, le forum a également été l’occasion pour une délégation jeunesse, appuyée par Les Offices jeunesse internationaux du Québec et Office franco-québécois pour la jeunesse, d’échanger et de réfléchir sur les moyens d’améliorer la condition féminine dans le monde.

Photographie de la délégation jeunesse au Forum

Le fruit de ses discussions, un livre blanc intitulé Un genre de printemps, est disponible sur la plateforme femmesfrancophonie.org. Écrit par 40 jeunes femmes d’Amérique, d’Europe et d’Afrique, ce document est rempli de témoignages parfois très poignants sur le viol, l’accès à l’éducation et les difficultés rencontrées au moment de se lancer en affaires. Un ouvrage à lire et à partager comme une photo de notre époque.

L’étiquette du féminisme

« Et puis, Marie-Pier, es-tu devenue féministe? » m’a lancé à notre retour une participante avec qui j’ai passé la semaine en France. Elle faisait sûrement référence au moment où, devant la quarantaine de paires d’yeux qui me regardaient, j’ai affirmé haut et fort que je n’étais pas prête à arborer l’« étiquette féministe », que je m’étais jointe à la délégation de jeunes francophones à titre de journaliste pour les observer et rendre compte de leurs activités sur une plateforme médiatique. Un détachement purement professionnel pour l’intégrité journalistique, considérais-je.

Peut-être était-ce maladroit de ma part. Un grand silence s’est alors installé dans la salle. « Tu ne veux pas t’affirmer féministe? m’a chuchoté une collègue à ma droite. On va avoir une bonne discussion tout à l’heure. »

C’est au fil des rencontres et des échanges que j’ai réfléchi à ma place en tant que femme dans le monde. On ne devient pas féministe. Chaque femme qui se respecte l’est un tant soit peu. Certaines sont plus combatives, d’autres plus discrètes. Il y en a même qui ignorent qu’elles le sont!

En visite à Nantes pour des activités en marge du forum, nous avons regardé un documentaire à propos de la défunte réalisatrice féministe Carole Roussopoulos. On y voyait entre autres une dame d’une autre époque se dire contre le droit de vote des femmes, encore plus contre les femmes portées au pouvoir. « Je pense comme mon mari. Je n’ai pas le temps d’aller voter. Elles vont toutes se crêper le chignon si elles sont élues… » affirmait-elle tout bonnement à la caméra. Impossible de rester indifférente à ces propos, qui n’étaient sûrement pas si anodins dans les années 1940.

Un combat à poursuivre

Plus près de nous, au Québec, il est incroyable de réaliser que, il y a à peine 30 ans, les cours d’histoire faisaient carrément fi de l’apport des femmes à la société. Il a fallu quatre historiennes, dont Michèle Stanton-Jean, que nous avons rencontrée lors d’une plénière à l’UNESCO, pour que les femmes prennent leur place dans l’histoire. Avant la parution de L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles du collectif Clio, en 1982, les seules traces que nous avions des femmes dans les livres étaient « quelques religieuses en prière ». 1982, c’était cinq ans avant ma naissance. Aussi bien dire que c’était hier.

Photographie de Sylvie Braibant
« Le qualificatif féministe ne me fait pas peur. Il ne s’agit pas d’être contre les hommes. Il faut pouvoir se promouvoir soi-même à défaut d’avoir une place dans les médias réguliers »
 — Sylvie Braibant, rédactrice en chef à TV5 Monde

Pendant le forum, nous avons aussi eu la chance de rencontrer Sylvie Braibant, rédactrice en chef à TV5 Monde, qui a entre autres fondé Terriennes, le premier portail d’information entièrement consacré à la condition féminine dans le monde. « Le qualificatif féministe ne me fait pas peur. Il ne s’agit pas d’être contre les hommes. Il faut pouvoir se promouvoir soi-même à défaut d’avoir une place dans les médias réguliers », mentionne la journaliste, qui prône la parité autant chez les reporters qu’elle embauche que chez les invités qu’elle interviewe. Si elle peut s’afficher féministe, pourquoi pas moi? N’est-ce pas justement le rôle des médias d’offrir une diversité de points de vue pour briser les stéréotypes?

Si, personnellement, je n’étais pas encore sortie du placard féministe, Anna Reymondeaux, chargée des communications à l’Espace Simone de Beauvoir, se dit pour sa part fatiguée de devoir quasiment « s’excuser » de l’être. Elle en a marre de toujours peser chacun de ses mots pour ne pas froisser les gens avec ses idées et pour ne pas entretenir le cliché de la femme lesbienne et frustrée. « En tant que féministe, je n’ai pas le droit d’être virulente, pas le droit d’être en colère et certainement pas le droit de l’affirmer », déplore la Nantaise, qui a su captiver le groupe lors d’une visite de l’Espace, qui réunit des associations de défense des droits des femmes et qui célébrait son 20e anniversaire. « Il y a un viol en France toutes les sept minutes, et la personne considérée comme violente, c’est la militante féministe? Je trouve cela injuste. C’est pourquoi j’aimerais que la première action des femmes soit d’affirmer qu’elles sont féministes et fières de l’être! »

Compris, madame Reymondeaux!